Le Singe
Il est tombé, le dernier arbre. Avec lui est tombé le dernier singe. Il regarde les bulldozers partir, roulant sur les cadavres de ses enfants. Il hurle mais personne n’est là pour l’entendre, ni les hommes, ni les arbres, ni les siens. Alors, prudent, il s’avance, parmi les corps de chair, de sang et de sève. Il prend la main de son fils, il la serre, peut-être que s’il la serre assez fort, elle se remettra à bouger. Mais elle ne bouge pas, elle reste inerte et froide. Il ne veut pas la lâcher. Il se blottit contre lui. Il caresse son visage qu’il reconnait à peine, déformé par la mort et les machines. Il le regarde, il le pleure et la nuit tombe.
Dans l’obscurité, des miroirs dorés commencent à perler, des amandes affamées. Lui, il n’a nulle part où se réfugier. Car il est tombé, le dernier arbre et le singe est tombé avec lui. Il n’a nulle part où aller, et il n’a envie d’aller nulle part. Il tient la main de son fils, sa main toujours froide et inerte sous les étoiles. Une silhouette élancée s’avance sous la lune. Il ferme les yeux et serre sa main encore plus fort. Son combat est terminé, il a hâte de rejoindre ses enfants, dans les arbres et loin des hommes. Lorsque les crocs déchirent ses chairs, il sourit, son cauchemar est fini.
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