Chapitre 12 – Lucie
Chapitre 12 – Lucie
Mercredi 5 mars 2014. Fort de France
Après avoir vainement tenté de garder son calme, Lucie prétexta un besoin urgent, prit ses affaires et sortit prendre l’air, laissant Marcel et le chirurgien à leur discussion.
Elle était littéralement sous le choc, effondrée et en larmes. Ne parvenant plus à respirer, elle se mit à courir droit devant elle. Une seule phrase résonnait dans son esprit : « Vous ne pourrez jamais avoir d’enfants ». L’abattement se transforma bientôt en une rage folle. Ils n’avaient pas le droit de la priver ainsi du bonheur d’être mère ! Elle ne l’acceptait pas. C’était tellement injuste ! Lucie pensa aussitôt à Marcel et son coeur se déchira. Jamais ils n’auraient l’occasion de voir leur enfant grandir à leurs côtés, de reconnaître les traits de l’un et de l’autre sur son petit visage ou dans son caractère. Mais si elle ne pouvait pas porter l’enfant de l’homme qu’elle aimait, à quoi lui servait son corps ? Il lui sembla à cet instant n’être plus qu’une coquille vide.
En arrivant sur le parking, la jeune métropolitaine tenta de recouvrer ses esprits et inspira profondément. Elle ne devait pas céder à la panique ni au désespoir. Son mari n’avait jamais eu autant besoin d’elle à ses côtés, elle devait faire face. Oui... Mais comment ? C’est à ce moment-là qu’elle décida de rentrer au plus vite à l’appartement afin de faire des recherches sur ce fameux produit qui avait dévasté leur vie à jamais, persuadée, sans trop savoir pourquoi, qu’elle n’obtiendrait pas davantage d’informations de la part de l’hôpital.
Lucie sortit les clés de sa poche, monta dans sa voiture et prit la direction du centre ville, déterminée à aller jusqu’au bout dans sa quête de vérité.
C’est en arrivant à quelques encablures de son domicile, bloquée par les barrières de sécurité qui encerclaient le périmètre, que la jeune femme réalisa, en ce mercredi des Cendres, que les carnavaliers épuisés vivaient leur dernier jour de festivités. Ce soir, au crépuscule, « sa Majesté Vaval* », après des obsèques dignes de son rang, entourée d’une population en deuil, serait immolée en place publique ou plus exactement sur la plage dans les cris et les pleurs d’une foule désespérée. Une tradition dont Marcel lui avait longuement parlée et qu’il lui avait décrite comme étant la plus émouvante de tous les jours gras. Lui précisant qu’un véritable avis d’obsèques était toujours diffusé à la radio le matin même afin d’annoncer comme il se doit la mort du roi de la fête. Et dire qu’ils ne seraient même pas ensemble pour vivre ce moment. De nouvelles larmes perlèrent sur ses paupières, qu’elle essuya d’un revers de main rageur.
*Figure géante, très colorée, changeant de traits chaque année, en fonction de l’actualité. Personnage principal du carnaval.
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