33. Dépendance
L’agent immobilier, est grand blond aux yeux bleus, avec un léger accent breton. En me voyant arriver à son office en tailleurs, il a tenu à avoir un entretien dès ce jour. Assis à son bureau, il me demande :
— Vous êtes à la recherche de quel type de bien, maison ?
— Oui. Ras-le-bol des appartements. Une petite maison, pas trop grande en périphérie. Je travaille à l’ouest de Rennes.
Il clique, regarde son écran et son regard s’illumine :
— J’ai du choix. Pas mal de choix, mais je crois que j’ai cerné ce qui pourrait vous plaire. Attendez… Je n’ai aucune option sur elle. Il y a peu de travaux, mais elle est assez isolée. Je pense que vous allez vouloir signer rapidement.
C’est un peu effronté de penser trouver la maison qui me plaira en quelques minutes. Il tourne son écran vers moi et la photo lui donne raison. La première moitié est une extension récente, la seconde moitié une ancienne étable en granit.
— On peut la visiter quand ?
Il grimace :
— Alors un soir dans la semaine…
— Je repars sur Paris dimanche soir.
— Dans ce cas, ce soir. Vingt heures ?
Est-il tant persuadé de vendre qu’il est prêt à rogner sur sa soirée ? J’accepte, ignorant encore si elle va me plaire. La seule certitude brûlante au fond de moi, c’est que cette bicoque dépareillée ne tombe pas dans ma vie par hasard.
C’est donc tard, en compagnie de Marion, de Lucas et de Maelys que je me rends à l’adresse. La maison n’a pas encore soulevé d’éventuels acquéreurs, et nous réalisons pourquoi lorsque nous la découvrons, plus petite que ce que laissaient imaginer les photographies, et surtout isolée et uniquement accessible par cinq minutes de petites routes étroites.
Un rosier grimpant en fleur sinue le long du mur en pierre et Maelys dit :
— C’est joli !
L’agent nous ouvre et une odeur d’urine de chat et d’humidité nous prend au nez. Ce coup-ci, Maelys grimace :
— Ça pue !
— Les anciens locataires avaient beaucoup d’animaux. Les propriétaires, eux, sont dans le Sud, donc ils ne viennent l’entretenir que tous les deux mois. C’est pour ça qu’ils vendent.
Les pièces sont si vides qu’elles paraissent petites, mais le sol en tomette dans la vieille partie me séduit beaucoup. J’imagine déjà le salon. Le vendeur poursuit :
— Il y a un petit garage, les combles ont commencé à être aménagés, l’isolation est en partie faite.
À l’intérieur, c’est plus labyrinthique que l’extérieur ne le laisse imaginer. Les deux parties ne sont pas tout à fait de même niveau, donc trois marches permettent d’accéder à la partie récente élevée sur un vide sanitaire. Elle comprend la cuisine, la salle de bains et le garage. Entre les deux se trouvent l’accès à l’arrière. Le petit jardin n’a pas été tondu depuis un moment. Un étendoir à linge passe d’une haie à l’autre, et il y a une balançoire en bois qui n’a pas l’air en trop mauvais état. Les rayons de soleil donnent envie de poser un transat et de s’y allonger. Aucun vis-à-vis n’étant possible, je pourrais me balader nue sans gêner personne ou envisager d’y lutiner une invitée.
L’agent immobilier nous laissant le soin de visiter à notre convenance, je me penche vers Lucas pour lui demander son avis :
— Qu’est-ce que t’en dis ?
— Faudra changer les fenêtres côté vieux. Après, c’est un peu isolé.
— C’est ce que j’aime.
— C’est toi qui vois. Ça changera dans tous les cas de ton appartement. Et puis ce n’est pas trop grand.
Marion revient vers nous puis dit toute souriante :
— Trop bien ! Non ? Je me vois bien venir ici.
C’est donc entendu, je hèle le commercial :
— Les frais d’agence sont compris dans le prix ?
— Tout à fait.
— Vous pouvez mettre une option sur celle-ci, je contacte ma banque dès mon retour à Paris.
Un sourire embellit son visage, ça aura sûrement été la vente a plus facile de son année.
Il n’était pas trop tard pour trinquer un coup à Rennes. Marion a couché Maelys, mon frère s’est effondré de sommeil, et j’ai terminé ma douche.
Marion se glisse dans le lit sans éteindre la lumière puis passe une jambe par-dessus mes hanches. Son nez glisse sur ma nuque.
— J’aime bien ton gel douche.
— Savon neutre pour peau brûlée.
Marion me laisse me tourner sur le dos puis s’installe à califourchon sur mon ventre. Elle me dit :
— Ton frère a été super toute la journée. Si demain se passe aussi bien, je pourrai me flageller pour toutes ces années sans lui.
— Ah…
Ses doigts glissent sous mon débardeur et chatouillent ma peau. Comprenant ses intentions je lève les bras, puis elle me l’enlève au fur et à mesure de sa remontée. Pianotant sur mes seins, elle me dit
— J’aime trop ton tatouage.
Ses doigts se font de plus en plus caressants, puis, sentant le sujet lui brûler les lèvres, je la questionne :
— Tu vas lui dire oui demain soir ?
Elle enlève son débardeur, mettant à nu sa petite poitrine. Elle me répond en se penchant sur mon visage :
— J’ai envie de profiter de notre dernière nuit ensemble.
Malgré toutes les promesses que je me suis faites, mon cœur se serre malgré-lui, fermant le robinet à libido. Ma tête se moque un peu de lui en lui rappelant que c’était écrit d’avance. Mon corps s’agace de cette baisse d’excitation. Alors pour la faire revenir, il prend le contrôle et envoie ma bouche embrasser celle de Marion. La langue de mon amante a une façon très à elle d’embrasser. Ce contact humide et tiède suffit à rouvrir les vannes du désir. Mes mains descendent le long de son échine. Sentir le relief de ses os sous sa peau douce, c’est comme combler le manque provoqué par une drogue.
Notre baiser ne cesse que lorsque les muscles de nos mâchoires se font douloureux. Elle avoue elle-même sa dépendance à notre relation :
— Ça va me manquer.
Je tire sur l’élastique de son pantalon de pyjama. Comprenant le message, elle tombe sur mon côté gauche. D’un même geste, nous levons nos bassins pour nous dénuder, nous poussons nos vêtements avec nos pieds, puis tournons nos corps nus l’un vers l’autre. Marion empoigne ma fesse droite pour presser nos pubis l’un contre l’autre. Elle me confie à mi-voix :
— Y a un truc que j’ai bien aimé, avant-hier.
— Attend, on en essaie un autre.
Je me place au-dessus d’elle et glisse ma jambe entre ses cuisses. En tâchant de ne pas être trop malhabile, je comprime son mont en glissant lascivement. Petit à petit, alors qu’avec une certaine délectation, je sens son huile imprégner ma peau, je recouvre moi aussi sa jambe de nectar abondant. Nous glissons toujours mieux, et le plaisir grimpant, Marion ondule légèrement sous mon corps.
Son corps se cambre sensuellement, et en silence. Hors de question qu’elle s’arrête à cet petit orgasme. Ce soir, il faut qu’elle soit accroc à mes charmes. Il faut qu’à l’avenir, dans les bras de Lucas, elle ne pense qu’à moi.
Je glisse deux doigts entre ses pétales froissés. Elle gémit si fort qu’elle s’en mord les lèvres de peur que Lucas nous ait entendus. Cette réaction incontrôlée me satisfait plus que tout. Mon frère pourra comprendre que ce qui se passe derrière la porte qui nous sépare, c’est une chose que jamais il ne saura offrir à Marion. Deux doigts dans son corps et par quelques pressions occasionnelles du pouce sur son rubis, je jure que je vais la faire danser toute la nuit.
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