Chapitre 6 : Le Chaos.

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J’attrapai le médaillon et l’observai minutieusement, repérant son mécanisme. Je devais créer un passage sans avoir de porte pour le dessiner, ce qui paraissait aussi inimaginable que dangereux. Encore fallait-il que j’y parvienne.
J'essayai de me concentrer, tenant l’objet du bout des doigts, et tentai de visualiser le Chaos, de le ressentir dans toute sa noirceur et sa douleur. Tout d'abord il ne se passa rien. Ma tête me lançait et la sensation des regards qui pesaient sur moi n'aidait pas. Prenant une profonde inspiration, je fis une nouvelle tentative. Cette fois, l’air parut se mettre à vibrer, presque imperceptiblement d’abord, puis de plus en plus. Au même moment la créature qui avait été Harguz fit complètement exploser la porte. Il fallait faire vite. Les autres recommencèrent à se battre, essayant plus de ralentir le démon que de vraiment l’arrêter. Mon ami demeurant à mes côtés, je repris ma visualisation.
Soudain, il y eut un souffle violent, à mesure qu’une faille obscure apparaissait au milieu de la pièce. Des tentacules d’ombre en sortirent, cherchant une extrémité où s’accrocher. La brèche grandissait à une vitesse étonnante, aspirant toute chose qui pouvait gêner son expansion.

 - Il faut sauter à l’intérieur ! hurlai-je pour me faire entendre malgré le raffut ambiant.

Mais à peine avais-je dit ces mots que nous fûmes tous aspirés dans le gouffre qui occupait désormais la pièce. Il n’y eu plus que les ténèbres autour de nous alors que nous tombions en chute libre, encore et encore. « Nul être ne peut survivre à une telle chute » pensai-je. Puis je sentis un choc.

Quand j’ouvris les yeux, j’étais allongée par terre, sur un sol aussi noir que celui des Îles Sombres, parmi des débris d’objets qui s’étaient trouvés dans la salle où nous étions quelques instants plus tôt. Mais il me suffit d’une inspiration pour savoir que nous en étions bien loin. L’air empestait le soufre et la décomposition, et je sentis des hauts le cœur se manifester. La chute n’y était pas pour rien non plus. Je pris alors soin de ne respirer que par la bouche pour ne plus sentir ce poison infâme.
Constatant que la brèche s’était refermée après nous, je mis le médaillon dans ma poche et me relevai doucement. Mes compagnons étaient tombés non loin de moi, gisant pour la plupart à terre. Certains avaient repris leurs esprit et observaient les alentours. J’en fis autant, découvrant à mon tour un paysage malade, éventré, qui semblait être composé de cendre, de chair et de sang. Des éclairs malsains zébraient régulièrement un ciel surchargé de nuages sombres.
Comme nous avions tous atterri dans la même zone, cela signifiait malheureusement qu’Harguz était tombé avec nous. À peine avions nous repris nos esprits que le titan chaotique hurla et se remit à charger. Disposant désormais d’un grand espace, les moins hardis détalèrent comme des lapins, essayant de prendre un peu de distance pour ensuite se mettre à l’abri. Nous commençâmes nous aussi à courir, mais plus pour avoir le temps de trouver une idée que pour nous cacher. Nous savions que nous ne pouvions pas le semer.

- Il faut l’arrêter ! cria Druss.

- Et comment tu comptes t’y prendre ? lui demanda Heinrich. Il est deux fois plus grand, encore plus fort et incontrôlable ! Tu crois que passer en berserk suffira à l’avoir peut-être ?

Druss eut un regard étrange avant de s’arrêter net et, se retournant, fit face au monstre qui lui bondit dessus. J’eus à peine le temps de réagir en propulsant Harguz en sens inverse, sans quoi Druss aurait tout simplement été déchiqueté.

- Je savais que ça vous dérouillerait si je faisais le gigot pour la grosse bête, dit-il avant d’éclater de rire et de s’élancer hache brandie vers le colosse qui s’était déjà relevé.

- Quel con… marmonna Heinrich avant d’aller le rejoindre.

Deux hommes avaient trouvé le courage de nous rejoindre, mais même à cinq, nous n'avions que peu de chance de vaincre et nous essoufflions à tenter de combattre Harguz. Il était dans son élément, se nourrissait du Chaos, et était donc infatigable, ce qui n’était pas notre cas. J’essayai de le ralentir, mais après le premier choc envoyé, qui l’avait à peine étourdi, il semblait être devenu insensible à la magie. De plus, la douleur irradiait toujours dans ma tête, ce qui m’étourdissait et me déconcentrait.
S’ils se prenaient des coups sans broncher, je sentais la force de Druss vaciller, et Heinrich semblait bien en peine. Quant aux deux hommes, si on ne trouvait pas vite une solution, fuite incluse, ce serait deux innocents de plus de perdus.
Tout à coup, la bête donna un coup de poing qui propulsa mon ami au loin. Je le vis s’étaler, sans savoir s’il était mort ou seulement assommé. Ce fut le coup de trop. Druss hurla, mais c’est moi qui passa en mode berserk. Peut-être hurlai-je moi aussi, cependant la rage et le douleur bourdonnaient trop dans mon esprit pour que je puisse m’en rendre compte. Je m’élançai vers le monstre, à mains nues et, bondissant comme jamais, lui sautai à la figure. Pris par surprise il tomba en arrière et je me retrouvai à cheval sur lui, les mains sur ses tempes, lui envoyant toute la rage qui me traversait. Je voyais rouge, noir même. Je voyais le Chaos dans mon esprit, et dans la rage qui me contrôlait - qui me transcendait - à cet instant. Il poussa à nouveau un de ses horribles cris alors que de sa tête commençait à suinter une lueur aveuglante. La magie semblait finalement avoir encore un effet sur lui, mais à mon sens ce n’était pas suffisant. Je me mis à lui fracasser le crâne contre le sol, encore, et encore, et encore… Le sang giclait de toute part et il ne semblait plus réagir, mais je ne pouvais plus m’arrêter. J’étais hors de contrôle.

Au bout d'un moment, j’entendis une voix qui me hurlait d’arrêter. Druss ? Il me fixait d’un regard qui laissait poindre de la tristesse – ou l’étonnement ? Mon ami était à côté de lui et ne paraissait avoir aucune blessure. La bête ne bougeait plus, apparemment morte pour de bon cette fois, sa tête n’étant plus qu’un amas de sang, de chair et d’os. Je sentis l’incompréhension et la lassitude me gagner alors que les énergies s’apaisaient. Tremblante, Druss me releva et mon ami me pris dans ses bras.

- Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? parvins-je à murmurer une fois calmée.

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