3 - Soit un homme, soit un Bauer

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- Bon, on récapitule, Bauer à toi.

Adolf sortit un petit carnet abîmé avant de prendre la parole.

- Elle s’appelle Margarethe Hofman, elle a la vingtaine et vit en périphérie du village. On peut la trouver au marché certains matins ou à la laverie. Sinon elle passe la plupart de son temps chez elle pour aider ses parents. Elle fait aussi quelques travaux de couture pour gagner trois sous.

- Parfait, on est juste à côté du marché, on a plus qu’à attendre qu’elle arrive.

- Tu veux dire que Bauer attend et nous, on finit cette délicieuse bière ?

Les deux garçons pouffèrent pendant qu’Adolf se replongea dans ses pensées. Il n’était clairement pas à l’aise avec le concept de drague et les conseils de ses compagnons de voyage ne furent pas été très efficaces. Ces derniers le remarquèrent.

- Arrête de bouder, soit un homme !

- Mais oui, les femmes, c’est simple, tu dois prendre le contrôle de la situation. C’est toi l’homme, c’est toi qui choisis. Une femme, c’est fait pour obéir, c’est ce qui les rends heureuses.

- Tu es sûr ? demanda Adolf.

- Certain, donc tu y vas et tu prends le contrôle de la situation.

- Et les compliments, complimentes la sur son apparence, elles adorent ça.

- Et parle de toi, montre ce que tu vaux, ton argent surtout !

Les deux hommes continuèrent à abreuver Adolf de conseils lorsqu’ils aperçurent la jeune fille en question passer devant la fenêtre du bar où ils avaient établi leur QG. Ils poussèrent à la hâte Adolf vers la porte pour qu’il aille faire face à Margarethe.

Il la suivit mine de rien jusqu’au marché, hésitant à entamer la discussion. Finalement, alors qu’elle observait avec attention les pommes d’un étal, il se dit à lui-même dans un murmure : “Soit un homme, soit un Bauer”, avant de se jeter à l’eau.

Il tenta de saluer la jeune fille mais elle lui répondit d’un air distrait, peut-être ne se souvenait-elle pas de lui, ou n'avait-elle que faire de ce jeune homme qui interrompait sa journée déjà bien chargée. Il ne se démonta pas pour autant.

- Quelle chance de vous voir ici mademoiselle Hofman, comment se déroule votre matinée ?

-Excusez-moi monsieur mais je suis très occupée, lui répondit-elle aimablement.

A ces mots elle passa à l'étal suivant. Le marché était bondé, ce à quoi la jeune fille semblait habituée et elle s'y déplaçait sans grande difficultés. Adolf au contraire eu bien du mal à la suivre. Il hésita même à abandonner sa quête mais il savait qu'un homme n'abandonnait jamais, et plus encore, qu'un Bauer n'échouait jamais.

Alors il persévéra.

-Vous ne vous souvenez peut-être pas de moi, nous nous sommes rencontrés il y a quelques jours alors que vous étendiez votre linge.

Elle daigna enfin le regarder, mais contrairement à ce qu'espérait Adolf, elle était loin d’arborer un sourire.

Sa journée avait commencé aux premières lueurs du jour et il restait encore fort à faire avant le couché. Papoter avec un jeune homme ne faisait pas du tout partie de ses plans, aussi beau soit-il.

Adolf ne se démonta pas pour autant.

-Je suis heureux de vous retrouver. J'aimerais beaucoup que nous faisions plus ample connaissance. Seriez-vous libre prochainement ?

Non ! Voulut-elle crier, mais elle se contenta de le hurler dans sa tête. Aucune femme n’oserait donner son avis de façons si tranché. Aucune vraie femme tout du moins.

Elle se souvenait parfaitement du jeune homme, Bauer s’appelait-il ? Il lui avait bien plus ce jour-là sur la colline. Plutôt grand et bien battit, mais pas effrayant. Il avait un visage doux et ses quelques moments de timidité ne l'avaient pas laissé indifférente. Et même si ses vêtements de voyage ne payaient pas de mine, un pantalon marron poussiéreux en tissus épais tenus pas des bretelles en cuir et une simple chemise blanche, ses manières et ses mots étaient ceux d’un gentleman, bien loin des grossiers fermiers dont elle avait l’habitude.

Mais ce matin il n’était pas tout à fait le même, sans vraiment pouvoir mettre le doigt sur ce qui la gênait.

Et elle n'avait de toute façon pas le temps pour batifoler.

-Je ne sais pas monsieur, je suis très prise.

Elle tentait de fuir la conversation mais il insistait, et ce faisant, il commençait sérieusement à lui courir sur le système. Accepter un “non” était-il trop difficile pour les hommes ?

Une aide imprévue arriva sous la forme de trois de ses amies. Ces dernières n'étaient jamais contre l'idée de discuter avec de nouvelles têtes, surtout si séduisantes. Après une rapide salutation à Margarethe, elles assaillirent le jeune homme de questions et de compliments. Margarethe profita de leur intervention pour échapper au regard d'Adolf et fuir le marché bondé. Elle prit le chemin de retour à la ferme familiale, son panier bien rempli malgré tout.

Le trajet lui prenait en général une bonne heure, il serait toutefois plus court si elle ne laissait pas autant son esprit vagabonder. Cette fois, elle se réinventait l'aventure qu'elle venait de vivre en remplaçant le marché par une jungle épaisse. Ainsi, un frêle buisson au bord du chemin devint une cachette idéale pour fuir le jeune homme devenu dangereux bandit.

Son jeu se poursuivit ainsi jusqu'à son arrivée à la ferme. Elle poussa un profond soupir avant d'ouvrir la porte. Margarethe fut accueillie par les cris de ses petits frères et sœurs et l'apostrophe de sa mère depuis la cuisine : “Margarethe c'est toi ? Viens vite pour préparer le déjeuner, on n'a pas toute la matinée !”

La porte d'entrée se referma sur Margarethe qui ne put retenir un nouveau soupir.

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