Manigances

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D’un mouvement de tête lent, presque nonchalant, Lucius Malefoy laissa traîner sur Hermione un regard acéré. Ses narines frémirent à peine, mais son dégoût était palpable. Après quoi, il détourna les yeux pour se tourner vers sa belle-sœur.

— Bellatrix, articula-t-il d’une voix mesurée, qu’est-ce que c’est que ce cirque ?

Il ne prêta aucune attention à Goyle, toujours affalé sur le lit, la respiration lourde, le regard vide. Bellatrix inclina la tête, un sourire paresseux étirant ses lèvres.

— Nous nous amusons, Lucius, répondit-elle d’une voix traînante. Tu as l’art de tomber au mauvais moment.

Lucius s’avança, sa cape effleurant le sol, et Bellatrix perdit son sourire. Il n’était plus l’homme qu’il avait été - ils le savaient tous les deux. La peur et l’échec l’avaient dépouillé de son arrogance, mais pas de son intelligence.

— Tu as toujours eu un goût douteux pour le divertissement, répliqua-t-il d'un ton sec. Nous avons mieux à faire. Yaxley devient un problème.

— Yaxley est un parvenu, répliqua Bellatrix avec nonchalance. Un imbécile qui croit que notre Maître l’écoute.

Lucius la toisa.

— Le problème, c’est qu’il a bel et bien l’oreille du Seigneur des Ténèbres. Et nous, nous n’avons plus rien.

Bellatrix s’immobilisa. Un éclat étrange traversa ses yeux.

— Ce n’est pas vrai.

— Vraiment ? siffla Lucius. Quand l’as-tu vu, Bellatrix ? Quand t’a-t-il parlé comme avant ?

Il y eut un silence. Bellatrix soutint son regard, mais une ombre passa dans ses yeux. Ses doigts crispés sur sa baguette trahissaient une tension qu’elle n’admettrait jamais.

— Il… il est occupé, finit-elle par souffler. Il a des plans que nous ne comprenons pas.

Lucius esquissa un sourire sans chaleur.

— Des plans ? Cela fait des mois qu’il ne convoque plus ses fidèles comme avant, qu’il se cloître dans ses quartiers et ne se montre qu’à peine. Même Yaxley en profite pour dicter ses ordres en son nom. Tu crois vraiment qu’il nous surveille encore comme avant ?

Bellatrix ouvrit la bouche pour répliquer, mais aucun son n’en sortit. Elle se mordit la lèvre, furieuse. Hermione, immobile, observait la scène et sentit un étrange sentiment d'espoir la gagner alors qu'elle réfléchissait à ce qu’elle venait d'entendre. Voldemort se retranchait dans l’ombre, absent, distant… affaibli.

Elle savait pourquoi.

Elle n’avait pas besoin d’entendre leurs doutes pour deviner la vérité : les Horcruxes détruits avaient au moins eu cet effet. La victoire de Voldemort n’était qu’apparente : il n’était plus que l’ombre de lui-même, et seule Hermione en comprenait la raison.

— Nous devons être prudents, reprit Lucius Malefoy. Et toi, tu devrais renouer avec Rodolphus. Tu es une Lestrange, et tu es une femme mariée. Ne l’oublie pas.

Bellatrix ricana d’un rire sans joie.

— Comme si j’avais besoin de Rodolphus. Il ne compte pas. Je ne lui ai jamais appartenu.

Elle se redressa, un éclat étrange dans les yeux, le menton relevé avec une fierté mordante. Ses doigts glissèrent sur sa propre peau, effleurant sa clavicule comme si elle caressait une marque invisible. Un sourire lent étira ses lèvres, empreint d'une satisfaction trouble.

— Rodolphus ne m'a jamais rien dicté, poursuivit-elle. Il n'a jamais su me comprendre, ni même m'approcher comme… d'autres l'ont fait.

Lucius haussa un sourcil, mais elle continua, s'approchant de lui, le forçant à reculer d'un pas.

— Il y a des liens qui ne s'expliquent pas, Lucius. Des serments qui ne se brisent pas. Qu’importe que le reste du monde doute… Moi, je sais où est ma place.

Elle se détourna, un éclat presque possessif dans son regard sombre. Lucius se contenta de secouer la tête, exaspéré.

— Peu importe, répondit-il. Ce qui importe, c’est que nous nous débarrassions de Yaxley. Il abuse de son influence, il se croit intouchable, et il nous éclipse aux yeux de notre Maître.

Bellatrix croisa les bras, méfiante.

— Et que proposes-tu, Lucius ? Que nous conspirions contre lui comme des rats apeurés ?

— Que nous le piégions, corrigea Malefoy d’un ton froid. Yaxley est arrogant, persuadé d’être au sommet. Il suffit de lui tendre un piège, de provoquer une erreur fatale. Une faute impardonnable aux yeux de notre Maître.

Le regard de Bellatrix s’assombrit.

— Non, dit-elle. Je ne me risquerai pas à passer pour une traîtresse. Il nous observe, Lucius, il veille encore. Et lorsque l’heure viendra, il me rappellera à lui.

Lucius serra les dents.

— Tu es aveugle, Bellatrix. Il n’a plus besoin de toi. Tu es une relique, un vestige du passé. Et si nous ne faisons rien, nous tomberons pour de bon.

Bellatrix sourit, un sourire cruel et sûr d’elle.

— Tomber avec toi… ou triompher à ses côtés. Je choisis d’attendre.

Hermione, toujours silencieuse, sentit un frisson glacé lui parcourir l’échine. Son corps était endolori, le froid assaillait sa peau nue, l’odeur âcre de sueur qui imprégnait la chambre la faisait presque suffoquer. Immobile et silencieux, juste en-dessous d’elle, Goyle avait perdu de sa vigueur, et son sexe s’était de lui-même retiré du sien ; le contact de sa peau contre la sienne demeurait tout aussi désagréable, lui faisant l’effet d’une caresse insidieuse. Elle était plus impuissante que jamais, et pourtant ! Ce qu’elle venait d’entendre confirmait une vérité que les Mangemorts n’avaient pas encore comprise. La faiblesse de Voldemort se révélerait tôt ou tard ; Bellatrix, avec son aveuglement fanatique, refusait de le voir, mais certains, comme Lucius Malefoy, la remarquaient déjà. Se pourrait-il qu’une brèche commence à fissurer l’unité des Mangemorts ?

Lucius laissa échapper un soupir las et se détourna.

— Comme tu voudras. Tant pis pour toi, Bellatrix. Je ne peux pas te sauver contre toi-même. A présent, tu ferais mieux de rhabiller celle-la.

Sans un mot de plus, Lucius Malefoy quitta la pièce. Un instant, Hermione craignit que Bellatrix ne souhaite reprendre les choses là où elles en étaient au moment où Malefoy les avait interrompus ; le désir de divertissement semblait toutefois avoir quitté sa geôlière. Bellatrix roula des yeux, et d’un mouvement de baguette, elle fit réapparaître la robe froissée d’Hermione, laquelle vint immédiatement envelopper la jeune sorcière. Le tissu rêche frotta contre sa peau marquée, et elle dut ravaler une nausée de dégoût. A présent qu’elle était vêtue, elle réalisait avec une acuité redoublée l’horreur de ce qu’elle venait de vivre. Goyle, toujours étendu sous elle, grogna faiblement, comme s’il émergeait d’une transe confuse. Il n’avait pas bougé, la bouche entrouverte, le regard vide.

— Bouge, Goyle, ordonna sèchement Bellatrix. Tu es répugnant.

Le concerné se redressa maladroitement, marmonnant une excuse indistincte avant de se laisser glisser sur le côté, libérant enfin Hermione de son poids. Ses yeux stupides firent quelques aller-retours entre Bellatrix et Hermione, comme s’il attendait de l’une d’elles qu’elle lui dise ce qu’il devait faire. A l’issue d’un silence gênant, il finit par ramasser à la hâte ses vêtements, et il quitta la chambre.

Restant seule avec sa tortionnaire, Hermione sentit une peur panique l’envahir. La sensation s’accentua lorsque Bellatrix glissa une main dans ses cheveux.

— Tu as donné satisfaction ce soir, petite Sang-de-Bourbe. Dommage que nous ayons été interrompus… cela ne fait rien. Nous avons tout le temps devant nous.

Les mots résonnaient dans l’esprit d’Hermione comme un écho douloureux. Elle sentait la terreur l'envahir lentement, comme un poison qui se diffusait dans son corps. Elle savait que Bellatrix était imprévisible, dangereuse, mais l’intensité de la menace qu'elle incarnait la submergeait complètement. Hermione déglutit difficilement, les mains tremblantes, son corps tout entier tendu, figé sous le regard de sa tortionnaire. Elle aurait voulu bouger, fuir, mais tout en elle se refusait à obéir. La simple présence de Bellatrix lui inspirait un effroi profond, un mélange de honte et de peur qui l’étouffait. Bellatrix, comme si elle ressentait cette soumission, se redressa lentement, observant Hermione de haut en bas, comme un serpent guettant sa proie. Elle esquissa un sourire cruel.

— Tu te sens mal, n’est-ce pas ? Tu penses à tes petits copains ? Je me demande ce qu’il en penserait, ce pauvre Harry, s’il t’avait vue à l’oeuvre ce soir… oh, ma pauvre, c’est tellement cruel…

Hermione baissa les yeux, incapable de soutenir le regard perçant de Bellatrix. La honte l’envahissait, et l’humiliation de sa situation était un poids écrasant. Sa bouche était sèche, et elle n’arrivait même pas à articuler un mot en réponse. Elle n’avait jamais été aussi impuissante, aussi faible. Bellatrix s'approcha encore un peu, caressant sa chevelure d’un geste lent et mesuré, de manière possessive, la forçant presque à se pencher en arrière sous son contact.

— Je pourrais t’en faire baver encore plus, tu sais, souffla Bellatrix. Mais tu as l'air tellement... fragile, tellement parfaite dans ta petite douleur. Tu as cette faiblesse en toi, cette peur qui te rend encore plus... mignonne.

Ses doigts glissèrent lentement sur la peau de la jeune sorcière, l’effleurant avec une douceur trompeuse, comme si elle caressait un objet précieux. L’odeur de sa peau, de sa sueur, de la chambre étouffante se mélangeait, et Hermione se sentait se perdre dans cette atmosphère pesante, accablante. Un frisson la parcourut alors que Bellatrix la relâchait enfin, ses doigts quittant ses cheveux avec une lenteur exaspérante.

— Tu n'as nulle part où aller, nulle part où te cacher. D’ailleurs, qui voudrait de toi après ce que tu viens de faire ? Tu m’appartiens, désormais. Tu es à moi, Hermione… à moi.

Un long silence s'installa, un silence lourd et oppressant. Hermione était figée, son cœur battant la chamade, son esprit noyé dans la terreur. Elle n’avait aucune idée de ce qui allait suivre, mais la seule chose qu’elle savait, c’était qu’elle n’avait aucun moyen de l’arrêter. Ses jambes tremblaient, et elle se sentait totalement vulnérable, incapable de se défendre, incapable de lutter.

Finalement, Bellatrix glissa une main sur sa joue et approcha son visage du sien.

— Pour aujourd’hui, ce sera tout, murmura-t-elle. Dors, Hermione, repose-toi. Tu en auras besoin.

Son visage franchit la distance qui les séparait encore, et ses lèvres se posèrent sur les siennes avec une infinie douceur. Elle y déposa un court baiser, avant de se retirer.

— Pour aujourd’hui, ce sera tout. Dors, Hermione, repose-toi. Tu en auras besoin.

Bellatrix tourna les talons et se dirigea vers la porte, laquelle se referma derrière elle dans un bruit sec.

Hermione resta là, seule dans la pièce froide et vide. Elle s’effondra sur le lit, la respiration saccadée. Une terreur indescriptible la tenaillait, et elle savait que ce n'était que le début. Le début d'une souffrance qu'elle n'était pas prête à endurer, mais qu'elle ne pouvait fuir.

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