Chapitre 15 – Lucie/Hubert de Saint-Brys

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Chapitre 15 – Lucie/Hubert de Saint-Brys


Mercredi 5 mars 2014. Fort de France


Lucie retourna à son appartement, abattue, mais toujours décidée à agir. Elle monta les escaliers quatre à quatre, pressée de se retrouver à l’abri des agressions sonores provenant de l’extérieur, n’étant plus en mesure désormais d’apprécier l’ambiance carnavalesque qui régnait dans la capitale. La jeune femme s’installa à nouveau devant son ordinateur. Depuis qu’elle avait vu Mariette, une idée avait germé dans son esprit, mais pour la mettre à exécution, elle avait encore besoin d’informations. Une fois ces dernières en sa possession, la jeune métropolitaine profita du reste de la journée pour mûrir son plan. Avant de sortir, elle avala un verre de rhum, histoire de se donner du courage, puis se rendit jusqu’à sa voiture, entra les renseignements dans son GPS et quitta le centre ville. Elle roula de longues minutes avant d’atteindre le lieu qu’elle s’était fixé.



Pendant ce temps, dans le centre ville, les carnavaliers avaient entamé leurs derniers tours de vidé. « Sa Majesté Vaval » se tenait fière et droite pour sa dernière parade, dont l’avancée inexorable annonçait sa fin prochaine. Peu à peu, le crépuscule descendait sur la ville. Si l’on avait tendu l’oreille, on aurait presque pu entendre les cris et les pleurs de la foule attendant que le feu du brasier éclaire enfin le ciel.



Arrivée à destination, Lucie ouvrit sa portière et sortit sans faire de bruit. Dehors, le jour amorçait son déclin. Bientôt, grenouilles, sauterelles et grillons se laisseraient aller à leurs chants réguliers, pour ne s’arrêter qu’au lever du soleil lorsque les oiseaux prendraient la relève. La jeune femme tendit l’oreille, aucun bruit ne provenait de l’habitation, ni de la véranda partiellement éclairée. Elle décida alors d’avancer dans cette direction. À pas feutrés, à la seule lueur de la voûte céleste, elle se fraya un chemin pendant que sa main droite, enfoncée dans sa poche, enserrait fermement l’objet. Arrivée aux abords de la terrasse, elle aperçut un homme de profil, affalé dans un rocking-chair. La tête penchée sur le côté, l’un de ses avant-bras pendant lamentablement, il semblait endormi. Sur la table, près de lui, traînait une bouteille de rhum, vide. Visiblement, il n’en était pas à son premier verre. Comme il ne bougeait pas, elle s’approcha lentement, le contourna puis le dévisagea. C’était bien lui, c’était bien le même homme que sur les photos ! Il avait juste l’air plus vieux, plus fatigué.



Une rage froide et implacable s’empara aussitôt de Lucie. Il fallait que cette pourriture paye pour Marcel, pour leur vie gâchée, ainsi que pour toutes les autres qu’il avait sacrifiées en toute impunité. Joignant le geste à la parole, elle sortit le stylo de sa poche et d’un mouvement décidé planta l’aiguille dans le cou du dormeur, tout en appuyant à plusieurs reprises sur le bouton d’injection afin de libérer l’ensemble des doses d’insuline qu’il contenait. Ceci ne prit que quelques secondes. Puis elle disparut.



Hubert de Saint-Brys, l’esprit encore embué par les vapeurs d’alcool, sentit un dard s’enfoncer douloureusement dans son cou. En homme habitué à côtoyer toutes sortes d’insectes tropicaux et à moitié ivre, il pensa tout naturellement à un gros moustique, qu’il tenta vainement de chasser d’un revers de main approximatif, sans ouvrir les yeux. Mais de longues minutes plus tard, les effets de l’insuline aidant, le tableau n’était plus exactement le même.


Tout à fait éveillé à présent, Hubert de Saint-Brys ne semblait plus aussi détendu. Hagard, pris de tremblements, en sueur, il ne comprenait visiblement pas ce qui lui arrivait. Son visage avait changé de couleur, virant du rouge au blanc. Affolé, il regarda de tous côtés, cherchant de l’aide, tout en sachant pertinemment que personne ne viendrait à son secours. En effet, sa femme et lui avaient passé la journée à fêter la fin du carnaval avec leurs amis habituels, qui s’étaient éclipsés en milieu d’après-midi. Ensuite, son épouse Églantine l’avait informé qu’elle allait se coucher tôt du fait d’un mal de tête récurrent. À cette heure-ci, elle devait déjà dormir d’un sommeil profond. De toute façon, elle n’avait certainement pas oublié de mettre ses boules Quiès sans lesquelles elle ne parvenait plus à fermer l’oeil, en raison des ronflements titanesques de son époux. Il n’y avait donc aucune aide à espérer de ce côté-là.


Hubert de Saint-Brys, de plus en plus faible, ressentait maintenant de fortes palpitations au niveau de la poitrine. Il posa sa main droite sur son coeur et dans un dernier effort, essaya en vain de sortir de sa chaise. Son unique but étant de rentrer à l’intérieur de l’habitation où se trouvait son téléphone afin d’appeler les secours. Ses jambes ne le portant plus, il s’effondra sur la terrasse. Allongé de tout son long, en état d’hypoglycémie avancée en raison de sa forte consommation d’alcool mélangée à l’injection d’insuline, il sombra peu à peu dans le coma, mais son coeur lâcha avant d'y parvenir tout à fait.


















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