Souvenir(s)
Vous l'aurez compris, quand un nouveau chapitre apparaît, c'est rarement positif.
Comment arrivez-vous à oublier quelqu'un ? Parce que je ne vais pas tourner autour du pot 107 ans cette fois-ci, c'est le sujet. Ça fait deux mois et pourtant, je m'en souviens comme si c'était hier. Et la douleur est aussi forte qu'avant, le manque toujours aussi présent qu'avant.
D'habitude, j'arrive à complètement oublier l'autre au bout de quelques semaines maximum. Mais c'est vrai que cette fois-ci, je n'avais jamais connu ça auparavant.
Oublier quelqu'un, c'est plus facile à dire qu'à faire. Plus facile quand tout autour de toi ne te le rappelle pas : le bar dans lequel on avait bu un verre, le parc où on s'était promené, le miroir devant lequel on s'est brossé les dents, le lit qu'on avait partagé, une chanson qu'il m'avait fait découvrir.
Le pire dans tout ça, c'est que je n'arrive pas à voir mes amis sans parler de lui au moins une fois. Je ne sais pas s'ils s'en rendent compte, s'ils savent que je ne suis toujours pas passé à autre chose. Moi, je m'en rends compte et j'aimerais arrêter, mais il est mon modèle de comparaison. Et j'en use et en abuse pour tout. C'est ma référence et je n'ai aucun regret à passer au détecteur de différences les personnes que je rencontre. J'ai l'impression que nul autre ne sera aussi bien que lui. Ils n'apportent que déception sur déception : ils n'ont pas la même odeur, pas la même façon de bouger, pas le même sourire ni le même rire, pas le même accent, pas ce petit quelque chose qui m'a tout de suite attiré.
Je n'arrive plus à établir le contact avec qui ce soit, ce même contact qu'on a eu, comme si ça avait été une évidence. Et je sais que c'est entièrement de ma faute.
J'aimerais oublier cette personne, complètement, mais le moindre effleurement de mon cerveau, du côté de mes souvenirs et voilà qu'elle refait surface, emplissant toutes mes pensées. Et il ne se passe pas une journée sans que ce ne soit le cas, à degré variable. Un coup, ce n'est qu'une vague réminiscence, un autre coup, c'est une vague de souvenirs qui remontent à la surface.
Ce qui me tue le plus, c'est que je ne sais pas si de son côté, c'est pareil. Est-ce que je hante ses pensées aussi ? Est-ce qu'il se souvient de moi ? Est-ce qu'il me rend visite comme moi je le fais ? Je n'ai aucun moyen de le savoir, et je pense que c'est le pire.
Il y a tant de choses que j'aimerais lui demander, tant de choses que je ne comprends pas et que je n'ai pas compris dans ses agissements. Je soupçonne que ce soit dans le but de se protéger, comme moi je l'ai fait.
J'ai conscience que je nourris tout au fond de moi, bien enfoui, l'espoir de le revoir. Je ne veux pas lui parler, car cela attiserait la douleur, comme on remue les cendres pour que le feu reprenne vie. Mais je veux le revoir. Je veux qu'on me dise que c'était une blague, qu'on restera à mes côtés pour toujours, parce que toi et moi, on ne peut pas se séparer. Te reverrai-je un jour ?
Je ne veux pas. Mais je brûle d'envie de le vouloir.
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