Le syndrome du prince charmant (partie 1)

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Lola était sur un nuage. En l’espace de quelques semaines, sa vie avait pris une nouvelle dimension toute à la mesure de ses espérances. Un travail stable… une histoire d’amour… Que pouvait-elle rêver de plus… de mieux ?

La nuit passée lui laissait comme un goût de cannelle dans la bouche. Savoureux… sucré… irréel… magique ! Kévin était un amant doux, attentionné, à l'écoute du corps de sa partenaire.

La jeune femme n'avait jamais connu d'homme comme ça. Dans la majorité des cas, ses histoires d'amour ne duraient que quelques semaines voire quelques jours. À vrai dire, elle reconnaissait qu’il s'agissait plutôt d'histoires de cul... Presque tous les hommes qu'elle rencontrait, envoûtés par son jeune âge et sa plastique « Barbie® » étaient bien trop pressés d'aller et venir en elle pour vraiment se soucier de son plaisir et de ses désirs. Et Lola se lassait vite de ces relations charnelles sans lendemain.

« Un jour, mon prince viendra... » Quelle jeune fille n'a jamais fait ce rêve ?

Lola ne dérogeait pas à ce mythe imaginaire et elle était bien décidée à ne pas passer à côté de son prince charmant.

« Kévin est peut-être celui-là, lui soufflait une petite voix dans sa tête. »

Au petit matin, elle quitta l'appartement de Kévin sur la pointe des pieds. S'arracher à la chaleur de ses bras fut un crève-cœur mais elle avait tout juste le temps de passer par chez elle pour prendre une bonne douche et se préparer pour son premier jour de travail.

Mais avant de partir, la jeune femme observa quelques minutes la perfection du visage de cet homme qui la bouleversait, son torse qui se soulevait au rythme lent de sa respiration. Puis un sourire sur les lèvres, elle lui laissa un petit mot sur l'oreiller sur lequel elle griffonna : merci.

*****

Habillée, coiffée et maquillée avec soin, Lola partit au travail. Cette première journée était cruciale, elle devait faire bonne impression. Elle avait choisi de porter un tailleur pantalon. Une tenue élégante et chic composée d'un pantalon fluide et de son blazer long de couleur taupe. Un chemisier de soie, imprimé noir et blanc sublimait son ensemble.

Une belle journée s'annonçait, pas un seul cumulus présent dans le ciel.

La circulation était fluide et la nouvelle recrue arriva avec un quart d'heure d'avance. Stressée mais ravie, la jeune femme poussa la porte de service destinée aux employés. Monsieur Meyer, son patron, vint à sa rencontre. Sourire aux lèvres, il l'accueillit d’une poignée de main chaleureuse.

— Bonjour Lola ! J'apprécie votre ponctualité et vous êtes très élégante, la félicita-t-il.

— Bonjour Monsieur Meyer. Merci ! répondit-elle souriante en rosissant légèrement sous le compliment.

Avant l'ouverture, il lui présenta ses collègues de travail : Fanny, grande blonde aux yeux bleus et Sylvia, femme plantureuse à la chevelure rousse puis il lui remit son planning de la semaine.

— Pour les jours à venir, vous allez assister les autres vendeuses afin de vous familiariser avec la clientèle et vous serez aussi affectée à la caisse, lui expliqua-t-il d'une voix très professionnelle. Et si vous avez le moindre souci, n'hésitez pas à venir m'en parler.

Lola acquiesça d'un mouvement de tête. Du bout des doigts, elle caressa le cœur pendu à son cou, prit une grande inspiration pour se donner du courage et s'en alla rejoindre ses collègues.

*****

Kévin s'éveilla en sursaut. Il tâtonna à côté de lui à la recherche de Lola qu'il ne trouva pas. L'esprit encore embrumé par les vapeurs de la nuit, l'espace d'un instant il se demanda tout simplement s'il n'avait pas rêvé cette nuit d'amour... puis ses doigts rencontrèrent la feuille de papier sur l'oreiller. Un sourire fendit son visage lorsqu'il lut le simple petit mot écrit. Il s'empara alors de l'oreiller et respira à pleins poumons le parfum envoûtant que son amante y avait laissé.

Se redressant, il attrapa son portable sur le chevet et composa aussitôt son numéro. Il voulait entendre sa voix, juste sa voix. Malheureusement son téléphone devait être éteint, son appel fut dirigé immédiatement sur la boîte vocale. Déçu, Kévin lui laissa un message sur le répondeur.

Il lui tardait d'être à ce soir pour revoir son amante. Elle venait à peine de le quitter que déjà elle lui manquait !

En cet instant, il était le plus heureux des hommes !

Mais dans l'immédiat, une journée de travail l'attendait et s'il ne se pressait pas, il allait être en retard.

*****

À l'heure de sa pause-déjeuner, Lola alluma son portable. Celui-ci émit un bip, l'avisant d’un nouveau message. Elle écouta sa boîte vocale et son cœur fit un bond dans sa poitrine lorsqu'elle reconnut la voix de Kévin.

« Je décrocherais la lune pour toi si tu me le demandais... Je t'aime trop fort. »

« La tête dans les nuages, j’ai attrapé un coup de foudre, pensa-t-elle, amusée. »

« Idem... Lola. »

Son sms envoyé, elle se dirigea d'un pas léger vers le petit restaurant d'à côté, rejoindre ses collègues. Elle avait une faim de loup.

Sa première journée de travail fut très instructive. Fanny et Sylvia étaient sympathiques et d'un grand professionnalisme. Elles lui prodiguèrent de multiples conseils utiles afin que la jeune femme prenne en compte les multiples exigences de la clientèle huppée. Ses nouvelles collègues la mirent tout de suite en confiance sans distinction de statut. Et dans la perspective d’évaluer ses compétences, Fanny lui laissa le soin de s'occuper, seule, d'une fidèle cliente, sous son œil formateur.

Lola s’engagea dans le salon d’essayage. Dans ses mains, le tailleur jupe couleur chocolat chaud que Madame De Herbert convoitait. Elle l’aida à passer le vêtement, remonta la fermeture éclair dans le creux de ses reins puis l’invita à se contempler devant l’immense miroir.

Madame De Herbert admira sa longue silhouette d’une moue dubitative. Elle tourna sur elle-même, se tordit le cou pour examiner le tomber impeccable sur le galbe de ses fesses. Elle admit que l’ensemble était agréable sur la peau, le tissu soyeux et le coloris chatoyant, cependant elle hésitait encore à l’acheter. Lola passa aussitôt à l’offensive. Elle déploya ses arguments de vente. La jeune femme pérora longuement auprès de la cliente sur la qualité de l’étoffe, la couleur originale qui seyait au vert de ses yeux. Et afin d’appuyer sa rhétorique, elle partit chercher un foulard de couleur légèrement anisé. Elle le noua avec élégance autour de son cou afin que sa cliente puisse se rendre compte du résultat. Conquise par l’image que lui renvoyait d’elle le miroir, Mme De Herbert acheta l’ensemble sans plus discuter. Elle était si enjouée de son achat qu’elle ne tarit pas d’éloges auprès de Monsieur Meyer, le félicitant de sa nouvelle recrue.

La jeune femme finissait à seize heures trente. Elle salua ses collègues et son patron avant de filer. Bien qu'elle soit lessivée, elle fit quelques courses au supermarché avant de rentrer chez elle.

À dix-sept heures trente pétantes, Lola poussa la porte de son appartement. Elle n'avait qu'une envie : se plonger dans un bain parfumé relaxant. À la hâte, elle rangea ses paquets dans la cuisine avant de se diriger vers la petite salle de bain.

Elle se déshabilla et plia soigneusement ses vêtements. Ils lui avaient coûté une blinde, elle ne tenait vraiment pas à les abîmer.

Le corps se prélassant dans une mousse odorante, la tête posée sur le rebord de la baignoire, Lola ferma les yeux et savoura ce moment de détente. Ses pensées vagabondaient. Le souvenir de la nuit dernière passée avec Kévin lui revenait avec la précision du réel. Son cœur, son corps et son esprit vibraient au même diapason.

Tout… absolument tout lui disait qu'ils étaient faits l'un pour l'autre.

Cependant elle ne voulait pas mettre la charrue avant les bœufs, comme lui disait si souvent sa mère lorsqu’elle sentait sa fille aller un peu trop vite en besogne. Physiquement Kévin l’attirait… C’était indéniable… mais pas seulement... Elle aimait aussi être avec lui... partager avec lui... discuter avec lui... s'endormir avec lui et plus que tout, elle se surprit à vouloir se réveiller tous les matins auprès de lui. Sa première véritable histoire d'amour ! Mais elle se devait d'être certaine de la réciprocité de ses sentiments avant de trop s'engager dans une relation sérieuse. Elle ne voulait pas souffrir si jamais cet homme, pourtant au demeurant si parfait, n'était pas celui dont elle rêvait depuis toujours.

Lorsque Lola revint à la réalité, l'eau de son bain était froide et on tambourinait à la porte. Elle enfila son peignoir à la hâte et se précipita dans l'entrée.

— Voilà voilà... J'arrive ! cria-t-elle depuis le couloir.

Elle ouvrit la porte sur une Beth à la mine inquiète.

— Bon sang ! Mais qu'est-ce-que tu foutais ? J'ai essayé de t'appeler au moins dix fois et tes voisins doivent me prendre pour une folle à frapper ainsi à ta porte. Une chance qu'ils n'aient pas averti la police.

— Désolée, j'ai du m'endormir dans mon bain, bredouilla celle-ci en embrassant son amie. Je vais passer quelque chose, installe-toi au salon, je reviens.

Quinze minutes plus tard, les deux copines bavardaient gaiement, un verre de vin à la main. Fidèle à ses habitudes, Beth la bombarda de questions. Elle voulait tout savoir de sa première journée et Lola s'exécuta sur-le-champ. Trépignant d’une joie sans bornes, elle n'omit aucun détail. De temps en temps, son amie ne put dissimuler une moue de dédain, surtout lorsqu’elle évoqua le snobisme de la clientèle mais elle se garda bien de lui donner son opinion. Quoi qu'il en était, Lola connaissait parfaitement Beth pour savoir que son amie n'avait aucun atome crochu avec ce genre de femmes, des « bourgeoises coincées », « des culs serrés »… comme elle s'amusait à les appeler.

— Très joli ce petit cœur à ton cou. C'est nouveau, non ? lança malicieusement Beth, sautant du coq à l'âne. Technique infaillible de son amie : « prêcher le faux pour savoir le vrai ». Un exercice dans lequel elle excellait.

— C'est un cadeau de Kévin, articula timidement Lola d'une voix mal assurée alors qu'elle sentait le rouge lui monter aux joues.

Beth pouffa de rire devant la mine cramoisie de sa copine.

— J'en étais sûre ! Lucas m'a dit qu'il le trouvait « bizarre » aujourd'hui... Il semblait comme ailleurs. Toute la journée, il a eu sur les lèvres ce sourire béat qui lui donnait l'impression d'être sur un nuage.

Enfin, Beth avait quelque chose de croustillant à se mettre sous la dent. Elle adorait les potins.

— C'est sérieux ou pas, entre vous ?

— Je ne sais pas encore mais j'aimerais bien que cela le devienne, lui avoua Lola. Pour l'instant, je pense qu’il est amoureux mais à confirmer dans le temps. Tu connais les hommes aussi bien que moi. Au début, la nouveauté, la chair fraîche les transcendent… Je ne sais pas pourquoi mais je sens que Kévin est différent.

Des deux amies, Lola était la sagesse même. Tout le contraire de Beth !

Elle lui confia alors les sentiments nouveaux qui l'assaillaient à chaque fois qu'ils se voyaient, à chaque souffle sur sa peau, à chaque baiser sur sa bouche et sa crainte que ce ne soit qu'une simple amourette.

— Tu sais Beth, j’ai des papillons au creux de mon ventre lorsque je suis près de lui. Kévin est celui dont j’ai toujours rêvé ! Je sens qu’il est l’homme que toute femme voudrait avoir pour la vie à ses côtés. Je ferais tout pour le garder… Je l’aime comme jamais j’ai aimé ! Et malgré tout ça me fait peur.

— Crois-moi ! S'il te laisse filer pour X ou Y raison, c'est un triple idiot qui ne te mérite pas ! Dans ce cas là, nul besoin de t’attarder sur lui. Tu es une femme magnifique ma chérie, tu as la jeunesse et tu n'auras aucun mal à trouver chaussure à ton pied. Mais si j’étais à ta place, je ne me ferais pas trop de souci… C’est une évidence qu’il t’a dans la peau. Ne t’avais-je pas dit que vous vous étiez faits pour vous rencontrer ? Ainsi en conclut sa meilleure amie, ravie d’avoir vu juste.

Lola souleva un sourcil moqueur mais s'abstint de tout commentaire. Beth avait raison, jusqu’à présent sa plastique de rêve ne lui avait amené que des désillusions amoureuses. Kévin était peut-être l'homme qui la verrait autrement que nue dans son lit… Elle l’espérait tant !

L'heure de son cours de théâtre approchant, Beth termina son verre. Avant de prendre congé, elle fit promettre à Lola de déjeuner ensemble, le lendemain.

— On se retrouve au restaurant. Bonne soirée ma chérie. À demain.

Lola fit claquer une bise sur sa joue et referma la porte sur son amie puis s’empressa d’aller se préparer pour la venue de Kévin. Elle se faisait l’impression d’être une adolescente à son premier rendez-vous amoureux.

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