1. Nouvelle identité
CHAPITRE 1 : Nouvelle identité
8 anges, voilà ce qu'ils sont, non 8 démons, je n'en sais rien en fait. Je ne sais rien et c'est ce que j'allais découvrir, mon ignorance de la réelle complexité de ce monde.
Ces entités m’entourent dont le jeune blond que je pensais mort dans cet ascenseur, dont j’ai pu apprendre plus tard son nom : Nicolas. Ils me toisent de haut en bas et le silence règne. Tour à tour ils se mettent à se présenter dans une initiative assez maladroite et inattendue, je me repère enfin face à ces silhouettes imposantes. L’agent du FBI se nomme Chris, l'horloger, Peter, le photographe : Lex. Quant au fumeur il se prénomme Max, Evan est le rougeâtre à la pomme, l’homme avec la pancarte : Lewis, et pour finir… celui qui semble avoir le regard le plus insistant, Kaydan... je me demandais encore pourquoi ces lumières avaient choisi d'illuminer mon monde si noir et gris, pourquoi ces étoiles étaient apparues dans mon ciel vide. Peut-être n'auraient-ils pas dû, j'étais voué à disparaître, enfin j'étais convaincu de ça jusqu'à aujourd'hui. Ils me font douter.
Le prénommé Kaydan décide finalement de briser cette frontière qu'il y avait entre le groupe et moi et me prends assez fermement le poignet de ses phalanges pourtant douces et délicates. Mais c'est avec le visage froid qu'il me tire vers un lieu m’étant inconnu. Je jette un regard vers les 7 autres rapidement qui nous regardent nous éloigner avant de reporter mon attention sur l'homme aux cheveux violets. Il ne daigne même pas me regarder, ce qui m'arrange en réalité car je dois sûrement faire une sacrée tête tant je suis prise de court. L'opinion des autres… cela fait longtemps que je n'y vois plus d'intérêt mais être au centre de l'attention m'effraie. Devrais-je briser cette absence de bruit ? J'ai plein de questions mais à quoi bon les poser, il allait sûrement y répondre. De plus, tout ce dont je me souviens après avoir failli faire cette chute mortelle dans l’ascenseur, c'est d'avoir ouvert les yeux quelques instants, j'étais dans les bras d'un homme, aucun indice sur son identité ; j'étais juste transportée et amenée quelque part puis plus rien. A mon réveil, j'étais devant eux déjà debout. Ces souvenirs sont trop flous, je ne peux rien en tirer de concret alors je ne dis rien, gardant pour moi mes questionnements.
Cependant, je ne peux cacher que cette situation semble largement me dépasser. Je pourrais m'enfuir étant donné l'excentricité de ce qui vient de se passer. Après tout, je ne les connais pas. Quoique… Qui m'attendrait ? Mon avenir leur appartient, je n'en ai jamais été maitresse. Mais alors que mon cerveau se torturait à cette remise en question, Kaydan me lâche finalement. A ce moment-là ma tête, qui était orienté vers le bas, fixant la terre pendant la majeure partie du trajet, se redresse et s'offre ainsi à moi un paysage que je n'aurais jamais pensé voir.
On se croit devant un tableau. Il n'y a plus de ciel, il est remplacé par le même sol sur lequel je marche mais à l’envers, tel un miroir : la route, le fin lampadaire, la végétation, les rares habitations, tout est copié à l'exemplaire. Mais le plus surprenant est cette porte suspendue dans le vide dépourvu de support mural, une porte flottante et immobile au loin. Les routes sont comme cassées, délimitées par des fissures irrégulières. Par-delà elles, se trouve un vide immense, un fond noir, il n'y a rien après ce fossé rien à part cette porte.
J’entrouvre immanquablement les lèvres tandis que mes yeux s’ouvrent sous l'étonnement.
"- Pas la peine de faire cette tête, tu as déjà vu des films fantastiques non ? Commence sèchement Kaydan de son air neutre."
Je me tourne ainsi vers lui après avoir lâcher un soupire d’exaspération. Sa froideur ne m’atteint pas mais maintenant qu’il a démarré la conversation autant en profiter pour le questionner.
"- Puisque tu es décidé à parler, pourquoi ne me présenterais-tu pas cet endroit ?"
Ma réplique ne semble pas lui plaire car il grogne avant de répondre plein de sarcasme :
"- Eh bien Harley, bienvenue à la frontière des mondes parallèles.
- Rien que ça. Répondis-je ironiquement cachant ma surprise au jeune violet.
- Il y a bien des choses que tu ignores belle rose."
Cette voix que je ne connais pas encore me parait provenir de derrière nous et pourtant, lorsque je me retourne, je ne vois rien.
"- Un peu plus haut encore."
Finalement en levant la tête cherchant le propriétaire de cette voix mielleuse, je finis par l’apercevoir, perché sur le lampadaire tel un chat. C’est le rougeâtre à la pomme rouge croquée. Il ne tarde pas à sauter de là-haut pour atterrir habilement sur ses pattes, juste devant moi. Il soutient mon regard d’une manière assez provocatrice mais qui ne me fait qu’arquer un de mes sourcils.
"- Je te la laisse Evan, fais-en ce que tu veux."
Sur ces mots, Kaydan qui avait haussé les yeux, désespéré par l’attitude de son collègue, disparait dans un léger nuage de fumée.
"- Toujours à faire son fatigué de la vie, je vais finir par me vexer."
Sa réponse est accompagnée d'une pointe de dérision vis-à-vis de ce bien mystérieux jeune homme qui lui sert de coéquipier. Me voici maintenant entre les mains d'un autre, sans vraiment avoir mon mot à dire. Une marchandise, voilà comment je me sens. Un produit à lequel le violet apparaît comme allergique, mais contrairement à mon précédent accompagnant, le nouveau est plus facile à cerner : attitude sensuel, voix pousser à l'extrême de la provocation et semble assez bavard. J'attends de voir mais pour l'instant il a tout d'un dragueur narcissique.
"- Bon, toi aussi tu comptes me sortir une belle et gentille phrase ?
- Wow doucement beauté je viens en paix. Tiens."
Alors qu’il garde son air charmeur et assuré, il me tend la fameuse pomme. Vu de près elle n’a plus l’air très réaliste, les imperfections sont trop régulières. Je finis par la prendre malgré la méfiance que je garde envers chacun. Tout de même curieuse, je la tripote quelques instants dans mes mains avant d’examiner la partie croquée qui cache en réalité une sorte de machine avec des boutons comme ceux qu’on peut trouver sur un mp3.
"- C’est un enregistreur vocal, il servira à te sentir moins seule à certains moments."
Sur le coup, je ne compris pas l’objectif de ce qui semblait être un cadeau. Y avait-il un sous-entendu que je n’aurais pas perçu ? Puis, après mûre réflexion, j’en viens à me demander s’ils n’ont pas effectué des recherches sur moi et mon passé. La présence de ce cadenas dans mon appartement, pour rendre visite à des fous incompris n’est pas anodine et ce présent ne fait qu’appuyer cette hypothèse. « Seule »… Je le suis depuis suffisant longtemps pour avoir l’habitude de l’être.
"- Je vois mais je ne pense pas-…"
Au moment où je relève la tête, il était déjà parti. Je soupire alors longuement avant de ranger la fausse pomme dans ma poche. Je profite de ce moment seule pour examiner les alentours. Je reconnais ainsi assez vite le petit magasin de l'autre jour où il est désormais clairement indiqué comme nom « ODDINARY SHOP », le R était donc bien un D mais que veut dire ce terme… Il est vrai également que trouver le même bâtiment à deux endroits différents n'est pas ordinaire, ni banal, en plus de cela, après avoir vu Kaydan disparaître, je vais sûrement avoir du mal avec ces pouvoirs surnaturels qui n'ont rien de rassurant ; ils ont beau être accueillant - sauf exception - depuis le peu de temps qu’ils me connaissent, on n'est jamais à l'abri d'une trahison de dernière minute. Je m'avance donc pour mieux percevoir cette porte mystérieuse m'approchant dans le même temps du vide lugubre, la curiosité gagne toujours.
Puis brutalement, je me sens emportée par une sorte de courant d'air. En un battement de cils, je me suis sentie tirée par le bras dans un vent rapide, vif. Je prends alors conscience que c’est l'un d’eux qui court, m’attirant dans sa course qui dépasse largement la vitesse humaine. Mes pieds puis mon corps, incapable de suivre la cadence, décollent du sol pour venir flotter dans les airs de manière discontinue. Par la même occasion, je crois perdre mon bras comme s’il peut s’arracher de mon épaule d’un moment à un autre. La douleur devient rapidement insupportable et j’essaye de le lui faire comprendre par un petit gémissement de douleur témoignant de ma souffrance. Le concerné tourne enfin la tête. C’est alors que les paysages qui défilaient à une rapidité hors du commun se figent sur une vue aérienne. On est effectivement sur le toit d’un immeuble qui parait très haut. Nicolas libère ma main et m’indique le ciel. En levant la tête, à part le soleil qui me brûle les yeux, je ne vis rien, mais je tiens et réussit avec un peu de patience et de sacrifice, celui de perdre la vue, j’aperçois notre ville, à l’identique mais beaucoup plus éloignée qu’à la frontière, toujours cet effet miroir. Finalement, je baisse à nouveau le regard vers le blond qui me fixe sans un mot. Ses yeux varons transpercent les miens de ses iris de couleurs verte pomme et bleue d’azur.
"- Pourquoi tu me fixes comme ça ?"
Aucune réponse. Sa bouche reste fermée et ses yeux grands ouverts. J’arque un sourcil me demandant s’il était sourd.
"- Tu m’entends ?"
Il ne fait que hocher la tête d’un signe affirmatif. S’il m’entend, pourquoi ne parles-t-il pas… finalement, son œil vert retrouve une couleur identique à l’autre.
"- Tu ne parles pas ?"
Il me donne une réponse toujours traduite par un mouvement de tête mais qui me vise en plein dans la dernière parcelle de mon cœur encore sensible aux problèmes des autres. Il ne parle pas, il ne peut probablement juste pas dire un mot. Je m’assois alors au bord de l’immeuble sur lequel on était et regarde dans le vide avant de lui indiquer la place à côté de moi. Telle une machine, il s’exécute et suit mon regard vers l’horizon.
"- Tu as dû vivre des trucs pas sympas, je comprends."
Toujours en gardant un air vide d’émotion, il cherche quelque chose dans sa veste, et en sort un carnet. Il avait également un stylo et se mit à écrire dessus rapidement. C’est sa manière à lui de communiquer j’imagine. Il me tend ensuite le bout de papier où il a marqué : « tu n’es jamais venu ici ? ». Ce à quoi je réponds par un hochement négatif de la tête. Il me reprit donc le papier et recommence à graver ces lettres et ainsi de suite jusqu’à ce qu’il m’explique plus en détails ce dans quoi je me suis réellement embarquée. Je suis apparemment dans le monde des « Ordinary » qui accueille par conséquent les gens normaux de la vie de tous les jours, notre monde à nous que je croyais connaitre. Mais il y a aussi ce monde parallèle, celui des « Oddinary », ces 8 garçons viendraient de là-bas où l’excentricité est une règle absolue, il n’y pas de lois, de justice, tout est chaos et extravagance. Pour être honnête, quand j’ai lu ça, je n’y ai pas cru et j’ai même regardé Nicolas dans les yeux dans l’espoir d’y voir une once de plaisanterie mais aucune, que de la sincérité. Alors je n’ai pas posé de question et je lui ai redonné le carnet avec un léger sourire de compassion. Sourire qu’il me rend timidement de manière inattendue, il semble si mignon et innocent lorsqu’il ose montrer une once de joie. Mon cœur se serre, comment peut-on avoir fait du mal à un être pareil… qu’est ce qu’on a bien pu lui faire pour qu’il n’ose plus sortir ne serait-ce qu’un mot ?
Mais tandis que ces questions s’agitent dans mon esprit à la recherche d’hypothèses plus cruelles les unes que les autres, le blond m’indiqua une direction, tendant son bras avec le doigts pointé derrière moi. Je me tourne et aperçoit Max, sur le toit de l’immeuble voisin, un hôpital, en train de fumer salissant son costume propre et soigneusement enfilé, de cendre et de nicotine. Il regardait vers l’horizon et laisse le vent souffler en vain contre ses cheveux sombres plaqués à son cou défiant les lois de la physique. Il ne m’adresse même pas un regard mais je pus voir sa main libre se lever avant qu’il ne fasse claquer ses doigts. Instantanément, je me retrouve juste en face de lui, à deux mètres à peine. Plus que surprise, je n’ose ni bouger ni respirer, le moindre geste pourrait me valoir une perte d’équilibre certaine. Lui me fixe, de ses iris profondes telles que je ne peux en détourner les yeux. Je ne peux qu’analyser toutes les sensations de mon corps, mes cheveux volant me cachant une partie de ma vue, mes oreilles sifflantes frappées par la vitesse du vent ; J'ai froid... La chair de poule m'envahit incontrolablement. De l'intimidation ? Face à lui ? Alors qu'il est le plus jeune ? Un frisson me parcourt alimentant mon manque de chaleur. J'ai ma réponse. Puis, je me pétrifie... je comprends que si je bouge, je suis vouée à une chute mortelle. Le rebord du toit est prêt à se dérober sous mes pieds. Je n'ai pas d'autres choix que de retenir mon souffle. Et lui. Il me dévisage sans un mot. L’atmosphère est pesante. Est-ce.... De la peur ?
"- C'est déjà plus marrant de te voir de près. Tu as peur ?"
Sans que je puisse répondre, son coup se tord. Sa tête se tourne comme un humain normal ne pourrait jamais le faire. Son corps est statique et portant son visage s'est retourné. Dans quoi j'ai bien pu me lancer ?... Et malgré ça, je me bats pour ne pas laisser percevoir mes tremblements et maintient son regard. Certains diront que je suis inconsciente, courageuse ou juste effrontée d'oser faire ça. Je vais mourir de tout de façon, il est bien temps de penser à eux, ceux aux paroles blessantes de ma vie. Pour un fois que je ne les ignore pas, ils seront contents. Et c'est ainsi que je ferme les yeux, prête à partir en arrière et m'abandonner au vide de ce monde. Bizarrement, je ne tremble plus, plus de peur, ni d'angoisse. La mort m'aurait-elle volée à la vie ?
"- Tss... ennuyante."
Ces mots résonne dans mon esprit alors qu'on me prit le poignet et me ramène sur la terre ferme, débout, vivante. Quel dommage. Je rouvre les yeux et revoit la carrure sévère du jeune homme à la cigarette en réalité pas allumée. Il ne fumait pas. Néanmoins, plus je le regardais, moins, sa tête renversée me faisait peur. J'ouvre finalement la bouche.
"- Bah alors ? Tu ne voulais pas avoir un mort sur la conscience ?
- Faut croire que j'ai mieux à faire."
Sa réplique spontanée me coupe les mots à la bouche. Mais lui, en revanche semble apprécier cette conversation. Max sourit en reposant les yeux sur moi, il me juge du regard de haut en bas. Un petit "ah" sort ensuite de sa bouche, puis plusieurs autres. Il éclate subitement de rire devant mes yeux interrogateurs. Qu'est ce qui lui prend d'un coup ? Il remit sa tête en place dans un craquement osseux sourd.
"- T'es marrante toi. Tu ne sais même pas à qui tu ne t’adresses ni dans quoi tu es mêlée. Et pourtant, tu me tiens tête. Je t'aime bien."
Ses parents sont plus que contradictoires, serait-il bipolaire ou lunatique à ce stade ? Ce ne me valait rien qui vaille.
"- Au début je t'ai pris pour une de chez nous mais ça aurait été trop marrant pour être vrai. Tu leur ressembles trop.
- "Leur" ?
- Oui, "Leur". Tu sais qu'on vient d'un autre monde, ils ont dû t'expliquer. Et bien des gens comme toi, nos clones d'ici si tu veux, ont pris notre place là-bas. Crois-moi, tu ne les aimerais pas. Trop rabat-joie. On sait même qu'ils sont devenus policiers. C'est purement idiot quand on sait comment ça fonctionne là-bas.
- Donc là tu es en train de me dire que des gens normaux ont fini dans votre monde de fou ? Je les plains plus qu'autre chose.
- Plains les si tu veux mais si tu es là, c'est que tu n'as rien à voir avec eux."
Ces derniers mots m'interpellent. Il veut sous-entendre un truc, c'est évident mais je n'arrive pas à savoir quoi. Après tout... depuis le début ses mots sont insensés, ne vaut mieux pas que j'y prête trop d'attention. Un son surgit subitement, ils sont saccadés et réguliers, c'est le son d'une horloge.
"- Ah ? Ça c'est Peter qui veut te voir. Salut."
Encore une fois, en un claquement de doigts, sans avoir mon mot à dire, je me retrouve transportée dans un autre lieu. Cette pièce... je la connais. Les coucous, les horloges, les pendules, je les ai déjà vu. Ce jour-là. Je suis dans la pièce de la dernière fois.
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