Le tigre et le lotus
Reflets de mandarine et de corail, le crépuscule livre ses derniers feux. Dans la jungle dansent les ombres épaisses. Tout à coup, aussi sombre que les ténèbres au-delà de l'entrelacs de lianes, le majestueux seigneur de ce lieu apparaît dans sa robe de cendres et de feu. La fleur de lotus, dialogue silencieux, lui répond en se parant des mêmes couleurs.
Je me réveillai dans la pénombre de ma chambre, Beatrice lovée contre moi. Une pluie tiède tombait sur Rum Cay. Les bribes éthérées de mon rêve me ramenaient au coup de fil de cet après-midi.
Nous revenions des obsèques de Mamie Estelle quand une voix que je n'avais plus entendue depuis des années s'était adressée à moi. Douce ce jour-là, mais je n'avais jamais oublié les mots vipérins qu'elle m'avait adressé pendant mon enfance :
" Allô ?
- Richard ? C'est Maman.
- Oh ! Qu'est-ce qui t'amène ?
- J'ai appris pour ta grand-mère. Je suis désolée.
- Merci. Je transmettrai à Papy Merrill.
- On m'a dit aussi que tu allais être papa.
- En effet.
- Est-ce que tu me permettras de rencontrer ton enfant ? "
Je raccrochai sans répondre. Le tigre, aussi séduisant soit-il, reste un prédateur. Je n'avais plus de pardon à offrir.
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