Opinion d'un deuil
Il était dix-huit heures. Tu rentrais. On t'annonça que dans deux jours, c'est l'enterrement. Cela fait trois jours, qu'elle était partie de ce bas monde. Le téléphone a dû sonner huit ou neuf fois. Toi, t'as dû voir la personne quatre ou cinq fois depuis ta naissance.
Lorsque tu as au téléphone ta famille :
- soit, tu fais l'hypocrite. Tout simplement, t'en as rien à foutre : elle n'a jamais été là pour toi ;
- soit, tu es empathique. Au fond de ton cœur, tu te dis que c'est la famille ;
- ou, tu te caches derrière la religion, en disant que tu mettras un cierge en son honneur et prieras ;
- au pire, tu feras la personne forte. T'as pas envie que l'on s’inquiète pour toi ;
- sinon, tu réagis en philosophe et d'une voix douce, tu réponds : c'est la vie. La roue tourne malheureusement.
Tu as ceux qui t'ont appelé pour t'informer :
- Avant de mourir, elle t'a inscrit dans les papiers de succession.
Là, c'est comme une bataille navale. Je pèse mes mots en écrivant cela. Y en a qui ont demandé :
- Tu veux vendre ou pas ?
Comme t'a pu le remarquer, personne ne se parle trop. Cela serait trop simple. Puis t'en as deux ou trois qui ont refusé :
- Non. C'est pas correct. Faut pas qu'on vende. C'est pas ce qu'elle aurait voulu.
Tu leur as rappelé :
- C'est pas le moment de parler de cela. On en parlera plus tard.
Tu te rendras compte qu'au final, y en a qui voient que l'argent.
Le jour de l'enterrement, t'as regardé ta garde robe et tu t'es interrogé :
- C'est quoi le mieux ? En règle générale, à un enterrement, t'es en noir.
Du coup, tu es parti habillé comme les autres. Bien-sûr, tu es passé chez le fleuriste pour prendre une plante. Tu pourrais aussi acheter une plaque aux pompes funèbres. Après ton arrivée à l'enterrement, tu salueras et demanderas :
- Bonjour tout le monde. Est-ce que vous tenez le choc ?
Tu as ceux qui te répondront :
- On fait avec. C'est dur. On se sentait obligé d'être là.
Vous vous rendez compte que certaines personnes sont là, mais en fait, c'est juste une question d'hypocrisie. Dans un mois, ils l'auront oubliée. Derrière tout cela, il y a le respect. Pour autant, je trouve que par dignité envers la personne :
- soit on est là car on compatit ;
- si ce n'est pas le cas, on ne vient pas. On passera au cimetière. Cela serait plus juste.
Au final, je pense que ce genre de chose est vraisemblablement une réunion d'hypocrites, en tout point. On fait style de s'intéresser aux autres, mais c'est davantage l’occasion qui fait que l'on devient comme ça, le temps d'une journée.
Je crois surtout que le deuil est créé psychologiquement. Quand l'enterrement est terminé, il commence, à ce moment-là. En réalité, notre cœur et notre cerveau se protègent. Ils créent une barrière défensive parce que nous restons sensibles à ce genre d’événement.
Annotations