L'envol
Presque chaque jour, un goéland venait frapper à la fenêtre de la cuisine.
Mamie Estelle avait l'habitude de lui donner à manger. Elle souriait mais ses yeux se voilaient. Papy m'expliqua :
" Il faut que je te raconte une chose à propos de Mamie.
- Laquelle ?
- Quelque temps après la fin de la guerre, nous nous sommes recueillis sur la tombe de ton oncle Michael.
- Il est mort en France, c'est ça ?
- C'est ça, Richie. J'ai encore des frissons au souvenir de ces magnifiques croix blanches. J'ai beaucoup pleuré ce jour-là, mais Mamie a su contenir ses larmes.
- Ça a dû être difficile pour elle.
- Certainement, oui. Un peu plus tard sur la plage, elle a soudain lâché ma main. J'ai rarement eu aussi mal qu'à ce moment. Et elle s'est élancée vers des goélands qui se promenaient sur le sable.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
- Ils se sont envolés dans un énorme piaillement. Ils ne devaient pas être très contents. répondit Papy, amusé. Il reprit :
" Je l'ai rejointe. Elle avait les joues en feu et elle riait. J'ai remarqué aussi ses yeux humides. L'éclat de son visage m'a fait me sentir bien. Elle a crié pour couvrir le fracas des vagues et de l'averse sur nos manteaux :
" J'ai chassé le chagrin, Merrill. Michael me manquera toujours mais notre premier petit-fils arrive. La vie continue. "
Je ne sus que répondre à Papy. Il me fit un clin d'œil et conclut doucement :
" Et tu es né deux mois plus tard, Richie. "
Peut-être qu'oncle Michael continue de rendre visite à Mamie Estelle à travers ce goéland. Quoiqu'il en soit, dans les mystères du deuil, elle continuera de le nourrir.
Annotations
Versions