50. Romance
La chaleur de l’appartement n’est pas retombée et c’est sans drap que je me réveille, l’aube bleuissant à peine le ciel entre les rideaux que nous avons mal fermé. J’ai la bouche pâteuse. Je me lève et traverse le couloir sans un vêtement pour gagner la salle de bains. Je me fiche de croiser une des amantes, et je sais que mon frère a le sommeil lourd.
Je me brosse les dents puis regagne le lit. Giulia le visage caché dans ses cheveux, referme un bras autour de moi. Elle murmure :
— J’ai cru que tétais partie dans le lit d’une autre.
— Pas sans toi.
— Tu sais de quoi j’ai rêvé ?
— Non.
— On était dans cette chambre et il y avait au moins dix filles qui te faisaient l’amour. Et moi je regardais en buvant du vin rouge.
— C’était frustrant ?
— Non. Je regardais. Ce qui comptait, c’était que tu prennes du plaisir. C’est comme si je vérifiais que tout se passe bien.
— Tu devrais partager tes rêves par télépathie, parce qu’ils ont l’air cool.
— Faudra prendre mes cauchemars avec.
— Dans ce cas, raconte-moi les détails.
— Il y en avait une qui te léchait en même temps qu’une se frottait, ce qui est impossible. Mais c’est ce qui est cool avec les rêves.
— Et les autres ?
Alors déjà, tu étais dans cette position.
Giulia s’assoit et ses mains m’ouvre les cuisses.
— La première fille faisait ça, et tu n’avais pas de tatouage.
Elle s’assoit entre mes jambes et ses doigts glissent sur ma peau. Je ferme les yeux et me laisse porter par son rêve. Les doigts finissent par laisser place à la bouche. Et inévitablement, la pointe de sa langue finit par arriver avec légèreté sur la capuche de mon clitoris. Ma respiration s’approfondit, puis l’extrémité de sa langue poursuit sa promenade le long de mes nymphes, m’effleurant à peine, ouvrant mes pétales avec délicatesse. Ma peau toute entière frissonne.
Jamais Giulia n’a procédé avec tant de précision et presque de poésie. Ses doigts ont toujours été plus habiles que sa bouche. Avec la langue, c’est d’ordinaire sauvage, pas aussi délicat. Toujours avec légèreté elle soulève délicatement mon bourgeon, puis tourne autour. Je soupire pour lui dire combien j’aime son idée, puis tremble délicieusement.
— Tu deviens douée, soupiré-je.
— Est-ce qu’Élisa sait faire ça ?
Je n’ai pas le temps de répondre, ses lèvres aspirent mon clitoris entre elles et me volent un gémissement. Mon corps se cambre et je plaque l’oreiller sur mon visage pour étouffer les cris que je laisserai échapper par mégarde. Giulia s’en réjouit et elle se met à alterner les caresses de la langue et les succions. Je crie dans l’oreiller, les mains de mon amante retiennent mes hanches qui se tortillent pour fuir. L’orgasme me foudroie, asphyxie mes cris, mon ventre se creuse en profondeur.
Lorsque mon corps retrouve sa souplesse, Giulia retire l’oreiller et me demande droit dans les yeux :
— Alors ? Par rapport à Élisa ?
— Tu l’as battue, soufflai-je.
— Bien. Comme ça je suis sûre que même si tu vas voir ailleurs, je te manquerai toujours.
Je caresse ses flancs et remonte vers sa poitrine qui me surplombe. Elle sourit :
— Je n’ai pas encore fini.
Ses cheveux tombent sur mon visage et sa bouche descend sur mon sein tatoué. Sa langue tourne autour de mon téton. Mon corps peine à se détendre, les frissons me reprennent. Délicatement, elle descend mon tatouage. D’une main, elle plaque l’oreiller sur mon visage, puis son souffle se perd à nouveau dans les reliefs de ma vulve. Délicatement, tendrement, elle réitère la même opération.
Quarante minutes et deux orgasmes supplémentaires plus tard, elle m’embrasse sur la bouche et se lève, me laissant abrutie d’endorphine, l’entrecuisse fourmillant comme si des milliards de moustiques vibraient à l’intérieur. Elle m’observe intensément, depuis sa hauteur. J’admire son élégance dans la nudité, malgré ses cheveux décoiffés. Elle esquisse un sourire victorieux. Elle sait qu’elle possède désormais mon cœur et mon corps. Si ça suffit à la protéger du virus de la jalousie, ça me va très bien. Je ne serai pas contre une vaccination périodique très régulière.
— On ne dirait pas qu’une si jolie bouche est capable de faire d’aussi bonnes choses.
— Tu trouves que j’ai une jolie bouche ?
— Je l’adore.
— Je vais prendre une douche. Tu viens ?
Je roule sur le lit et me lève pour la suivre. J’attrape sa main et nous courons nues, sur la pointe de pieds, à travers le couloir.
Nous fermons la salle de bains à clé puis le temps que l’eau chauffe, j’écrase mes seins contre les siens et l’embrasse langoureusement. Je passe ma main entre ses cuisses pour mesurer son émoi. Ravie d’y trouver une source chaude et abondante, je la pousse sous les jets du pommeau.
— Je te savonne.
Un sourire gourmand et carnassier étire son visage, elle lève les bras au-dessus de la tête et ferme les yeux. Je coupe l’eau, puis remplie le creux de ma main de savon avant d’attaquer sa poitrine. Je couvre sa peau de savon, des talons aux fesses, des fesses aux omoplates. Je m’attarde consciencieusement sur le Mont de Venus, puis me colle contre elle pour l’embrasser langoureusement.
Nos corps glissent simplement, les tétons se chahutent entre eux alors que le frotte mon pubis contre le sien. Malgré l’aspect fiévreux de son visage, je note la chair de poule sur ses cuisses, alors je remets l’eau à couler. Giulia donne un coup de hanche vers moi, un appel à ce que je continue. Je diminue la pression d’eau. De deux doigts j’écarte ses lèvres, et je tourne la paume vers son clitoris. Elle lâche un cri de surprise, en se recroquevillant, heurtant le mur avec le pas de son dos. Puis, sans ouvrir les paupières, elle revient doucement vers mes mains. J’écarte à nouveau ses chairs et je replace le jet. Ses cuisses tremblent, sa bouche s’entrouvre. Je lui laisse deux secondes de répit, et elle soupire :
— Mio Dio !
Je reprends, elle tremble à nouveau, crispe ses doigts contre la faïence. Mes deux doigts dans ses chairs semblent à eux seuls la maintenir debout. Son ventre se bande et l’orgasme l’emporte. Putain ! Qu’elle est belle !
Enveloppées de nos serviettes, nous sortons et Marion nous interpelle.
— Voilà les plus heureuses.
Nous avançons vers elle et Élisa qui l’aide à mettre la table du petit-déjeuner.
— Pourquoi ? lui demande la petite blonde. T’es en couple aussi.
Marion ne peut retenir un sourire embarrassé par l’honnêteté :
— Ça avait l’air particulièrement bon.
— En plus, trois fois en une heure, ajoute Élisa, les yeux brillants. Si vous avez fini avec la salle de bain, parce que faut que je change de culotte. Entendre Élodie crier comme ça m’a transformée en esprit putride.
Elle s’éloigne vers la salle de bains. Giulia me regarde pour savoir si j’ai compris à quoi fait référence la petite blonde. Je hausse les épaules. Marion demande :
— C’est quoi le programme ?
— Nous habiller, et faire les courses avec Clémence.
— Que les courses ? minaude-t-elle.
— Que les courses, tranché-je.
Giulia fait pianoter ses doigts heureux entre mes omoplates et me dit :
— Je vais voir si elle est réveillée.
Elle s’éloigne et Marion en profite tout de suite pour me confier :
— J’adore Giulia. Mais je t’avoue que je suis jalouse, même si je suis contente que tu dois en couple. C’est un peu égoïste, mais j’avais vraiment imaginé t’avoir toi et ton frère en même temps.
— Ça fait partie des leçons de vie que nombreux gens ne veulent pas entendre : on ne peut pas tout avoir.
— Ouais. Faut faire des choix.
— Ce sont les choix les plus douloureux qui nous forgent. Pour savoir si tu as fait le bon, demande-toi lequel te donnera des regrets.
— À quoi bon ? C’est trop tard, Giulia est rentrée dans ta vie, et Lucas est un mec en or. Je suis contente de ce qu’il y a eu entre nous. Je regrette un peu de ne plus pouvoir compter les fées.
J’ouvre ma serviette et lui dis :
— Opération portes ouvertes.
Marion pouffe de rire en regardant quelqu’un derrière-moi. Je regarde par-dessus mon épaule en refermant la serviette
— N’importe quoi ! s’exclame Giulia.
— C’est bon, me défends-je. Laisser regarder, ce n’est pas tromper. — Giulia s’avance vers moi. — Elle m’a dit que mon tatouage lui manquait. C’est pas…
— Pourquoi tu flippes ? Je ne t’ai rien dit. Et je suis d’accord qu’une œuvre d’art, ce n’est pas fait pour être cachée. — Elle m’embrasse sur la bouche. — Je vais habiller la Venus de Milan.
Je fais un signe à Marion que je suis désolée, puis emboîte a pas à Giulia qui disparaît dans notre chambre. Je laisse tomber la serviette sous mes fesses tout en m’éloignant pour cadeau aux yeux de la grande brune. Puis je la remonte avant de passer la porte.
Giulia se tourne vers moi, nue, et me détaille de bas en haut.
— Je ne le referai plus, promis.
— Je m’en fous que les autres te matent. Je préfère quand ce sont les autres qui sont jalouses de moi, que moi d’elles.
Elle enfile ses sous-vêtements. Je me dis que son raisonnement se tient. J’enfile un jeans, mi bleu sombre, mi bleu clair. Puis un t-shirt mi-blanc, mi-rose. Une licorne bicolore est en travers. Elle est blanche en et rose. Seul l’arc-en-ciel garde ses mêmes couleurs de chaque côté. Je le mets pour faire plaisir à Élisa, sa créatrice, et parce que j’ai envie de changer du tailleur. Giulia choisit un chemisier de soie gris très clair, légèrement bleuté, et un collier ras-cou en velours noir avec un diamant en pendentif. Je me demande si je lui offrirais un bijou. Elle s’approche de moi, tire le t-shirt vers le pas pour cacher la peau de mon ventre et murmure :
— Ça va ?
— Oui. Je n’avais pas vu ce collier. Il te va bien.
— Il me fait penser à toi.
— Pourquoi ?
— Pendant des années, ma mère portait un diamant serti dans un collier en argent. Quand on était gosses, c’était tout un symbole. Jamais on n'aurait imaginé notre mère sans ce collier. Quand mes frères étaient ados, elle disait : on ne peut pas empêcher l’argent d’étinceler. Donc si on veut sortir avec un bijou sur soi, il faut accepter les regards des autres. Et pour compléter sa métaphore, elle ajoutait que si on l’enferme, l’argent ternit, et qu’alors il n’étincelle plus, pas même pour celui qui le possède.
— Et donc, je suis ce bijou en argent ?
Ses mains s’agacent que mon t-shirt se tendent et découvre le bas de mon ventre. Sa bouche me vole un baiser, ses doigts laissent une caresse sur mes hanches, et nous retrouvons les filles à la table du petit-déjeuner.
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