La Fuite : Suite IV.
Heinrich.
Les couleurs de l’aube percèrent à travers les pins, qui se faisaient de plus en plus clairsemés, donnant une teinte rougeâtre, irréelle, à la forêt en éveil. L’épaisseur de neige s’amenuisait également, laissant percevoir quelques touffes d’herbes par endroit, signe que nous arrivions assez près de la mer pour que son climat réchauffe l'atmosphère. Nous sortîmes après quelques instants de la forêt sombre, débouchant en bordure du plateau des Effeyrides qui marquait la séparation entre la région du même nom et celle de Jikmul, où se trouvait Thyria. Surplombant le paysage d’un kilomètre de roches, nous pouvions d’ailleurs distinguer les pointes de la cathédrale de Thyria au lointain, noyées dans la lueur du soleil levant.
- Il va nous falloir abandonner nos montures, dis-je en mettant pied à terre.
En effet, la descente du plateau était trop à-pic, et relevait même à certains endroits de l’escalade. Des cordes assez solides pour résister au temps avaient été placées là des décennies auparavant, rivées à la falaise par des pieux massifs enfoncés profondément, afin de permettre sa descente et, pour les plus téméraires, son ascension. Il existait évidemment des points de passage pour relier les deux régions, des chemins sinueux creusés dans la roche, juste assez larges pour un chariot, mais ceux-ci étaient trop éloignés, et le temps nous manquait.
Je me tournais vers mon amie qui avait mis pied à terre et regardait vers l’horizon, au loin, vers notre quête, l’air songeur. Le soleil se levait doucement, illuminant son visage quelque peu assombri par la crainte. Je pris le temps de la regarder, car je ne n’en avais pas encore vraiment eu l’occasion depuis mon entrée impétueuse en sa demeure.
Ses traits étaient fins, harmonieux. Son visage ne comportait pas la moindre imperfection, et était à la fois doux et sévère. Une harmonie parfaite, une beauté que certains pouvaient qualifier de froide, mais mon objectivité à son sujet était depuis longtemps altérée. Elle tourna ses beaux yeux clairs vers moi en un regard que je connaissais bien, faisant résonner en moi des sentiments d’autrefois. Je répondis à son regard interrogateur par un léger sourire empli de réconfort. Elle avait peur, elle se sous-estimait. Mais j’avais toute confiance en elle et en ses capacités.
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