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Je rentre du chemin de l'école primaire d’Angèle, que je viens de déposer aux portes de l'établissement. Les oiseaux pépient dans les branches des platanes bordant la route. Le soleil timide en ce début du mois de novembre, brille entre deux nuages.
Lorsque je pénètre dans le hall baigné de pénombre de mon appartement, un sentiment de malaise me saisit. Je traverse le salon avec la sensation que je ne suis pas seul. Bien entendu, la pièce est telle que je l'ai laissée à peine une heure plus tôt : Angèle a encore étalé ses poupées Barbie sur le tapis qui borde le canapé avant de partir pour l'école, et la télé en veille projette une image de paysage.
Un bruit provenant de la chambre d’Angèle me fait dresser l’oreille.
« C'est n’importe quoi, me dis-je, pourquoi y aurait-il quelqu'un à l'intérieur ? J'ai fermé la porte à clé en partant, je viens de l'ouvrir ! »
Pour dissiper le doute irrationnel qui m'envahit, je fais volte-face d'un mouvement rapide, qui ne laisse pas de temps au suspens.
Mais rien. La cuisine silencieuse me regarde de ses yeux vides : le four et la machine à laver, dans chaque coin. Je fais le tour des pièces avec impatience. Évidemment, il n'y a personne.
« Je viens de fouiller mon propre appartement, alors que je dois régulièrement persuader Angèle qu'il n'y a aucun monstre sous son lit… Ridicule. »
Mais cette sensation de ne pas être seul entre ces murs familiers est toujours là, palpable.
« Ça y est, je deviens parano. Est-ce que les traumatismes de mon passé avec Thelma m'ont atteint au point de devenir taré comme elle ? »
Soupirant, désabusé, je gagne le canapé.
Des pas résonnent alors dans le couloir, derrière le salon. Des pas nets, résolus. Pas les craquements caractéristiques du parquet qui travaille.
Ça ne peut pas être un tour de mon imagination, et je refuse de croire que j'ai sombré dans la paranoïa comme ça... Une bouffée de terreur me cloue sur place. Tous mes muscles sont crispés, mais je ne sais pas si face à un cambrioleur, ils me dicteraient de fuir ou d'affronter le danger. Dans l'immédiat, je suis juste figé sur le canapé.
À nouveau, je perçois les bruits de pas, plus proches. Pas de doute, il y a bien quelqu'un ici, et bon sang, je ne l'ai même pas vu en faisant le tour des pièces...
Un rapide coup d'œil autour de moi m'indique que je n'ai qu'un choix limité d'armes dans mon champ : au mieux, des poupées Barbie, au pire, la télécommande.
C'est alors qu'une voix que je reconnaîtrais entre mille, perce l'insupportable silence.
– Bonjour, Guillaume.
Une décharge d'angoisse pure me foudroie. Ma respiration s'accélère, je peux entendre mes tempes battre le tempo de mon cœur affolé.
« Comment... ? »
Aucune pensée cohérente ne parvient à se faire une place au milieu de la cohue mentale qui m'assaille. J'ai beau être convaincu de ne pas me tromper, mon cerveau ne parvient pas à traiter cette information. Parce qu'elle est insensée, parce que c'est impossible...
Et soudain, la silhouette qui habite mes rêves autant que mes cauchemars émerge au beau milieu du salon, coupant court à mes doutes.
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