Chapitre 43 - 4 janvier 2014

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Mon ventre s’était bien arrondi. Il avait surtout une forme différente. Il était plus bombé d’un côté que de l’autre, et j’aimais bien cette forme originale. Je ne pouvais plus me mouvoir de la même manière. Souvent il frôlait le rebord des meubles, ou les gens quand je passais trop près d’eux.

Mon bébé était une petite fille, je l’avais appris la veille et j’étais aux anges. Avec les fêtes on avait pris un peu de retard dans le suivi de grossesse, mais tout allait bien. Avec le choc, le jour de cette fameuse échographie où j’ai appris que l’un de mes deux bébés n’était plus là, je n’ai pas demandé lequel des deux je portais encore. J’ai toujours été persuadée de porter une petite fille et un petit garçon. Le gynéco m’a expliqué qu’il était possible que le jumeau décédé ait été une petite fille, cependant, dans mon cas il s’agissait de jumeaux dizygotes, et ceux de sexes différents le sont nécessairement. Ce qui, même si ce n’est pas une explication, me confortait dans mon idée. Le souvenir de mon deuxième bébé - que je ne verrai jamais - restait intact mais la douleur de sa perte était passée.

Alors que je me promenais afin de profiter de la douceur du soleil d’hiver sur mon visage, j’ai aperçu André, le père de ma voisine, l’apicultrice. Je me suis rendue à grands pas dans sa direction. Je lançais un grand « bonjour » accompagné du sourire que je joignais toujours quand je voyais des gens que j’appréciais. Il s’est tourné vers moi et m’a saluée en souriant.

- Bonjour Norah, tu vas bien ? Je te présente mes meilleurs vœux pour la nouvelle année.

- Oui je vais bien ! Merci, et bonne année à vous aussi !

- Merci.

- Dites-moi j’ai vu Caroline passer… ai-je entamé en pointant l’index vers chez eux.

- Ah oui, elle est à la maison.

- Ça tombe bien, j’ai quelque chose à lui demander.

- Et bien vas-y, fais comme chez toi ! Je te l’ai dit la dernière fois ! M’a-t’il invitée en tendant le bras amicalement.

- Oui ? Merci !

Je me rendais donc chez lui, toute excitée à l’idée de peut-être rencontrer ma belle inconnue…

Lorsque je suis arrivée devant cette magnifique longère, elle m’a à nouveau impressionnée par sa taille. Mais aussi parce que – et ce devait être de plus en plus rare, le toit était en chaume. Elle devait plus être toute jeune, cette maison. Je trouvais ça émouvant, mais ça me faisait un peu peur, aussi, pour une raison que j’ignorais. Je m’avançais sur le porche et frappait trois fois.

Rien.

Je frappais de nouveau, plus fort cette fois-ci…

Quelques secondes plus tard, toujours rien.

Je tournais la tête sur la droite et y ai vu une porte cochère sur le côté de la bâtisse. J’entendais des éclats de voix enfantines qui en provenaient. Je décidais donc d’aller y frapper. Des petits pas ont couru vers la porte et l’ont ouverte. Je baissais la tête pour saluer mon jeune voisin. Puis, je levais la tête à nouveau en ayant aperçu une silhouette un peu plus loin, dans la pénombre.

- Bonjour ! ai-je dis à ma mystérieuse voisine en penchant la tête de côté, avec un léger sourire. Est-ce que Caroline est là, s’il vous plaît?

Pour seule réponse, elle s’est tournée, et a disparu derrière une porte en bois, au fond de la remise, qui devait autrefois accueillir des chevaux, peut-être des vaches. Je n’avais entendu sa voix que deux fois, dont une seule fois volontairement. J’aurais bien dit qu’elle était timide avant qu’elle ne me voie en train de pleurer, la fois dernière. Mais je crois en fait qu’elle était extrêmement réservée. Je pressentais qu’elle ne parlait pas, ou peu et difficilement, lorsqu’il y avait plus de trois personnes autour d’elle. Le fait qu’elle m’ait accordé ce privilège signifiait donc beaucoup.

Caroline est apparue quelques secondes plus tard et m’a accueillie avec un sourire :

- Tiens ! Comment ça va ?

Elle s’est approchée avec un grand sourire et m’a fait la bise. J’ai hésité une seconde avant de répondre.

- Ça va, merci.

Je voyais ma belle du coin de l’œil qui avait légèrement levé la tête. Puis, l’avait baissée instantanément. Elle avait capté mon hésitation, et ça me touchait.

Je souriais en reprenant mon souffle.

- Et vous, comment allez-vous ? ai-je répondu avec un peu trop de retard.

- Bien, merci.

Elle n’a pas cherché à en savoir plus ; sûrement de la discrétion. Nous ne nous connaissions pas assez pour approfondir en ce sens.

J’essayais de ne pas lever la tête vers ma douce quand je la sentais faire un mouvement du coin de l’œil… et de me focaliser sur le visage de Caroline, à défaut d’écouter vraiment ce qu’elle me disait. Mon hôtesse m’a invitée à passer dans la pièce d’à côté et m’a offert un café. J’étais soulagée et déçue en même temps. Son visage me manquait déjà. Je voulais la voir agir et se mouvoir encore et encore jusqu’à en connaître le moindre petit détail. Je décidai de couper court à mes fantasmes du moment afin de me focaliser sur Caroline et sur la raison de ma visite. Je devais déjà paraître suffisamment ailleurs pour ne pas en rajouter en étant à côté de la plaque dans la conversation.

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