Au cœur de la nuit, la Traction-Avant s'immobilisa tous feux éteints sur le chemin sablonneux. La portière s'ouvrit. Éjectée de la banquette-arrière sous un flot d'injures, une femme désemparée roula sur le sol. Manquant de l'écraser, la Citroën redémarra, se fondant à vive allure dans la nuit. La pin-up en détresse frissonna.

— Bâtards de vichystes ! jura t-elle en allemand. La friction de ses lèvres autour de la couenne acide avait balayé son rouge à lèvres.

Retrouvant son aplomb, elle prit d'une démarche altière la direction du chalet.

Klaus fut le premier à ressentir sa présence. Épaule contre le chambranle, Sieglinde épiait le quatuor se préparant à déguster la soupe créole au crabe. Klaus essuya délicatement ses lèvres, voulut se lever. Une main prestement posée sur la sienne l'en dissuada. Sieglinde s'éloignait déjà, dans un subtil roulis de hanches. Une porte claqua : on la vérouilla à double tour.

La spectrale apparition de Sieglinde troubla fortement Klaus. Il se remémora ses glaçantes insomnies, recroquevillé sur la couchette du U-boot. lI songea à cette photographie vénéneuse ; compagne de ses divagations érotiques.

Sous les flots, elle lui procurait moultes plaisirs illicites.

Loin du soleil, dans les entrailles du submersible, la honte le saisissait. À ces moments là, peu lui importait que Betty Grable ne soit pas allemande...

Quelques meurtrissures mentales plus tard...

On frappa à la porte. Trois fois.

Allongée sur le ventre, visage enfoui dans les draps, Sieglinde semblait morte. Trois nouveaux coups crépitèrent sur le bois. À contrecœur elle bascula sur le flanc, chaussa ses mules à petits talons.

L'alter ego de Betty Grable ouvre en grand la porte de la chambre. Avec l'agilité du tentacule, un bras cingle vers le visage de Klaus, une main agile le happe par le col. L'officier de la Kriegsmarine n'esquisse le moindre geste. Ne persiste dans l'air que la fragrance éthérée de son eau de Cologne.