4/4 - Le monstre dans le récit littéraire
Le monstre n'est monstre que lorsqu'il se trouve projeté dans un contexte où il n'a pas sa place. S'il est l'un des éléments fréquents des récits fantastiques, c'est parce que ce genre littéraire joue sur un postulat identique : l'existence d'un élément hors-norme, voire inexplicable, dans un monde de normalité. Dans un univers identique au nôtre, il est plus aisé de poser les limites de cette normalité.
Il en va tout autrement pour les univers alternatifs. Dans nombre d’œuvres, le terme générique de "monstre" désigne tout ennemi susceptible de s'attaquer aux héros. Pourtant, rien ne justifie le fait de considérer comme tel l'ensemble des créatures inventées, même dangereuses et effrayantes. Dans un monde où un village d'orcs côtoie un village humain, où des dragons élèvent leurs petits au sommet des montagnes voisines, ni l'orque ni le dragon ne seront réellement des monstres, mais plutôt des voisins gênants. A la rigueur, en raison des nuisances qu'ils provoquent ou la peur qu'ils suscitent, peut-être seront-ils perçus comme tels, mais ils n'en font pas moins partie de l'ordre des choses.
Quant au monstre, le vrai, celui qui rompt les règles établies d'un univers par son existence même, il serait dommage de le réduire à l'état de simple épouvantail. Tout comme ses homologues du temps jadis, il pourra rester porteur d'une dimension symbolique, d'un message mystique, être annonciateur d'une perturbation susceptible de faire basculer le monde ou remettre en cause une norme sociale ou morale... Les curieux et les érudits chercheront à percer ses secrets. Peut-être s'essaiera-t-il à vivre dans un équilibre précaire avec la société des hommes.
Un monstre possèdera d'autant plus de puissance évocatrice que son existence même restera chargée de cette qualité subtile qui en fait un être à part, qui suscite crainte, trouble et séduction. C'est donc autant par la profondeur du récit qu'une habile mise en scène que prendra vie un monstre inoubliable.
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