Dans les rues de Beauregard, tout était calme. Marrow Evrad traînait sa valise depuis ce qu'il lui paraissait être une éternité. Elle soupira d'ennui tandis qu'elle remettait les lacets de ses bottines. Le changement de saison la rendait toujours nostalgique. C'était un nouveau cycle. Marrow n'était jamais prête pour les nouvelles choses... Elle trouvait d'ailleurs qu'elle avait ressenti beaucoup plus de joie à l'automne dernier qu'à celui-ci ! Cela la laissait donc dans une mélancolie dévorante ! Marrow contemplait toujours le passé, à défaut d'être dans le présent. Elle rêvassait sans cesse d'hier un peu plus chaque jour... Cette dernière revivait intérieurement les conversations qu'elle jugeait ratées et les remodelait à sa façon, parfois par culpabilité ou par regret. Au fond, c'était une partie d'elle-même que celle-ci détestait !

Par la suite, Marrow observa sa montre : vingt-et-une heure tapante. Elle se sentait soulagée d'avoir terminé ce long trajet qui la séparait à présent du Havre. Son voisin de bord avait été des plus agaçant ! Marrow n'avait donc pas réussi à se reposer suffisamment à cause de ses tentatives de camaraderie inutile. N'étant pas du genre bavarde, elle préférait la solitude. Par conséquent, elle s'était armée de ses écouteurs et de Pink Floyd pour le faire fuir. Ce fut une victoire ! Ensuite, calée contre la fenêtre, celle-ci s'était mise à lire un roman d'Amélie Nothomb jusqu'à la fin du trajet.

Après avoir quitté son train, elle s'était réfugiée dans un café encore ouvert en face de la gare. A l'intérieur, il ne restait que le serveur qui s'apprêtait sûrement à fermer lorsque Marrow entra. C'était alors avec hâte que cette dernière commanda un chocolat chaud qu'elle buva sans se soucier de la température de sa consommation. Ce qui lui valut une méchante surprise ! Elle en garda d'ailleurs des tâches sur son chemisier blanc !

— Maudit chocolat ! s'était-elle exclamée en tapotant rapidement les éclaboussures avec un mouchoir.

C'était vain. Elle avait beau sortir d'une académie de magie, il n'y avait aucun sort qu'elle connaissait pour enlever les saletés... Marrow se contenta alors, de les dissimuler sous sa cape de laine qu'elle referma entièrement.

A Beauregard, quand il commençait à faire nuit, il n'y avait plus personne dans la ville. Les bars étaient fermés et aucun adolescent ne traînait en quête d'aventure. Par conséquent, trouver un bistrot ouvert à cette heure-ci relevait du miracle ! Cette commune ne détenait rien de touristique, ni de charme à part entière. Il n'y avait pas de grands magasins, ni de centre commercial et son seul atout était sa dense forêt. C'était doux et apaisant car elle savait qu'il ne lui arriverait rien si elle se baladait en soirée.

Lorsqu'elle sortit de la gargote, Marrow s'emmitoufla dans son écharpe beige et remit son béret correctement sur ses cheveux bruns. La fraîcheur de l'automne lui faisait l'effet d'une morsure glaciale ! Un invité qu'elle avait prévu ! Heureusement, il ne lui restait qu'à traverser la rue pour atteindre sa destination. Marrow devait rejoindre sa grand-mère chez son oncle pour passer le reste des vacances de Toussaint avec elle. C'était une tradition qui ne la gênait guère. De toute façon, personne ne l'attendait au Havre.