Sous un soleil de plomb, l'Opel Kapitän longe mollement la côte. L'océan caresse de son souffle les flancs du cabriolet. L'interminable route fait ronronner la gomme des pneus. Cheveux au vent, blottis l'un contre l'autre sur le cuir de la banquette, le jeune couple savoure chaque seconde de cette balade inespérée. En cette radieuse journée de l'été 1942, comme la guerre semble loin !

Le véhicule atteint un cabanon, posé en bord de mer. Cette apparition hors du temps attise la curiosité de la conductrice.

Sous le capot, le moteur cesse de battre. Les deux tourtereaux font le tour du cabanon. L'endroit semble désert. On ne voit âme qui vive. Du poisson sèche au soleil. Un vertigineux sentiment de liberté écrase Sylvie et son époux Konrad Reinholtz.

Intimidé, le pêcheur se mure dans un silence bourru. Sylvie déclare être française mais cela rassure à peine le colosse au visage buriné.

— Je suis Pentecôte, finit-il par grommeler assis au milieu du capharnaüm de nasses, de casiers et de filets. Sous son crâne chauve, ses pensées se bousculent : Pourquoi en ce jour, Poséidon lui joue t-il semblable tour ? D'où sort cette traîtresse brune et son boche de mari ?

Konrad veut marcher sur la plage — Seul. Il ôte ses chaussures en cuir brun et s'éloigne. Le charme est rompu. L'épouse réprime un soupir ; veut goûter au poisson séché ; se ravise. Tête renversée en arrière, Sylvie étanche sa soif. En proie à un songe bestial, Pentecôte l'observe à la dérobée.

Sylvie est étendue dans le chaos multicolore des filets de pêche. La lumière du dehors suinte du toit percé. Pentecôte fait courir sans rudesse ses impitoyables mains sur la chair qui se cambre. Sylvie ondule. Telle une caravelle sur l'onde, elle tangue et roule sous les caresses du pêcheur. Pentecôte est affamé. Hors d'haleine, il dévore la chair brune de ses baisers voraces. Quand, avec l'agilité d'une murène, la langue du marin sinue en elle, Sylvie se tord de plaisir. Ses cheveux châtains se mêlent au crin des filets.