Les dieux jumeaux

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Quartier modeste de la cité d'Opale, jour de marché. La rue fourmille, et l'air était embaumé d'odeurs riches et variées. Chaque commerçant y allait de sa voix puissante ou nasillarde, pour tenter d'attirer à eux une clientèle majoritairement féminine. Profitant d'une seconde d'inattention d'un maraîcher, un petit vagabond chaparda une pomme rouge sur l'étal. Il s'enfuit ventre à terre, emportant son larcin dans la poche de son veston sale.

Il fonça tête baissé lorsqu'une ombre à sa gauche attira son regard. Son cerveau analysa immédiatement l'obstacle et il l'esquiva in extremis, manquant de percuter de plein fouet un vieillard appuyé sur son bâton aussi grand que lui. Il n'eut pas le temps de s'excuser, et préféra jurer dans sa tête contre les vieilles personnes qui se trouvaient toujours au milieu du chemin. Il disparut au tournant d'une ruelle sombre et nauséabonde.

Le vieil homme n'avait pas bronché. Il continua son chemin, imperturbable, la large capuche de son manteau rabattu sur sa tête. Il avisa un tonneau appuyé contre un mur et jugea qu'il ferait un bon siège. Il s'en approcha, grimpa dessus et replia ses jambes sous lui, s'asseyant en tailleur malgré le peu de place.

À cet instant, comme s'il existait un signal invisible, plusieurs personnes qui passaient devant lui le reconnurent. C'était le petit vieux qui, selon les on-dit, racontait de merveilleuses histoires. De bouche à oreille, sa renommée commençait à poindre. En quelques minutes, plusieurs badauds s'agglutinèrent devant lui, et même les marchands près de lui se turent, tendant une oreille indiscrète par-dessus leurs marchandises étalées.

Tous attendaient son histoire.

Un rictus amusé se dessina sur ses lèvres, puis il releva la tête et contempla la petite foule.


" Approchez, approchez, peuple ! Je vais vous conter une histoire. Celle des jumeaux Oarmu et Inahi, fils de la Déesse Lovéa, la déesse de l'Amour et de la Concupiscence. On eut dit qu'elle était la plus belle créature qu'il était donné de voir, et que nul ne pouvait résister à ses charmes divins.

Leur naissance et leur enfance furent particulières. Selon la légende, Oarmu fut le premier né des deux. Lovéa rencontra Apolo, le dieu de l'extase et de l'envie, alors qu'elle se baignait dans un lac suite à une petite virée sur Érelda. Apolo, qui l'aperçut s'amusant et bavardant avec ses servantes, de magnifiques nymphes, fut immédiatement conquis. Il sortit du découvert et se montra. Après quelques échanges, Lovéa l'invita dans l'eau. Il se déshabilla immédiatement et, une fois nu, la rejoignit. Lovéa chassa ses servantes pour se retrouver seule avec ce bel homme. De leur union, Oarmu fut issu.

Quelques jours plus tard, Lovéa se promenait seule dans les jardins suspendus du monde divin, profitant de la tranquillité et de la paix qui y régnait pour se reposer. C'est là qu'elle fit la malheureuse rencontre d'Achéron, fils du terrible dieu Morcraus, celui-là même qui règne en maître sur les Enfers. Doté d'une beauté juvénile et mortelle et ayant le même caractère que son paternel, il était inconsolable qu'on le lui résiste. Alors lorsque la déesse de l'Amour résista à ses avances incessantes, il prit de force sa fleur.

Ce n'est que lorsque la déesse donna naissance qu'on découvrit qu'elle portait deux enfants. Le premier Oarmu était l'enfant du dieu Apolo. Mais le second, Inahi, était le fruit du drame dont avait été victime Lovéa. Mais elle ne considéra jamais son enfant comme responsable, et elle donna aux deux le même amour.

Bien qu'ils furent élevés pareil, les deux jumeaux de pères différents ne se ressemblaient point : en grandissant, Oarmu était un magnifique jeune garçon d'une beauté solaire. À l'adolescence, il était le portrait craché de son père : fort, magnifique, généreux et frivole. Il prônait l'amour partout où il allait et semer joie et bonheur.

À l'inverse, son frère avait hérité des gènes d'Achéron et de Morcraus : il était fier, hautain, orgueilleux et possédait le charisme puissant à l'image de son père, et avait hérité du machiavélisme de son grand-père. En secret, il vouait une haine féroce à son frère jumeau, qui ne cessait d'attirer les regards et les compliments du panthéon. Si sa mère l'aimait de tout son cœur, il en était différent avec les autres dieux. Après tout, il était un enfant né d'un viol.

Il grandit en nourrissant sa rancune et apprit à se délecter du malheur des autres. On raconte même qu'il avait juré à son grand-père de régner un jour ou l'autre sur le panthéon...

Vous l'aurez compris, cette légende est donc à l'origine de la différenciation entre notre Bien et notre Mal, ici à Érelda. Chaque personne en ce bas monde a déjà été tentée par le Mal. Cela est normal de douter pour de simples mortels, mais je vous en conjure : ne basculez pas du mauvais côté, ne succombez pas aux charmes d'Inahi. Évitez par tous les moyens « d'osciller entre Oarmu et Inachi » ».

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