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Un lourd manteau de neige recouvrait les sapins fichés au flanc de la montagne.


Dissimulée derrière des billes de pins et armée de pignons, Eylin bombarda la croupe du cheval de halage. L’animal irrité renâcla et prit le galop semant le désordre sur le chantier.

Eylin détala à vive allure sur le sentier forestier menant au village. Loin, derrière elle, trois bûcherons furieux tentèrent vainement de la rattraper. Alors que ses poursuivants renonçaient à la chasser, elle bifurqua brusquement vers une laie peu fréquentée. Ses amis l’attendaient déjà dans la petite cabane cachée au milieu des arbres. Ils avaient fui dès la première pomme de pin.

Le visage cramoisi par le froid et sa course, un sourire grand comme un croissant de lune, elle fit une révérence, fière du tour qu’elle venait de jouer aux boquillons.

Serrés l’un contre l’autre derrière une caisse en bois délabrée, Hrafn et Jana esquissèrent tout juste un sourire. La crainte de se faire prendre se lisait encore dans leurs yeux.

— T’as pas peur Eylin, murmura Hrafn.

Eylin posa violemment la dernière pomme de pin sur la table improvisée.

— Peur de quoi ?

Hrafn sursauta.

—Ta blague c’était pas gentil, si t’es pas sage, le père Noël ne viendra pas.

— Tout ça, c’est des âneries de grands pour qu’on reste tranquille.

Jana enroula un bras autour des épaules de son frère. Elle essuya avec un bout de son écharpe les quelques larmes qui perlaient aux yeux de Hrafn.

— Dis pas ça, il n’a que huit ans. T’y croyais toi aussi !

— D’accord, d’accord, mettons que j’ai rien dit.

Eylin se tourna vers la porte de la cabane et grommela :

— Mais on a dix ans toutes les deux, maintenant quand même !

Ni le frère ni la sœur n’entendirent cette dernière remarque. Le jour déclinait en ce quinze décembre mille huit cent cinquante-trois sur ce coin perdu d’Islande. Il était grand temps de rentrer.

La première boule-de-neige frappa Eylin dans le dos. Il s’ensuivit une furieuse bataille qui leur fit retrouver le sourire. Elle ne cessa que devant la porte des maisons de chacun.

— J’suis là, m’man cria Eylin.

— Tu t’es occupée des poules ?

— J’y vais !

Elle sortit rapidement avant d’entendre les récriminations de sa mère au sujet des tâches à accomplir avant de s’amuser.

Prés du poulailler, elle alluma une lanterne afin de dissiper l’obscurité grandissante. Les graines pleuvaient en s’échappant sa main. Les poules se bousculaient sous l’averse et les cris d’encouragement.

— Petites, petites, pchi pchi pchi !

Soudain, du coin de l’œil, elle perçut une ombre grotesque se détacher de la fenêtre de la cuisine.

Le temps de tourner la tête, la silhouette avait disparu. Un sentiment de malaise l’envahit.

— Qu’est-ce que c’était que ça ?

Elle rentra précipitamment et raconta ce qu’elle avait vu à sa mère.

— Haha, ce sont les lutins de Noël qui commencent leurs facéties dans le village ! Rit-elle.

— Pfff, n’importe quoi !

Le dîner achevé, Eylin et ses parents s’installèrent devant la cheminée. Le feu ronflait, il faisait bon. Son père, pour la énième fois lui narra l’histoire des lutins de Noël, les fils des trolls des montagnes.

Plus tard, couchée dans son lit, seule dans le noir, l’édredon remonté jusqu’au nez, Eylin ressassait ces histoires de trolls. Elle ne voulait pas le reconnaître, mais ça l’inquiétait un peu.

Elle finit par s’endormir. Des songes troublants s’immiscèrent dans son esprit.

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