L'Ours

2 minutes de lecture

Une fois de retour à la boulangerie, je n’ai plus trop voulu y penser. J’ai mes propres affaires à tenir et fallait bien vendre le pain. Quand Cam venait, entre deux questions sur son dos qui lui fait des misères et ses filles, je lui demandais “des nouvelles des loups”. Elle me répondait que j’avais tort de me moquer. Mais à dire vrai, j’avais beau en rire quand elle était là, le soir, quand je rentrais chez moi, et le matin, quand je partais au fournil dans les premières lueurs du jours, je n'étais pas bien rassuré. Il y a une raison pour laquelle on appelle ce moment “entre chiens et loups”. Surtout que depuis qu’elle m’en avait parlé, je voyais comme des ombres, ici et là, qui disparaissaient toujours quand je m’approchaient et semblaient se perdre dans les sentiers. Des bruits dans les fourrés, aussi, des cailloux qui roulaient quand j’étais sûr d’être seul. J’ai commencé à me dire que peut-être, Cam n’est pas aussi pleine de vent qu’elle en a l’air.

Un jour, j’en ai parlé à Ours alors qu’on se croisait en amont du village. Je ne sais pas trop ce que j'espérais. On l'appelle pas Ours parce qu’il est de bonne compagnie.

« Croissant, a-t-il dit de sa grosse voix, une chèvre qui s’enfuit, ça ne fait pas un problème de loups, et encore moins de loups à peau d’humain ». J’ai répondu que j’étais d’accord, bien sûr, mais toutes ces petites grapilles qui gênent la vie du village, quand même. Il y a vingt ans, cinq ans, même, on en était pas là. Rien que la semaine dernière, des bouteilles de lait ont été volées devant chez les Puig, et puis tout qui est plus difficile, plus cher, plus loin, à croire que la route qui nous relie à la grande ville se rallonge un peu chaque année. Et le maire qui est réélu à chaque fois depuis toujours parce qu’il connaît tout le monde, mais qui se contente de parader avec son écharpe les jours de fête et de célébrer les mariages pour qu’on lui garde une place à table. Comment il explique ça, l’Ours, s’il n’y a pas quelque chose qui ne va pas ? Il a haussé les épaules et il est reparti vers la forêt. Moi, j’y pensais encore une fois la boulangerie ouverte. Je devais faire une drôle de tête, parce que quand les Garcia sont arrivés pour m’acheter le petit-déjeuner du dimanche, il ont tout de suite vu que quelque chose n’allait pas. On en a discuté à mots couverts, pendant que les enfants choisissaient chacun leur bonbon. Rien que les bonbons, tiens. Quand on était gamins, pour dix francs, on avait un sac plein. Là, pour l’équivalent, on a trois bonbons qui se battent en duel, c’est d’un triste !

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Gobbolino ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0