Retour du prince charmant (partie 1)

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Le mois de juillet passa à une vitesse vertigineuse. Une fois l'effervescence des soldes terminée, le calme revint à la boutique. Paul était satisfait des ventes. Le stock de vêtements était pratiquement écoulé et maintenant il fallait s'attaquer à préparer la nouvelle collection. Mais avant cette nouvelle offensive, Lola et ses collègues eurent droit à un peu de répit. La clientèle était rare et les journées s'égrainaient lentement.

Fanny et Sylvia prenaient leurs vacances en août et Lola dut épauler Paul dans la mise en place de la collection automne/hiver. Ce n'était pas pour lui déplaire, elle apprenait beaucoup à son contact dans la gestion d'un commerce. Il était un excellent professeur, il prenait le temps de lui révéler tous les petits secrets dont lui-même avait pu bénéficier pour réussir dans le métier. Paul était conscient de son potentiel à diriger une équipe. Souvent, il le lui disait.

— Vous êtes prédestinée à devenir gérante d’un magasin, ma chère Lola, vous avez ça dans le sang. Sachez que si l’opportunité se présente, je serai là pour vous appuyer et vous conseiller.

Lola rougissait devant de tels compliments mais au fond d'elle-même, elle en était très fière. Si elle travaillait dur, son rêve deviendrait réalité…

*****

Une vague de chaleur sans précédent s’installa sur la ville en ce mois d'août. Depuis plusieurs jours, les nuits étaient aussi chaudes que les journées. Sous ces températures exceptionnellement élevées, bon nombre préférait la fraîcheur des magasins climatisés tandis que les plus jeunes se rafraîchissaient dans l'eau claire des fontaines publiques. Seuls, les plus téméraires se risquaient à se promener dans les rues brûlantes.

Sous cette étuve caniculaire, Lola appréciait de se retrouver à la boutique, profitant ainsi de la climatisation. Avec Paul, elle mit en place la nouvelle collection. Les commandes de stocks, les étiquetages des prix, la devanture à revisiter complètement… Rien de tout ça n'avait plus de secret pour elle. Elle était autonome et se voyait confier de plus en plus de responsabilités.

De temps en temps, lorsque son emploi du temps le lui permettait, Kévin venait la rejoindre pour la pause-déjeuner. Il ne rentrait jamais dans la boutique, préférant l'attendre dans la voiture. Ainsi, il évitait de croiser Paul. La jeune femme ne s'en offusquait pas, cela évitait des tensions inutiles. Mais lorsqu'elle le rejoignait dans l'Audi, nul besoin qu’elle se retourne pour savoir que Monsieur Meyer se tenait derrière la vitrine à les observer.

Ces pauses de midi avec Kévin, Lola les savourait. Elle n'avait jamais été aussi heureuse de se retrouver avec lui.

Leur dernière dispute était derrière eux, bien loin derrière eux !

Depuis, ils filaient le parfait amour, sans ombrage, sans violence, sans un mot plus haut que l'autre. Lola s'émerveillait du changement radical opéré sur son amoureux. Pourtant elle savait, parce qu'il lui en avait parlé, qu'il avait toujours des soucis avec son projet. De ce fait, il avait toujours cette épée de Damoclès suspendue au dessus de la tête mais il semblait gérer assez bien le stress à quelques semaines d'une première présentation de ses travaux.

Il ne but aucune goutte d'alcool, fidèle à sa promesse… Peut-être que ce changement radical était le fruit du virage à cent quatre vingt degrés qu'il avait pris.

Adieu « Mister Hyde » !

Lola fit l'impossible pour le soutenir. Ils furent unis comme jamais ils ne le furent auparavant. Pour la première fois depuis la demande en mariage, la jeune femme entrevoyait l'avenir à deux avec sérénité et bonheur. Elle se surprit même à vouloir arrêter une date définitive tant elle se sentait proche de Kévin.

*****

Cela faisait près de trois semaines que la ville et ses habitants suffoquaient sous la fournaise de la canicule. En ce dernier week-end d'août, les amoureux préférèrent rester à l'appartement et trouver un peu de fraîcheur en se glissant dans l'eau bienfaisante d'un bain commun.

Allongée contre le torse de Kévin, la tête renversée dans le creux de son épaule, Lola fermait les yeux profitant de ce moment de pure relaxation. Le corps enlacé dans ses bras puissants, son souffle chaud lui caressait la joue.

— Je t'aime, lui chuchota-t-il à l'oreille.

Lola, paupières entrouvertes, lui sourit de plaisir en se serrant un peu plus contre lui.

Comme endormie par la sensation agréable de l'eau sur sa peau, la jeune femme se pelotonna, tel un chat contre son torse.

Kévin était béni des dieux… Il tenait dans ses bras la plus femme du monde. Ensorcelé par ce corps si parfait, si voluptueux, ses doigts brûlants parcoururent son dos. Sa main caressa ses seins, son ventre, ses cuisses, de mouvements lents et sensuels. Il promena ses lèvres le long de son cou gracile, laissant Lola haletante, le souffle court. Lui seul savait éveiller en elle ce plaisir inavoué. La jeune femme poussait des petits gémissements à peine audibles. Des picotements lui parcouraient l'échine. Alors, elle ouvrit les yeux, se redressa et se tourna vers son amant. Tout en se mordillant la lèvre inférieure, un rien provocant, elle rejeta sa longue crinière en arrière puis planta ses prunelles indécentes dans celles de Kévin. Sans prononcer un mot, son amant reçut le message cinq sur cinq.

Ils sortirent ensemble de la baignoire. Enveloppant le corps de son Amour dans une serviette, il la souleva dans ses bras et la porta jusqu'à la chambre à coucher. Avec délicatesse, il la déposa sur le lit. Il retira le drap de bain et contempla un instant sa nudité parfaite avant de s'allonger auprès d'elle. Il respira ses cheveux puis effleura chaque centimètre carré de son corps de baisers fiévreux, soyeux et violents à la fois. Dans un moment hors du temps, les deux amants se livrèrent l’un à l’autre, ils firent l'amour… tout doux… tout doux… tout doucement, sans se parler… seul des soupirs vaporeux sortaient de leurs bouches. Chacun exaltait les sens de l’autre ! Lorsque leur passion mutuelle fut consommée, leurs corps étendus épuisés ne purent se résoudre à quitter ce savoureux contact.

La peau moite de sueur, la respiration saccadée, Kévin enserrait Lola de ses deux bras. Paupières closes, la jeune femme se sentait formidablement bien, heureuse et en sécurité dans ce cocon protecteur. Les amants n'avaient aucune envie de se lever, ils restèrent donc simplement allongés l'un contre l'autre. Dans le silence de la chambre à coucher, tous deux savouraient ce moment de douceur, cherchant à le prolonger autant que possible. Bercés par cette plénitude, ils finirent par s'endormir.

*****

Lorsque Lola ouvrit les yeux, la pénombre avait envahi la pièce. Elle s'étira langoureusement de longues minutes avant d'apercevoir Kévin. À la lueur de la lampe de chevet, il la contemplait, l'enveloppait de son regard protecteur. Entre deux bâillements, elle lui sourit.

__ Quelle heure est-il ? s'enquit-elle aussitôt.

— Tard ! La nuit est déjà tombée depuis longtemps.

Assis sur le fauteuil, une main soutenant son menton, Kévin était douché et habillé s'aperçut la jeune femme. Honteuse d'avoir dormi si longtemps, elle se redressa subitement dans le lit.

— Mon Dieu ! Je suis une vraie marmotte, s'excusa-t-elle.

Son amant éclata de rire devant son air affolé.

— Tu es ma Belle au Bois Dormant ! Tu as faim ?

— Je meurs de faim, avoua-t-elle.

— File à la douche et je m'occupe de tout.

Il se leva, s’approcha puis se penchant, il déposa un baiser sur le bout de son nez avant de sortir.

Lola sauta aussitôt du lit et se précipita à la salle de bain.

Après une douche éclair, vêtue d'un peignoir et cheveux mouillés, elle rejoignit Kévin à la cuisine.

La jeune femme s'assit à la table pendant qu'il finissait la préparation de sa sauce salade. Grignotant un quignon de pain, elle détailla cet homme qui éveillait en elle tant de contradictions mêlées à tant d'émotions. Elle espérait de tout cœur qu'il mène son projet à terme afin qu'ils puissent vivre leur avenir commun à temps plein. Elle l'aimait tellement qu'elle ne pouvait penser, ne serait-ce une seconde, à vivre le reste de sa vie sans lui.

La jeune fiancée sursauta lorsqu'il déposa ses préparatifs sur la table. Kévin l'effleura de son regard enjôleur avant de prendre place à ses côtés. De sa main, il caressa sa cuisse chaude que laissait échapper l'ouverture de son peignoir. Lola frissonna, son cœur prit la direction de sa gorge.

Doucement, sa main douce et chaude remonta lentement en direction de son jardin secret mais Kévin interrompit subitement son geste, laissant la jeune femme haletante et tremblante. Il l'embrassa avant de lui souhaiter un bon appétit.

— Tu es vraiment sûr de ton charme, le taquina-t-elle, un brin frustrée.

Il lui lança un œil amusé avant d'enfourner une fourchetée de salade. Lola détestait lorsqu’il faisait ça, elle se sentait si vulnérable, si impuissante face à son emprise. Lui, par contre, adorait jouer à ce petit jeu ; d’une part pour l'asticoter gentiment et d’autre part cela le rassurait sur le joug qu’il avait sur elle. Pour l'instant, Lola était trop affamée pour relever son assurance arrogante. Elle lui décrocha un petit coup de pied rageur sous la table puis se jeta sur son assiette comme la misère sur le pauvre monde. Kévin étouffa un rire naissant.

Leur repas avalé, ils s'installèrent sur le canapé pour siroter leur « Expresso ». Les larges baies vitrées du salon ouvertes laissaient entrer la fraîcheur de la nuit due à une petite baisse du mercure.

Reposant sa tasse de café sur la table, Kévin poussa un profond soupir.

— Qui-a-t-il ? l'interrogea Lola, la mine soucieuse.

Il se cala avec soin contre les coussins du sofa. L'espace d'un instant, son visage se fit grave. Il cligna des yeux plusieurs fois puis finit par lâcher.

— Je fais ma première présentation, la semaine prochaine devant le Conseil d'administration.

— Et ? hasarda la jeune femme.

— Et… Je ne suis pas encore tout à fait prêt, avoua-t-il complètement désœuvré. Il me faudrait un peu plus de temps, j'ai un problème avec un processeur et l'algorithme dédié à ce problème ne fonctionne pas correctement. J'en ai parlé à Claude pour qu'il m'accorde un délai supplémentaire, mais sous la pression des actionnaires, il m'a avoué ne pouvoir rien faire.

Sensible à son désarroi, Lola lui serra délicatement la main en signe de soutien.

— Si je foire la présentation… je suis foutu ! continua-t-il d'une voix blanche. Même avec le soutien de Claude, je vais devoir leur démontrer avec force que je suis l'homme de la situation. Qu'il me faut, à moi et à mon équipe, ce délai supplémentaire. On touche presque au but et cette présentation intervient beaucoup trop tôt. Je vais jouer mon va-tout… et je ne suis sûr de rien…

Kévin parlait comme s'il se parlait à lui-même. La tête baissée, il s'égarait dans son soliloque.

Lola était profondément bouleversée par l'élocution dépitée de son compagnon. Sa détresse lui brisait le cœur. Elle serra sa main un peu plus fortement. Il releva la tête… Hagard et le regard perdu, il semblait revenir de loin. Il tenta un sourire, peu convaincant.

— Tu es brillant, Kévin ! Ne laisse personne te dire le contraire ! argumenta la jeune femme, le ton directif. Je crois en toi et mieux encore Claude croit en toi, en ton professionnalisme. Tu vas les épater ! Qui plus est, tu sais être très persuasif. Sers-toi de ton éloquence naturelle à t'exprimer et je suis certaine que tu vas y arriver.

— Merci ma chérie ! Ton soutien m'est précieux, répondit-il, ragaillardi par ses paroles. Tu as raison, la présentation est prévue vendredi, il me reste donc quatre jours pour trouver la solution à mon problème ou tout du moins le contourner…

— Et si tu bosses d'arrache-pied pendant quatre jours… même tard le soir, tu mettras toutes les chances de ton côté, le coupa-t-elle, un sourire éclatant sur les lèvres.

Scrutant sa compagne, Kévin n'en revenait pas de ce qu'elle venait de lui dire. Son regard s'éclaira et ses yeux pétillèrent. Un nouvel espoir de réussite s'offrait à lui grâce à Lola et à son formidable optimisme qu'elle manifestait pour lui.

Il la prit dans ses bras et la serra de longues minutes contre son torse. La jeune femme répondit à son étreinte, elle passa ses bras autour de son cou et fourragea ses doigts dans ses cheveux. Sa bouche frôla sa veine jugulaire gonflée par l'afflux sanguin provoqué par son cœur battant.

— Je t'aime tant… murmura-t-il à son oreille.

— Pour le meilleur et pour le pire ! se moqua-t-elle avant de l'embrasser.

Mais pourquoi ai-je dit ça ?

— Dès que tout ça sera fini… on se marie ! déclara-t-il à brûle-pourpoint en plongeant ses yeux azurs dans ses prunelles noisette. Je ne veux pas attendre plus longtemps pour t'offrir le meilleur.

— D'accord ! s'entendit-elle répondre. En attendant, file donc travailler mon doux Roméo !

— Vrai ?

Lola opina de la tête en guise d'assentiment, amusée du regard d'enfant qu'il portait sur elle.

Kévin déposa un tendre baiser dans son cou puis se leva et traversa le salon d'un pas décidé, direction le bureau. Avant de sortir, il se retourna sur elle et lui envoya un baiser du bout des doigts.

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