Il était beau, mon amoureux
Allongée dans l'herbe, les yeux plantés dans les nuages, je soupirai lorsqu'une ombre me cache le soleil. Prête à pester contre cet empêcheur de tourner en rond, je me redressai vivement et rencontrait le menton d'un homme. Sa barbe amortit quelque peu le choc, mais pas assez. Je frottai ma tête en grimaçant.
- Ça va, mon amour ? pouffa-t-il.
- Comment veux-tu que ça aille ?
Je tentai de le fusiller du regard, mais bien vite les éclairs disparurent. Je me ramollissais à son contact. C'était comme ça depuis ce jour où il m'avait attendue à la sortie du travail, un paquet de bonbons dans la main. Il en grignotait toujours. Je n'arrêtais pas de lui dire d'arrêter. C'était mauvais pour la santé. Il ne m'écoutait pas et haussait juste les épaules.
Ses lèvres s'écrasèrent sur les miennes avant que ne puisse dire quoi que ce soit. Puis, il s'affala sur la pelouse, la tête appuyée sur mes cuisses. J'avais quitté les nuages. Ils se reflétaient dans ses iris noirs, comme un lac profond au beau milieu d'une nuit sans Lune. Son nez brillait un peu au soleil. Il avait eu chaud à courir pour ne pas arriver trop tard. Cela ne m'avait pas empêchée de trépigner d'impatience durant quinze bonnes minutes.
Un long soupir lui échappa. Il noua ses doigts aux miens et caressa la tache de naissance sur mon poignet, petite habitude qu'il avait quand on se lovait l'un contre l'autre. La chevalière qu'il portait à l'annulaire droit me fit mal. Alors il desserra sa prise.
- T'es belle, me dit-il simplement.
Je souris. Il avait le don de me faire sourire. Il lui suffisait de quelques mots, d'un regard, d'une caresse et je me sentais bien. Je me penchai sur lui et embrassai son front couvert de petits cheveux. Les cheveux de bébé, comme disait ma mère. Il en avait plein, ils frisottaient et il détestait ça. Moi, j'aimais bien. De toute façon, même sans eux, sa chevelure brune restait indomptable. Je bataillais pour qu'il passe chez le coiffeur, mais il refusait ardemment. Alors, il se retrouvait avec ces espèces de boucles brunes emmêlées sur sa nuque. Si nous n'avions été qu'amis, je ne l'aurais pas loupé. Mais amoureuse que j'étais, il m'arrivait de trouver cela mignon. Sexy même. C'était ridicule.
- Tu m'as manqué, soufflai-je.
Ses lèvres s'étirèrent. J'eus terriblement envie d'y goûter, après trois jours sans m'en délecter. Leur pulpe ferme rebondit sur les miennes. Sa barbe me griffa le menton. Peu importait, j'aimais ça, ce petit picotement qu'elle provoquait sur mon visage à chaque baiser.
Il était beau, mon amoureux. Il le savait. Quand on s'était rencontré, il en avait joué. J'avais juré ne pas tomber sous son charme ravageur. J'avais renchéri que je résisterai, même quand, après son entrainement intensif de boxe il s'était débarrassé de son t-shirt. J'avais dû gober quelques mouches à ce moment-là. Il avait eu ce rictus moqueur sur les lèvres, le même qui s'y dessinait à chaque fois qu'il me battait au Monopoly.
- Tu sais, j'aurais pas dû être en retard, me susurra-t-il, une main sur ma hanche.
- Sans blague, ironisai-je. Je n'ai pas arrêté de te le dire.
- J'ai pas pu faire autrement.
- Pourquoi ? m'étonnai-je.
Il recula, me dévora du regard, sa lèvre inférieure pincée entre ses dents. Il arborait un air espiègle qui ne présageait rien de bon. Il avait l'air bien trop fier de son coup.
- Un problème d'organisation avec mon frère. En attendant... Tu crois que tu serais prête à supporter mes retards pour le restant de tes jours ? bredouilla-t-il, manquant soudain d'assurance.
- Oui. Mais je vais quand même t'acheter une montre, juste pour que je ne mette pas fin à tes jours avant la fin des miens, ris-je, émue.
J'étais comme ça quand je ne savais pas quoi dire, quoi penser. Je racontais n'importe quoi. J'essayais de détendre l'atmostphère. C'était pas la meilleure idée de le faire alors qu'il me demandait en mariage. Mais c'était mon amoureux, il rit, m'embrassa et me rappela que c'était pour ça, qu'il m'aimait. Parce que je le surprenais toujours. Lui aussi, pour le coup.
Annotations
Versions