L'ancestrale digue protégeait le village de pêcheurs de l'appétit des vagues — ces ogresses écumantes qui en rangs serrés, éclataient contre le roc frémissant. Ada et Klaus marchaient doucement le long du petit chemin. Ils savouraient ces pas — sans une pensée pour le lendemain. L'air du large fouettait leurs visages. Toute décoiffée, Ada emplissait ses poumons de l'iode des embruns. Des mouettes cinglaient au dessus des flots.

Pareille à une gravure de mode dans son discret costume rayé, Klaus contemplait la marée. Son visage glabre, presque celui d'un adolescent, ne laissait rien paraître du spleen qui l'accablait. Perdu dans sa contemplation des vagues, Klaus feignait l'indifférence. Ada lorgnait l'officier de la Kriegsmarine, se délectant de la courbe de sa mâchoire, anguleuse et délicate à la fois.

Agrippée au guidon, la jeune femme freina brusquement. Plantant ses yeux vert-anis dans ceux de Klaus, elle s'adressa à lui sans se soucier de son accompagnatrice. Interloqué, le sous-marinier ne pipa mot. Ses rudiments de français se limitaient à : Bonjour, Je t'aime, ou encore Comment allez vous ? D'une voix semblable à un roulement de tonnerre lointain, Ada renseigna l'insolente. Redonnant de l'élan à sa bicyclette grinçante, Mireille s'en alla.