Les Îles Sombres : Suite III.
On nous jeta dans un cachot humide et puant, sans ménagement. Les gobelins piaffaient de contentement, nous gratifiant de grandes grimaces et d'autres gestes bien plus obscènes avant de refermer la lourde porte.
- C'est ça, esclaffez-vous tant qu'il vous reste les cordes vocales pour le faire !, lança Druss à la porte. Bientôt c'est moi qui chanterai accompagné d'un joli luth fait avec celles-ci !
Il se retourna vers moi, me regardant d'un regard noir. La captivité lui rappelait de mauvais souvenirs…
- Qu'est ce qui t'as pris freluquet, tu pensais jouer au héro ? Choisis des cibles à ta portée à l'avenir, ça t'évitera de nous foutre dans un merdier pareil.
- Et toi que faisais-tu pendant ce temps, lui rétorquai-je, trop débordé par de petits gobelins pour venir me porter assistance ?
- Si tu cherches une nounou Heinrich, retourne te faire talquer dans ta Rearny chérie, ici c'est des hommes qu'il nous faut.
- Assez ! s’écria Elisabeth. Vous vous comportez comme des gosses ! Ce n'est pas ainsi que nous allons régler notre problème.
Un coup à la porte réitéra la demande.
- Vous allez fermer vos gueules ou je dois venir vous arracher la langue ? beugla le geôlier, un gobelin un peu plus grand et bien plus ventripotent que ses congénères. Harguz a dit vivant, mais il n'a pas précisé entier !
Nous étions front contre front, presque prêts à nous étriper. Et si les liens ne nous retenaient pas, nous le ferions certainement. Et après tout, qu’importaient les liens… J’eus un rictus, que Druss reçut d’un air surpris, avant de recevoir mon front contre le sien, ce qui le fit rouler en arrière. Mais il en fallait bien plus au colosse, et sa riposte ne se fit pas attendre. Il roula et me faucha les jambes, avant de se relever, et de me cueillir d’un magnifique coup de pied alors que je tentais de faire de même. Il me roua ensuite de coups tandis que j’étais à terre, sous les clameurs des autres occupants de la cellule, qui lui criaient d’arrêter.
- Tu vas le tuer Druss, arrête !
Mais personne n’osait l’approcher; quand Druss était en mode Berserk, il valait mieux garder ses distances.
La porte s’ouvrit alors, sur le geôlier et cinq autres gobelins bien armés. Il forcèrent Druss à s’éloigner de moi, le poussant avec leurs lames à lui entailler la peau.
- C’est quoi ce bordel ! beugla le geôlier. Voilà qu’ils s’entretuent, de vrais animaux enragés ! Toi, regarde s’il vit encore, héla-t-il à un des gobelins.
La créature s’exécuta, s’approchant de moi pour voir si je respirais encore. Je me relevai d’un coup, et ma mâchoire se referma sur sa gorge. Une seconde après, deux gobelins allèrent se fracasser contre le mur, tandis que les deux autres se faisaient maîtriser par nos camarades de cellule.
Le geôlier hoqueta, et chercha à fuir, mais la porte se referma devant lui. Je me relevai, recrachant la chair et le sang, mélange du mien et de celui du gobelin, et tendis mes mains pour que l’on me tranche les liens.
- Alors geôlier, dis-je à la créature tandis que mes mains se libéraient, on a perdu sa langue ?
Il brandit sa lame en avant, faisant de grands mouvements avec celle-ci. On voyait bien qu’il avait plus l’habitude de la torture que des combats. Je saisis les deux lames que l’on me tendait, un peu rudimentaires mais elles semblaient de bonne manufacture tout de même.
- N’approchez pas, meugla-t-il, je vous ferai étriper, je vous dépècerai vivant, je vous…
Je contrai sa lame d’un geste, et lui ouvris sa bedaine de haut en bas d’un autre, se laissant se déverser ses intestins. Il tomba à genoux, hurlant, cherchant à les retenir en vain. Je lui pris une tenaille qui pendait à son ceinturon, et la plongeai dans son gosier, ressortant avec sa langue que j’arrachai.
- Tiens, un souvenir, dis-je en la lançant à Druss, qui n’avait pas encore vraiment saisi la tournure des évènements. Et la prochaine fois que tu fais semblant, vas y un peu plus franchement, tu cognes vraiment comme une fillette, je ne pensais pas qu’ils y croiraient.
Il me rendit un sourire un peu confus. Puis reprit vite de sa superbe.
- Ahah, je craignais que tes pauvres os se soient ramollis avec les années et que tu casses comme une brindille, blanc-bec. Mais maintenant que je sais que tu encaisses, j’y mettrais plus de coeur la prochaine fois, crois-moi !
Nous sortîmes des cachots, Druss en tête, moi un peu derrière, ma chère amie regardant si les coups ne m’avaient quand même pas brisé quelque chose. Une lourde lame se posa alors, sur le cou de Druss cette fois, et une ribambelle de gobelins nous tinrent en joue, avec arme de jet ou simplement des lames.
- Ah enfin, dit Harguz, nous avons bien failli vous attendre. Tout est prêt, les jeux vont pouvoir commencer, ajouta-t-il avec un sourire démentiel.
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