Chapitre 35 - 2 décembre 2013

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Je levais la tête, tout-à-coup, en apercevant une silhouette masculine s’approcher de mon atelier. Je m’avançais vers lui pour qu’il me voie.

- C’est chouette, ici ! S’est exclamé Sébastien.

- J’adore cet endroit, moi aussi. J’y ai tous mes souvenirs. Et j’en crée de nouveaux, maintenant, ai-je ajouté en montrant les ruches.

- Vous ne faisiez pas ça, avant ?

- Non, mon père avait des vaches laitières. Il aurait voulu que je reprenne l’exploitation, mais je suis passionnée par les abeilles depuis longtemps. Je voulais du changement.

- Il ne l’a pas trop mal pris ? Votre père, je veux dire, que vous ne perpétriez pas la tradition ?

- ...

Il ne m’a pas laissé le temps de répondre, manifestement un peu gêné par sa question.

- Ce n’est pas comme ça que ça se passe ? Les jeunes en grandissant deviennent les nouveaux chefs d’exploitation, et permettent aux vieux de voir leurs efforts récompensés en continuant ce qu’ils ont commencé ou eux-mêmes répété ?

- Euh, si, si! Ai-je répondu, en fronçant légèrement les sourcils. Écoutez, je ne crois pas qu’il ait été vexé. Maintenant, il aurait préféré que je fasse comme lui, c’est certain. Cela lui aurait amené une certaine fierté, je pense. Il a cru un moment que ce qu’il faisait n’était pas assez bien pour moi et que c’est pour ça que j’avais choisi l’apiculture. Mais je ne l’ai pas du tout fait par dédain, c’est vraiment passionnel. Je vends mes pots de miel dans une épicerie fine, notamment. C’est là que j’allais quand on s’est bousculé, tout à l’heure.

-Ah d’accord…

- Oh !

Je levais la tête en même temps que la paume de ma main vers le ciel.

- Il commence à pleuvoir, venez! Vous voulez un thé ou un café ?

- C’était à moi de vous l’offrir, normalement !

- Oh, allez, on va pas chipoter !

***

- Je vous admire ! Avoir le cran nécessaire pour tout recommencer, presque à zéro...

- Je suis chez moi, ici. Je n’ai pas pris énormément de risques, non plus.

- Mais vous êtes allée à l’encontre de ce qu’on attendait de vous, pour respecter votre aspiration profonde. C’est surtout ça qui m’épate.

- Merci ! Et vous, alors ? Qu’est-ce que vous faites dans la vie ? Vous habitiez Paris, avant, c’est ça?

- Oui, on vient de Paris. J’étais chef de projet informatique, j’avais beaucoup trop de pression, trop de responsabilités…

Devant mon air incrédule, il s’est senti obligé d’ajouter :

- C’est pas si impressionnant que ça en a l’air, c’est même parfois assez barbant... Bref, on est venus ici se ressourcer, pour attendre notre bébé.

Son visage n’a pas changé d’expression, et pourtant, un voile de tristesse presque imperceptible est venu en assombrir les traits.

- Ça va pas?

- Si, ça va. Je traverse une période compliquée. Je pensais me plaire ici. Et c’est le cas, en réalité. Mais Norah et moi, on est toujours aussi éloignés l’un de l’autre… Je me sens très seul.

- Je suis désolée...

- Pardon de vous raconter tout ça. On se connaît à peine...

Elle me souriait, ne sachant manifestement pas quoi dire de plus.

- Merci de me faire confiance en étant aussi franc.

J’étais assez gênée par ce qui venait de se passer, sans trop savoir pourquoi, en réalité. Je n’avais rien fait de mal.

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