Chapitre 24 - 16 novembre 2013

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Ces balades automnales étaient un vrai régal pour mon corps de femme enceinte. Cela m’aidait à me remettre de la fausse couche.

Au fur et à mesure que j’entrais dans le bosquet par le minuscule chemin communal, je commençais à entendre parler, au loin. J’ai compris qu’il y avait deux personnes. Je reconnaissais l’une d’elle. C’était un voisin, agriculteur, pour sûr. Mais l’autre voix, je ne l’avais jamais entendue. Tout mon corps s’est mis à trembler et mon cœur à battre la chamade à la seconde où j’ai compris à qui elle appartenait.

C’était sa voix.

Grave, sensuelle, douce, unique.

Quelques secondes après, en continuant de m’avancer, je tombais sur les deux protagonistes en question, me confirmant que je ne m’étais pas trompée. Elle s’est aussitôt tu en me voyant, et n’a pas reparlé avant que je ne quitte la scène. Elle m’a regardée de ses yeux sauvages . Je ne savais plus où me mettre. Les mots restaient coincés au fond de ma gorge. Elle était debout appuyée par le flan contre son 4*4, au bord du chemin. Et l’autre, en plein milieu de la route assurément, avec sa voiture de laquelle il n’était pas descendu. Il en avait simplement ouvert la fenêtre afin de causer un peu avec ma proche voisine.

J’étais complètement électrisée. Je savais que je devrais passer juste devant elle car passer sur le côté me ferait glisser dans la gadoue. Il faudrait sinon que je me fraie un chemin dans le fossé. Ce qui me laissait une seule autre option : passer entre les deux véhicules qui se trouvaient devant moi, et donc près d’elle. Très près d’elle. J’exagérais ma réflexion intérieure en penchant ostensiblement ma tête d’un côté puis de l’autre, et enfin en la regardant intensément et en articulant un « Pardon », sincère mais timide. Je m’avançais comme une petite fille appelée au tableau devant toute la classe et qui n’aurait pas révisé sa leçon, la peur et l’excitation au ventre d’être au centre de toutes les attentions.

Je m’approchais de plus en plus jusqu’à me retrouver enfin presque face à elle. Elle ne me quittait pas des yeux, avec l’air de regarder ailleurs en même temps. C’était un don qu’elle avait.

Je fuyais son regard de manière remarquable et faisait mine de pencher ma tête afin de dire « Bonjour » au voisin - j’ai cru comprendre qu’il s’appelait Jean-Pierre -, dans la voiture. Lorsque ce dernier m’a vue et a compris que c’était moi qui passait devant sa voiture, il m’a dit « Bonjour !», manifestement très heureux de me voir. J’adorais attiser ainsi les convoitises dans le quartier. Tout le monde m’aimait bien parce que j’étais gentille et souriante. Mais en vrai, les hommes m’adoraient parce que j’étais belle et que je donnais envie. J’avais un charisme naturel que je devais à une seule et unique chose : la croyance inébranlable que beaucoup de monde avait, secrètement ou pas, envie de moi.

Quant à ma voisine, je lui faisais certes impression, mais c’était plutôt de l’agacement que je croyais lire dans ses yeux. Son regard était si provocateur ! Le signe irréfutable que je lui plaisais.

À chaque fois que je la croisais, je repensais aux dernières fois où l’on s’était vues, elle et moi. Je me demandais si elle y pensait, elle aussi. Si elle avait envie de moi, le soir, en se couchant.

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