Chapitre 7 : La vérité
Le cours est terminé. Il est dix-sept heures, je suis en week-end. Je me dirige à petit pas vers mon casier. Les médicaments que j'ai pris tout à l'heure ont enfin agi. Ainsi, la douleur s'est un peu calmée.
Lorsque j'ouvre mon casier, quelqu'un m'appelle. Je tourne la tête à gauche. J'aperçois le nouveau avancer dans ma direction. Lorsqu'il arrive à ma hauteur, il pose son épaule contre les casiers rouges à côté du mien.
- Salut, comme on est à côté en classe et qu'on va sûrement devoir faire des travaux ensemble, je me disais que serait mieux de savoir ton prénom.
Sans quitter son sourire naturel, il me scrute, attendant ma réponse. Avant que je n'ai le temps de m'exprimer, quelqu'un s'empresse de fermer mon casier pour attirer mon attention.
- Salut West !
Non, mais il fait quoi là ?
- Salut, Ryan, répondis-je en grimaçant.
- Salut, s'exclame-t-il en direction de Matthieu. Il paraît que t'es le petit nouveau ! Moi c'est Ryan comme tu viens de l'entendre.
Il lui tend une main et Matthieu la serre fermement. Ryan, un sourire en coin, demande d'où il vient. Matthieu répond qu'il débarque d'Angleterre.
- Pas trop le mal du pays ?
- Un peu dépaysant j'avoue, mais ce n'est pas ça qui va me démoraliser, rit Matthieu. J'aime le changement.
- Super alors, Matt ! Tu permets que je t'appelle Matt ?
- Bien sûr, tout le monde m'appelle comme ça d'ailleurs.
- Ce soir, je fais une petite fête chez moi, t'es invité si tu veux.
Matthieu accepte après avoir fait une accolade à Ryan. Ces deux là parlent comme si je n'existais pas. Ce n'est pas possible ça ! Je me râcle la gorge.
- Oh, pardon West. Bien sûr que toi aussi tu es invitée. Tu peux même venir avec ton amie.
J'acquiesce sans même savoir si j'irai ou pas. Je n'aime pas les soirées comme ça. Il se passe toujours des trucs. Mais Sarah en raffole. Alors, si je lui en parle, elle me forcera et je craquerais en trente secondes.
- Par contre, je ne veux personne d'autre du lycée. Ils craignent tous... sauf vous bien sûr.
Ryan nous salut pour repartir aussi vite qu'il est arrivé. Matthieu se penche vers moi. Il sent les vieux livres. J'aime.
- Sympa ce Ryan. C'est ton ami ?
- On ne peut pas vraiment dire ça.
- OK, du coup ton prénom c'est West ?
Mince, j'avais oublié qu'il m'avait posé la question et que Ryan avait lançé ce prénom là.
- Non, enfin c'est compliqué. Disons plutôt que c'est mon surnom.
- Pas de problème. Je peux t'appeler West du coup ?
- Appelle-moi plutôt Andy, sauf quand Ryan est dans les parages.
Mes paroles semblent le troubler voire même le perdre. Mais, il ne bronche pas. Son sourire m'indique qu'il a compris le message. Pas de question.
Lorsque je rentre chez moi, je jette mon sac sur le canapé et enclenche le répondeur du téléphone fixe.
"Vous avez trois nouveaux messages."
Le premier se lance. Je m'arrête. Ce n'est pas souvent que nous avons des messages.
"Coucou c'est Sarah ! Andy, tu as dû éteindre ton téléphone. Du coup, je voulais te dire que Max va sûrement t'appeler pour t'engueuler à propos de tu-sais-quoi... Je n'ai pas pu m'en empêcher. Pardonne-moi."
Je supprime le message. J'appréhende les deux autres. Le deuxième s'enclenche. Max.
"C'est moi, Ander. je t'appelle d'un téléphone prépayé. Le mien est resté à l'appart. Je ne vais pas rentrer. J'ai trouvé un contrat en or en Argentine. C'est la chance de notre vie. Je vais amasser une tonne d'argent et quand je reviendrais on pourra se casser de là. Je pars en bâteau aujourd'hui. Je vous tiendrais au courant lorsque je rentrerai. Andy, prend soin de ton frère."
Ce n'est pas Max. C'est Ander. Mon corps se fige, se refroidit lorsque j'entends ce message. Comment peut-il... Mes muscles se tendent. La colère monte. Beaucoup trop. Je vais faire une crise.
J'entends le troisième message s'enclencher. Je n'ai plus le force de bouger. Mes oreilles bourdonnent au son de la voix.
"C'est encore moi. Je ne vais pas pouvoir revenir..."
Sa voix est saccadée. Il court. Qu'est-ce qu'il essaye de fuir ?
"On s'est fait chopé sur le port. La douane nous a coincé avec toute la cargaison..."
Mais quel putain d'idiot !
"Je suis en train de courir comme tu peux sûrement le deviner. Mon téléphone va bientôt couper. Je n'ai plus de batterie."
En effet, j'entends un BIP strident, m'indiquant que la communication va couper d'une minute à l'autre.
"Je vais me cacher pendant un moment. N'essayez plus de me contacter, je dois disparaître. Invente une excuse pour ton frère. Je suis..."
La communication a coupé.
J'ai tout à coup la tête pris dans un étau. La douleur à ma cheville se réveille déjà. Tout mon corps tremble et me fait mal. J'ai à peine le temps de mettre les mains devant moi que je m'écroule au sol.
Un vacarme lointain m'entoure petit à petit. Des bruits de pas, une voix. A travers mes paupières, je crois même déceler une faible lumière. Je sens des bras m'entourer et me soulever.
Tout semble si calme, si paisible. Je pourrais rester ainsi pendant des siècles. Pourtant, mon corps jusqu'alors endormi, se réveille doucement.
- Andy, tu m'entends ? Andy, réveille-toi !
J'entends une voix chaude m'appeler. Oui, je suis là. Je t'entends. Mais c'est beaucoup trop dur d'ouvrir les yeux.
Je me sens secouée dans tous les sens. La personne qui me porte, qui me parle, marche. Elle me pose sur quelque chose de doux, moelleux. Je sens qu'on tire une couette sur mon corps.
- Ça va aller Andy. Je vais appeler Max.
Max. Ce prénom me fait l'effet du claque. La personne qui me parle ne sait pas qu'il est déjà parti. Ce doit être Lucas qui me tient compagnie. Oui, c'est sûr. Il n'est pas au courant que Max quitte le pays. Je n'ai pas eu le temps ni la force de le lui avouer. Lucas a toujours vu Max comme un frère. Des fois même plus qu'Ander. Après tout, c'est normal. Max a toujours été présent pour lui. Jour comme nuit.
- Sarah, arrivé-je à dire.
Il doit comprendre que quelque chose cloche. Mais, il ne répond pas puisqu'il s'écarte après avoir caresser mon front. Je l'entends parler pendant quelques minutes puis il revient s'assoir à côté de moi.
- Elle arrive dans dix minutes.
Je sens mon visage se crisper en un sourire. Je suis trop faible pour parler à nouveau. Je me rendors.
Lorsque je reprends connaissance, mes yeux sont agressés par une lumière vive. Ils clignotent pour s'habituer à cette luminosité. Je relève la tête et regarde par la fenêtre. La nuit commence à tomber. Quelle heure est-il?
Mes mouvements attirent Lucas et Sarah qui accourent.
- Hey... Comment tu te sens ?
Lucas m'observe, les yeux rouges. Ses traits sont tirés, trahissant sa contrariété. Sarah prend une de mes mains et la presse. Ils me regardent tous deux comme une nouvelle espèce qui vient d'arriver sur Terre. Je ne suis pas un petit chaton sans défense, ai-je envie de leur dire.
Je me redresse lentement. Ma tête me fait encore un peu mal mais elle a arrêté de tourné. J'enlève la couette qui me recouvre et pose mes pieds sur le parquet. Je remarque que mon bandage a été refait.
- Je vais bien. J'ai juste besoin de sortir de là.
J'entends leurs protestations mais je n'y prête pas attention. Je me mets debout, ma cheville me tire un peu mais c'est supportable. Je me dirige lentement vers ma chambre. J'ouvre l'armoire et cherche un truc à me mettre.
- Mais tu fais quoi, Andy ? s'exclame Sarah.
- Je vais à une fête, je réponds comme si c'était naturel.
- Pardon ? Tu vas où ? Qui t'as invité ?
- Une question à la fois. Je ne suis pas encore tout à fait opérationel, grogné-je.
- Alors assis-toi pour qu'on parle de ce qui s'est passé !
J'ignore sa dernière phrase. J'attrape un vieux sweat blanc et le jette derrière moi. Je réitère mon action plusieurs fois avant d'avoir dans mes mains, un sweat à capuche jaune vif avec des trous au épaules. D'habitude je le trouve un peu trop court, mais pour ce soir, il sera parfait. J'attrape ensuite un jean bleu clair et mes bottes en cuir noir.
J'observe Sarah du coin de l'oeil qui continue de me parler. Elle semble de plus en plus agacée. Mais je n'entends plus ce qu'elle me dit, mes oreilles ont étouffé les bruits que fait sa bouche.
J'enlève mon tee-shirt pour le remplacer par ce sweat et mets le jean. Je m'assoie ensuite sur mon lit pour enfiler mes chaussures. Je cherche mon téléphone des yeux et me rappelle soudain qu'il est resté dans la cuisine. Je m'y dirige donc d'un pas assuré lorsque Sarah crie:
- Stop ! Ça suffit maintenant, Andy ! Tu vas me faire le plaisir d'arrêter de faire comme si tout allait bien !
Je me retourne vers elle. Elle est rouge après avoir crié. Ses cheveux blonds sont désordonnés. Cela ne lui ressemble pas. Elle, qui semble toujours parfaite, dans n'importe quelle situation. Ce soir, elle semble totalement déstabilisée.
- Qu'est-ce que tu veux que je te dise, bon sang ?
- La vérité ! Est-ce que c'est trop difficile pour toi ?
Les mots valsent. La colère monte. Je sens la présence de Lucas derrière moi au moment où les mots franchisent ma bouche.
- Ander est parti ! Il s'est cassé parce qu'il a trouvé un putain de plan foireux, Sarah ! Et maintenant il se cache parce qu'il est recherché ! C'est ça que tu veux ? La vérité ! La vérité, c'est que j'en ai marre de toujours attendre ! D'endosser un rôle qui ne devrait pas être le mien. J'aimerais, un jour dans ma vie, retrouver le bonheur ! Alors, ce soir, je vais boire et danser même si ma cheville veut m'en empêcher. Je vais faire la fête chez Ryan pour oublier pendant quelques heures ma vie merdique !
KL.Phoenix
Annotations
Versions