Chapitre 3
Il a voulu jouer avec moi. À mon insu. Il m'a pariée. Un peu, comme on pariait la dernière part de pizzas. Je me suis sentie tellement humiliée..
Quand il m'avait demandé de sortir avec lui, c'était parfait. Il venait de terminer de me jouer mon morceau préféré de Beethoven, et me l'a demandé comme ça. De but en blanc. J'étais tellement surprise que je n'ai rien dis, pensant qu'il rigolait. Il savait toutes les rumeurs à mon sujet, et il me le demandait quand même ? Trop beau pour être vrai. Et pourtant... Il s'est approché de moi, a posé son violoncelle et m'a embrassé. Tu sais, un peu comme les baisers dans les films ? La même. C'était mon premier vrai baiser. Il était tellement beau.. J'étais devenue vraiment accro à lui. Dès que j'avais un trou, j'allais le voir. Quand j'y repense, je me rends compte que lui ne venait jamais. Mais bon, j'ai mis ça sur le fait qu'il était timide.
Pour me comprendre, il faut être tombé amoureux au moins une fois. Tu as déjà été amoureux Caleb ? Pour de vrai ? As-tu eu cette espèce de boule au creux du ventre, ce sentiment de béatitude quand il te touche, ce manque quand il n'est pas là, l'envie de poser tes yeux sur la personne quand elle a le dos tourné ? Je ressentais exactement ça pour lui. J'ai désobéi à mes parents pleins de fois pour aller le voir.
On est resté.. 3 semaines ensembles ? Peut-être moins, c'est un peu flou. C'est court, je sais, mais je l'aimais tellement.. J'ai appris par erreur qu'il m'avait joué. Une fille qui ne savait pas qui était sa petite amie, m'a dit “, c'est peu cher payé pour sortir avec cette fille, même contre tout l'or du monde, je ne l'aurais pas fait”. J'ai regardé cette fille, et j'ai tourné les talons. Le soir même, j'avais rompu. Résultat : il n'a pas tenu son pari, selon lequel il devait tenir un mois entier avec moi, et n'a pas pu avoir ses 40 €. 40 € ? Je ne vaux que ça ? Vraiment ?
Quand je suis allée le voir pour rompre, il était en train de lire un magazine. Il m'a regardé, m'a fait un léger smack et s'est rassit. J'ai explosé. Je lui ai sorti les pires horreurs, j'ai crié comme une possédée. Son père et son oncle nous ont regardés, sa cousine est arrivée et a pris ma défense. Au bout de cinq minutes, j'ai fondu en larmes et je suis partie.
Après cet épisode, il s'est mis à raconter des choses comme quoi, nous “avions fait”. Toute sa famille avait assisté à ma colère, et d'après leurs regards son comportement ne leur avait pas plut. Il a raconté que je m'étais montrée nue à lui, que je lui avais fais quelques.. Comment avait-il dit cela déjà ? Ah, oui. Une “gâterie”. Je pense que tu sais ce que ça veut dire, non ? Mais c'est Faux. On a jamais rien fait de tout ça. Je n'avais jamais été plus loin que sa bouche, des fois des câlins... Et encore, je ne me sentais pas à l'aise.
Ce qui m'a fait le plus mal, c'est de voir mes souvenirs réduit en miettes. Mon premier baiser, mon premier câlin, mon premier amour... Tout souillé. Ce n'était qu'une illusion. J'aurais pu lui pardonner, s'il n'avait pas enfoncé autant le couteau dans la plaie. C'est à partir de ce moment-là que j'ai commencé... À me poser des questions. À quoi servais-je, si à chaque fois, on me montrait que je ne valais rien ? Je suis une catin, débile et qui ne vaut même pas 40 €. De quoi se payer un mois de cigarettes.
Ma mère m'a demandé d'aller voir un psy, mais a bien vite abandonné. Je le regardais, ne disais rien. J'attendais patiemment que l'heure tourne. S'il me posait une question, quelques fois, je répondais. Il ne me comprendrait pas de toute manière, ou me dirait que je dramatisais tout. Alors on a arrêté les séances psy. Je me souviens, à la dernière entrevue, il a dit à ma mère que j'étais fragile.
On m'a rechangée d'école. J'ai arrêté les cours en mai de mon année de quatrième. Je restais chez moi, à jouer du piano. Et à réfléchir. C'est un de mes gros défauts ça, je réfléchis trop. Ce qui peut paraître banal chez certaines personnes devient complexe dans ma tête. Peut-être que si je réfléchissais moins, tout serait aller mieux.
Mon frère n'est quasiment pas rentré des vacances d'été. Il était devenu un inconnu pour moi. Il a passé des journées à me raconter des histoires, plus marrantes les unes que les autres. Il ne s'est même pas soucié de savoir si j'allais bien... Mais je ne lui en veux pas. Après tout, il avait sa vie. Que pouvait-il avoir à faire de ma pauvre vie fragile ?
La première lettre s'arrête ici. Très longue, je dois l'admettre. Merci d'avoir lu jusqu'au bout, merci d'avoir partagé un petit bout de ma vie.
Regardes ce que tu ne vois pas. »
Caleb regarda la fin de la lettre, encore et encore, comme s'il attendait que de nouveaux mots apparaissent. Malgré tout, il restait quelque peu sceptique. Comment autant de choses pouvaient arriver à cette fille ? Elle avait sans doute raison, elle était maudite. Il s'était senti tout particulièrement coupable à la fin de la lettre... Lui aussi avait parié sur une fille, alors qu'il savait qu'elle était amoureuse de lui depuis la primaire. Il ressemblait exactement au garçon qu'elle décrivait. Une boule s'était formée dans son ventre. Est-ce que Taylor ressentirait la même chose si elle l'apprenait ? Question idiote : Bien sûr que oui. Il savait qu'elle était folle de lui.
Il ne pouvait pas nier que Taylor était belle. Très belle. Le genre blonde sulfureuse, aux yeux azur et aux formes avantageuses. Qu'elle savait très bien mettre en valeur d'ailleurs. Mais elle n'avait pas ce petit truc, cette chose différente qui attirait le brun. Elle était tellement... Banale. Elle écoutait les musiques qui étaient à la mode, elle portait les vêtements qui étaient à la mode, disait ce qui était à la mode... Adorable comme fille, mais tellement chiante. On en voit des comme ça tous les coins de rue.
Caleb lui cherchait une fille spécial. Il pourrait s'en vanter, se dire qu'aucun homme n'aurait la même. Celle dont il serait fier de parler. Pas une qui, lorsqu'on parlerait d'elle, un autre dirait « Moi aussi la mienne fait ça. » Ça le rendrait fou.
Une heure et demie s'étaient écoulée depuis qu'il s'était installé dans son jardin. Et il n'était que 13 h 30. Sa mère ne tarderait pas à rentrer, et il devrait faire semblant d'être malade. Avec son visage cadavérique, il n'aurait pas tant de mal que ça.
Caleb releva doucement son visage vers les hautes branches de l'arbre. Il n'avait jamais vraiment compris ce qu'il faisait là, et franchement la nature... Ça ne l'intéressait pas bof. Pourtant, l'odeur le calmait après cette journée plus qu'épuisante.
C'est avec cette douce fragrance qu'il partit doucement dans les bras de Morphée, d'un repos plus que mérité.
**************
Une voiture noire s'arrêta devant la maison Hayes. Une femme d'un âge respectable en sortit, avec sous les bras plusieurs sacs de nourritures. Alors qu'elle pénétrait dans le grand salon, elle aperçut une masse noire allongée près de son saule à travers la baie-vitrée. De peur que ce soit un voleur, elle s'arma immédiatement d'une poêle - on fait avec les moyens du bord - et s'avança doucement vers la personne.
Ce n'est que lorsqu'elle fut a moins d'un mètre qu'elle reconnut son fils. Caroline ne put s'empêcher de laisser un petit rire s'échapper de sa gorge : elle se trouvait profondément ridicule. Qu'est-ce que ferait un voleur allongé sous son arbre ? Elle avait l'air d'une folle avec sa poêle à frire prête à frapper !
Mais sa bonne humeur s'évapora. Qu'est-ce que son fils faisait dans son jardin, à 14 h 15 et des poussières, alors qu'il devrait être en cours ? Son instinct maternel reprit le dessus. Elle savait que son fils allait mal, elle le sentait. Et s'il était ici, ce n'était pas pour rien. Caleb n'était pas du genre à sécher, et puis ce serait idiot de sécher dans son jardin. Caroline savait qu'elle était très protectrice envers son petit dernier. Mais elle ne pouvait pas s'en empêcher. Elle adorait ses enfants, mais son premier avait déjà quitté le cocon familial et elle manquait désespérément d'enfants autour d'elle. Malheureusement, la nature l'empêchait de refaire des enfants aussi tardivement, alors elle rejetait tout cet amour sur Caleb. Il était celui qui lui ressemblait le plus. Jackson avait le même visage que son père, même si ses yeux restaient ceux de Caroline. Caleb lui était sa mère, au masculin.
La Hayes avait depuis bien longtemps deviné que son fils était encore fragile, et qu'il était facilement influençable. Beaucoup plus que Jackson. Surtout qu'il avait un blocage avec les personnes. Il faisait le dur, le grand, le beau... Mais il était terriblement fragile. Un peu comme un « Mon chéri ». Dur à l'extérieur, et mou et chaud à l'intérieur.
Caroline sourit tendrement et posa un baiser sur le front de son fils. Elle le laisserait se reposer un peu, il ne semblait vraiment pas bien. Elle repartit d'un pas léger vers sa cuisine, décidant de préparer un bon repas pour son amour de fils.
Caleb, lui, s'était réveillé peu de temps après qu'il ait senti quelque chose d'humide sur son front. Il lui avait fallu quelques minutes pour se réveiller complètement. Lorsqu'il se décida à se lever, son dos le fit atrocement souffrir. Dormir au pied d'un arbre, ce n'est pas vraiment comme dans les films... Les racines, c'est douloureux. Il devina que sa mère était rentrée, il se dirigea donc vers la cuisine. Elle avait l'air, comme toujours de très bonne humeur. Elle contrastait complètement avec la famille Hayes.
- Rebonjour Maman, murmura Caleb.
- Ah, tu es réveillé, sourit Caroline. C'est à cause de moi ? Désolée de t'avoir dérangé, mais tu sais, tu ferais mieux de dormir dans ton lit...
- J'avais pas mes clefs.
- Comment ça ? S'étonna-t-elle. Et ton sac, il est où ?
- Il est au lycée, Alex me l'amènera sûrement.
- Oh, d'accord. Tu veux peut-être aller te coucher non ?
- Mmh, je veux bien, accepta Caleb .
- Vas-y mon chéri. Je t'apporte à manger après.
Décidément, sa mère pensait à tout. Elle avait réussi à deviner qu'il n'avait rien avalé depuis hier soir. Très forte. Il avait remarqué son regard sur les feuilles qu'il tenait. Ça devait lui paraître bizarre, puisque qu'il n'avait pas pris son sac, mais qu'il avait ces lettres. Mais il était content qu'elle ne lui ait pas posé de question.
Le brun entra dans sa chambre et se laissa tomber sur son lit, épuisé. Du coin de l'œil, il remarqua la première lettre d'hier soir. D'un immense effort, il l'attrapa et la mit avec les autres sous son oreiller. Il envoya un sms à son cousin, avant de se laisser couler dans le sommeil.
En plein cours de maths, un autre Hayes était en train de lire un message sur son téléphone. Immédiatement, il le transféra au meilleur ami de son cousin. Aucun des deux n'en croyait leurs yeux.
« J'abandonne Ryan . J'ai pas envie de
faire souffrir Taylor pour t'amuser. »
Caleb allait vraiment mal.
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