Une page se tourne
Aujourd'hui a eu lieu ma dernière journée de cours à la faculté. Mes années universitaires sont derrière moi, désormais.
C'est un sentiment bizarre de se dire qu'on ne remettra plus les pieds dans ces bâtiments qu'on a fréquenté pendant cinq au minimum. En réalité, je serai amené à y retourner, mais je ne suis déjà plus réellement un étudiant.
Et quel étudiant ! Je me rappelle encore de mon premier jour comme si c'était hier, la première fois que je rentrais dans un amphithéâtre plein à craquer de 500 personnes pour écouter mon premier cours à la fac ; aujourd'hui, nous étions à peine 25 dans une petite salle.
J'étais un tout jeune adulte, qui venait de quitter le foyer familial et qui était livré à lui-même. Cette liberté, je l'ai cherchée et je l'ai voulue, et je ne la regrette pas. C'est arrivé à une période de ma vie où c'était nécessaire, voire vital pour moi, et je pense que ça m'a sauvé, d'une certaine manière.
Cette liberté et ces années universitaires ont été enivrantes. J'ai vécu mille et une choses, rencontré des centaines de personnes différentes. J'étais cet adolescent timide et maladroit, je suis devenu un adulte plus affirmé et sûr de lui. La fac m'y a contraint d'une certaine manière, quand bien même je ne le voulais pas : mes études me le demandaient, ma vie sociale et le rapport avec les autres également.
Certains voient les études supérieures comme un gouffre sans fond terrorisant. Ce n'était pas mon cas : j'ai toujours été suffisamment indépendant et organisé pour survivre, pour m'adapter et j'ai eu cette chance de tout de suite adorer ce que j'étudiais.
Mais j'ai aussi souffert pendant cette année. Je pense que ça n'avait jamais été le cas jusque-là. Peut-être était-ce dû au passage à l'âge adulte, ou au contre-coup de cette indépendance, comme le revers de la médaille. Certainement que la Covid a eu son effet, bien que je ne pense pas que ça aurait changé quelque chose si nous n'avions pas eu cette épidémie.
J'ai souffert et je me suis perdu. Influencé, peut-être un peu trop curieux, je me suis perdu dans mes relations avec les autres, avide de découvrir tout ce que la vie pouvait m'offrir. J'ai tendance à dire que c'était parce que j'étais jeune et par conséquent, aussi influençable. Je pense encore aujourd'hui que c'était le cas. J'en ai pâti, j'ai aussi couru après le bonheur, d'une certaine manière, sans savoir qu'il ne se résumait pas une seule chose.
On dit toujours que la vie n'est pas tendre et c'est le cas. J'ai dû apprendre de mes erreurs et continuer d'aller de l'avant. Oh, je sais bien que j'en ferai encore probablement, et que je garderai certains schémas, mais j'en suis maintenant plus conscient que jamais et c'est donc plus facile de lutter contre.
J'ai aussi perdu des personnes, perdu des sentiments et perdu mes derniers liens avec mon enfance. Ces choses-là, je ne pourrai jamais les retrouver alors je chéris les souvenirs qu'il me reste.
J'ai aussi vécu mes premiers échecs, tant sur la vie académique que personnelle. J'essaye de me convaincre du fait que ce qui compte ce n'est pas l'échec en lui-même, mais les leçons qu'on en tire et ce qu'on décide d'en faire, parce que je suis persuadé que c'est la vérité. Une vie sans échec ne peut pas être bonne et pérenne, car on ne se rend pas compte de ses erreurs et on ne change donc pas. Il ne faut pas se laisser démonter ou démoraliser, et savoir se relever.
Pendant ces années, j'ai aussi découvert des sentiments merveilleux, j'ai fait entrer des personnes incroyables dans ma vie, d'autres en sont sortis après avoir fait leur temps. Aujourd'hui, certaines partiront aussi, j'en suis sûr. Je ne peux que me consoler en me disant qu'elles laissent leur place pour que d'autres puissent la prendre.
Je pense que je n'ai jamais aussi vécu intensément qu'en ces quelques années. Vous me direz, c'est bien normal, avant, j'étais un enfant et c'était impossible. Et pourtant.
Etonnemment, je ne regrette rien de ces années. Si j'avais des regrets, alors ça signifierait que l'adolescent d'il y a quelques années a fait tout de travers ou a mal fait les choses, et je refuse de penser à ça : je n'ai pas mal agi, j'ai juste fait ce qui me semblait le plus juste et le mieux pour moi quand j'en avais besoin.
Ces années universitaires, ce temps qui a passé, se fait ressentir sur bien des aspects : le moral et la façon d'aborder à présent la vie, mais aussi sur le physique. J'ai toujours un sourire attendrissant aux lèvres quand je me revois tel que j'étais à dix-huit ans. J'ai toujours trouvé un peu ridicules les personnes qui s'adressaient à leur "moi" d'il y a quelques années en arrière avec une lettre ou un message vocal. Aujourd'hui, je les comprends. J'aurais aussi voulu me dire que tout irait mieux ou du moins, que les fardeaux s'allégeront et que je remonterai la pente. En prendre conscience aujourd'hui me fait dire que ce sera la même chose aussi dans quelques années.
Je ressens un pincement au cœur à l'instant où j'écris tout ça. Une page se tourne et la prochaine est vierge de toute écriture. Mes études sont en principe finie et je n'ai aucune idée de ce qu'on attend de moi, dorénavant. Quand je suis entré à la fac, je savais pour combien de temps j'en aurais et je savais quel était mon objectif final : être diplômé.
Aujourd'hui, je n'ai que des objectifs à court-moyen terme. Et c'est terrorisant. Je suis incapable de m'imaginer dans trois ans, ni même dans un an. Je ne sais pas où je serai, ni ce que je ferai et si j'aurais réussi mes objectifs. Et que va-t-il se passer si je ne les atteins pas ? Je sais que, dans ce cas, le monde n'arrêtera pas de tourner, ni la vie de continuer, mais réussirai-je à nager dans ces eaux troubles ?
Au final, ces appréhensions sont certainement les mêmes que celles passées. Leur cœur est identique, même si elles ne prennent pas la même forme. Et je suppose que la vie est ainsi : on ne sait jamais ce que le futur nous réserve.
J'ai au moins une certitude : ces années m'ont fait grandir, voire peut-être changer d'une certaine manière. Ça ne cessera jamais, comme il en va pour les doutes et les questionnements. Mais je pense qu'en fin de compte, c'est ainsi qu'on avance : à pas lents mais sûrs, mais sans jamais faillir et en restant soi-même.
Je me fais la promesse de toujours me rester fidèle.
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