52. Pitance (partie 1)
Nous sommes mardi soir. L’absence de Giulia fait comme un vide. J’ai envie de ses bras, j’ai envie de son affection. Si je pouvais confier ce manque à ma mère, après une journée d’éloignement, elle se moquerait de moi. Elle me dirait qu’à son époque, elle n’avait pas le téléphone. Peut-être me dirait-elle de relativiser, que je ne suis plus une adolescente. Hélas, même les petites piques verbales, je ne le connaîtrai plus.
Assise sur le lit en serviette, à attendre que Clémence ait terminé, je m’ennuie. Giulia est au cours de close-combat, je ne peux même pas l’appeler. Je pense à Clémence dont les hormones ont perturbé son sommeil dans la nuit de dimanche à lundi. Son odorat humait le stupre saphique qui imprégnait le lit depuis la fin d’après-midi. J’ai envie de pousser la porte de la salle de bains d’entrer dans la douche et de sentir sa peau. Cette part animale ne cesse de me répéter que Giulia ne s’en offensera pas et qu’au mieux, elle n’est pas obligée de le savoir. Ma part humaine me dit que dans tous les cas, par respect pour les sentiments de mon amante, je ne dois m’apaiser. L’habitude d’utiliser le hasard m’empêche de trancher entre mes deux instincts. La douche a arrêté de couler. Je fais sauter la pièce. Face rayée, tout est autorisé. Je me lève et pousse la porte. Clémence est en train de s’essuyer. Un regard neutre se pose sur moi et elle dit :
— La place est libre.
Elle s’entoure de sa serviette par politesse et se place face à son miroir. Je jette la mienne par-dessus la porte vitrée, et ses yeux s’attardent sur le reflet de mon corps nu. Je m’approche dans son dos et hume l’odeur de son shampooing. Je vois pardessus son épaule juste la partie droite de mon visage. Ce vert laiteux, presque reptilien qui me ramène à la métaphore de Giulia. C’est comme si j’avais deux visages, et celui-ci est le reflet de mes instincts les plus primaires. Le visage de Clémence, lui, est immobile, dans l’attente.
Mes doigts pianotent sur ses épaules musclées, et elle me laisse lui ôter sa serviette. La pièce ayant décidé, je n’ai plus aucune hésitation. Je colle mon corps contre son dos brûlant, glisse mes mains sur sa taille et embrasse sa nuque. Sa voix souffle d’envie :
— Et Giulia ?
— Elle n’est pas là.
Je remonte mes mains et pétris ses seins. Ses yeux s’entreferment. Je hume ses phéromones qui s’agitent. Je pourrais faire durer cette simple étreinte des heures, car c’est ce dont j’ai besoin : de la chaleur humaine. Je l’informe :
— T’as le droit de dire non.
Elle ne répond rien alors je cherche à allier la fermeté qu’elle aime à mes envies de chaleur. Je glisse mes mains sur son dos et la caresse tout en l’invitant à se pencher en avant. L’une remonte dans ses cheveux, l’autre descend vers sa croupe. Ses deux mains se posent sur l’armoire suspendue, sa croupe se cambre, et ma paume passe sur sa prune juteuse.
Surprise de découvrir une excitation aussi rapide, je goutte ma main, puis m’accroupis. Je l’inviter à écarter les pieds, puis baise avec légèreté ses cuisses pour la faire languir. Ma langue s’hasarde sur son fessier, s’approche progressivement des plis de son intimité, puis finit par la fendre. Un soupire s’échappe de la bouche de Clémence contre le miroir. Je la goûte pendant une minute, répand sa cyprine sur toute sa vulve, puis me redresse. Mon pouce s’enfonce dans l’écrin de nectar épais et chaud, et mes autres doigts se positionnent de part et d’autre du clitoris. Je l’enserre, varie mes pressions autour de lui, et observe le reflet du visage de la comptable. Si en journée, il est d’une placidité à toute épreuve, ce soir, il est d’une expressivité limpide.
J’interromps mon exploration, saisis ses épaules et la retourne sèchement face à moi. Je saisis ses fesses rondes et plaque son pubis contre le mien. J’ondule à l’écoute de mon propre plaisir, m’écrasant contre elle. Les premiers gémissements qu’elle lâche me rappellent notre trio savoureux dans mon bureau. Je l’attire par la nuque et dévore sa bouche. Elle est incapable de réagir, pliée vers moi, son bassin immobile subissant en tremblant. Je raffermis ma poigne dans ses cheveux et les spasmes de l’orgasme la paralysent. Je laisse passer les vagues, puis, je l’agenouille devant moi. Je conduis sa bouche à mon sexe. Ses premiers lapements couvrent l’ensemble de ma vulve. Mes muscles se resserrent malgré moi. J’oblige Clémence à lever le menton et à ne s’occuper que de ma perle. Elle se révèle plus efficace qu’attendue. J’agrippe le rebord du lavabo d’une main et laisse le plaisir m’emporter à son tour.
Je l’aide à se relever, et l’étreins contre moi. J’ai envie de douceur. Tant pis pour la douche. Je recule à petit pas vers la chambre, et m’allonge sur le lit sans décoller nos corps. Je remonte les draps, emmêle mes jambes aux siennes. Elle ne dit rien, mais elle semble plus apaisée que jamais. Je devrais culpabiliser pour Giulia, mais cette sérénité qui émane de Clémence l’en empêche. Au contraire, je suis fière de lui avoir apporté un réconfort, plus efficace que les mots.
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