Le moment que j’ai tant attendu est enfin arrivé. Je prends plusieurs minutes pour faire un résumé de la situation sur les récents évènements, de la mort d’Hiroki jusqu’à celle de son tueur. Une fois le point fait, alors que Teresa souhaite s’exprimer sur la situation, je lui coupe net la parole avant de sortir une dernière information : "malheureusement pour l’assassin d’Hiroki, il ne savait pas que ce dernier avait fait une copie de ses recherches sur une clé externe cryptée et surtout cachée. L’ensemble des preuves qu’il avait rassemblées ont été effacées, sauf celle-là. Or, le fichier a été finalement décrypté, et le contenu était… pour le moins, très intéressant".

Un silence de mort s’abat d’un bloc sur notre assemblée alors que l’atmosphère devient tendue d’un seul coup. Voyant que nul ne souhaite commenter, je continue alors mon monologue.

• Enfin, je n’ai pas été tellement étonnée de ce que j’y ai lu car finalement cela corrobore avec mes doutes et soupçons. Mais j’ai désormais une preuve formelle. Et ce qu’il y avait sur le fichier, eh bien… c’est assez de preuves, crédibles, bien renseignées, et précises.

Je m’arrête en fusillant du regard les différentes personnes réunies ici, à voir leurs visages qui expriment de la surprise, sauf pour un visage, qui lui est davantage celui de la crainte et de la confusion. En Russie, j’ai largement eu le temps d’apprendre à comprendre les gens et ce à quoi ils peuvent penser juste en analysant leurs gestes, un grattage nerveux, le regard fuyant, se ronger les ongles, tout ça montre qu’une personne n’est pas sereine. Et quand quelqu’un n’est pas serein, c’est qu’il a quelque chose à se reprocher. Malheureusement pour la personne concernée ici, bien souvent ce sont les psychopathes qui parviennent à garder leur sang-froid même quand ils savent acculés, cependant une personne née dans la sécurité et qui n’estime pas être dans l’erreur, car elle agit d’un point de vue politique et non pas par psychopathie, ne peut pas cacher sa peur. Alors, je m’arrête immédiatement sur ce visage-là, celui dont les mimiques confirment d’autant plus la véracité des recherches d’Hiroki.

• - Toi, quel est l’ordre que je t’avais donné lors d’une de nos réunions ?
• - Tu m’as ordonné de fermer les frontières et de ne pas faire passer d’examens jusque nouvel ordre, Dictatrice. Sa voix a beau être claire, sa façon de le dire me prouve qu’elle récite simplement un texte de phrase bateau.
• - Exactement. Tu as scrupuleusement respecté cet ordre n’est-ce pas ?
• - Bien sûr Dictatrice !
• - C’est étrange, parce que les recensements effectués par Hiroki font état d’une autorisation d’entrée sur Europa de plusieurs personnes extérieures non autorisées.
• - C’est… c’est une erreur ! Dictatrice, j’ai…
• - Silence ! Je frappe du poing sur la table en criant avant de reprendre doucement. Tu sais ce qu’il en coûte de la trahison à Europa, non ?
• - La… la peine… capitale… fait-elle en bafouant.
• - Oui. Dis-moi, cela valait-il la peine de trahir Europa, de faire assassiner Hiroki, de permettre à des terroristes de commettre un attentat ?
• - Je n’ai pas…
• - Inutile de nier ! Je suppose que tu l’avais déjà compris étant donné le stress apparent que je vois depuis tout à l’heure. Oui, les données laissées par Hiroki me permettent d’affirmer que j’ai toutes les preuves de ta trahison. Oh, il fait aussi état de tes différents complices, ainsi que de ton implication dans la tentative de mon assassinat mené par Bazinet. Enfin, laisse-moi donc te le dire clairement cette fois : Teresa Halterman, tu es présentement accusée de meurtre et d’association avec un groupuscule terroriste ennemi.

A mon signal, la police des Légionnaires entre dans la salle du Conseil pour procéder à l’arrestation de Teresa. Elle a beau protester de l’illégalité de cette capture, toutes les preuves sont à charge contre elle, et par ailleurs ont été affichées sur l’holo-écran de la salle de réunion afin que tous puissent constater les faits.

• - Tes méfaits seront dénoncés à tous les Europans. Pour haute trahison, tu seras exécutée dès demain à midi, tu n’auras droit à nul procès étant donné que ta culpabilité est effectivement dans toute son intégralité.

C’est ainsi que se termine la séance de réunion mise en place pour piéger la traître dont le nom ne mérite plus d’être cité. Afin de me débarrasser au plus vite des éléments gênants, comme pouvait l’être Samy, son exécution décidée bien en amont de cette arrestation a été décidé au plus tôt et sans procès. Après tout, nous sommes en période de guerre, en ma qualité de Dictatrice j’ai autorité totale de vie ou de mort sur quelque personne soupçonné de trahison et d’aide à l’ennemi.

Avant de permettre aux autres membres du Conseil de se retirer, maintenant que la traître a été sortie de la salle pour être incarcérée en attendant la fin de sa misérable vie, j’annonce que je tiendrais un discours avant son exécution et que le remplaçant pour son poste au Conseil sera annoncé par la même occasion.

• - Mais enfin Dictatrice, comment… je veux dire, nous devons élire le remplaçant de Teresa, me questionne Asma.
• - Il n’y aura pas d’élection, nous n’avons pas le temps. Question suivante.

Face à la froideur et sécheresse de ma réponse, et sachant pertinemment que je ne veux pas entendre de « question suivante », nul n’ose s’exprimer et surtout de me couper à nouveau la parole, constatant mon agacement. Je conclus donc calmement mon explication sur le programme de demain, avant de leur donner autorisation de se retirer, tout en décelant sur le visage de certains une expression de terreur. Comment gouverner une nation aussi puissante et vaste qu’Europa sans faire preuve de fermeté et de dureté après tout. J’assumerai le rôle de la méchante si nécessaire, mais pour rien au monde je ne laisserai Europa à la merci de faibles comme Asma et de traîtres comme Teresa.