Tout est bien qui finit mal (partie 4)

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Il était sept heures trente et Paul venait d'arriver à l'appartement. Dans la cuisine, il préparait le café tandis que Cath faisait griller des toasts. Lola les rejoignit.

— Bonjour ! Bien dormi ? l'accueillirent les époux Meyer.

— Bonjour ! Oui, merci… J'ai les idées bien plus claires ce matin, leur confia la jeune femme.

Elle bâilla à s'en décrocher la mâchoire puis déposa naturellement une bise à chacun sur la joue, comme elle l'aurait fait avec sa meilleure amie. Preuve qu'elle se sentait en confiance avec eux.

— Petit-déjeuner ! s'exclama Cath en déposant un plateau sur la table.

La cuisine embaumait le pain grillé. Paul avait aussi apporté des croissants chauds. L'estomac de Lola gargouilla, lui rappelant qu'elle n'avait rien avalé la veille au soir.

Affamée, elle mangea avec appétit, sous le regard satisfait de ses amis. Elle se servait sa deuxième tasse de café de la journée lorsque Cath lui posa la question.

— Comment veux-tu faire ? Tu comptes aller chercher tes affaires chez lui tout de suite après le petit-déjeuner ou alors dans quelques jours lorsque tu seras remise ?

La jeune femme avait eu le temps de bien réfléchir et sa décision était prise : elle voulait en finir au plus vite.

— Tout de suite ! Je vais passer prendre quelques vêtements et mon nécessaire de toilette parce que ceux de Beth ne sont pas vraiment à mon goût, répondit-elle en faisant une moue amusée. Je dois aussi lui rendre sa bague et son téléphone. Tout de façon, je n'ai pas grand-chose à moi, là-bas. Je m’installerai ici en attendant de trouver un appartement.

— Tu es vraiment sûre ? Tu te sens prête ? s'inquiéta Cath.

— Prête ? Je ne sais pas mais s'il y a une seule chose dont je sois absolument sûre, c'est qu'il faut battre le fer tant qu'il est chaud ! Si j'attends trop, je risque de renoncer…

— O.K ! On va t'accompagner alors ! ordonna gentiment celle-ci.

Lola fit un signe de dénégation.

— C'est très gentil à vous deux mais je suis certaine que tout ira bien. Sobre, il ne me fera pas de mal. Par contre, s'il vous voit, il risque d'être furieux et de perdre son sang-froid…

Les époux Meyer froncèrent des sourcils de mécontentement. Cela ne leur plaisait pas beaucoup de laisser la jeune femme seule avec Kévin après ce qui s’était passé la veille.

— Mais… voulut argumenter Cath.

— Ma décision est prise, la coupa Lola d'une voix douce mais ferme.

— O.K ! capitula à contrecœur son amie, si c'est ce que tu veux mais nous t'attendrons sur le palier mais au moindre éclat de voix, on débarque ! Y'a pas à discuter sur ce point là !

— D'accord.

Malgré l'assurance qu'elle tentait d'afficher, Lola était néanmoins rassurée de les savoir tout proches, prêts à intervenir si besoin. L'affrontement auquel elle se préparait lui nouait tout de même les tripes. Elle allait devoir être forte et sans faille.

Sous les jets brûlants de la douche, la jeune femme tenta de détendre les muscles de ses épaules, en vain. Consciente que son destin se jouerait dans les heures suivantes, elle se contraint avec force à vider son esprit de toutes formes de sentiments qui pourraient lui faire changer d'avis.

À neuf heures, elle termina de se préparer. Lola choisit une tenue simple dans l'armoire de Beth, jean noir et tee-shirt blanc. Elle rajouta un foulard autour de son cou pour masquer les traces de strangulation. Elle troqua ses escarpins de la veille contre une paire de baskets. Par chance, les deux amies avaient la même pointure.

Fin prête, elle décida d'appeler Beth avant de partir défier celui qu'elle pensait être l'homme de sa vie.

Du téléphone de l'appartement, elle composa son numéro. La sonnerie résonnait dans l'appareil et faisait pulser son cœur jusque dans ses tempes. Elle patienta une poignée de secondes mais Beth ne décrocha pas. Lola écouta sa voix sur le répondeur l’invitant à laisser un message. Déçue de devoir parler à une boîte vocale, elle lui demanda de la rappeler sur le portable de Cath mais sans en dire plus, elle ne voulait surtout pas l'affoler. Elle lui laissa le numéro, lui promettant de tout lui expliquer de vive voix. Après avoir raccroché, non sans un pincement au cœur de n'avoir pu lui parler, elle rejoignit les époux Meyer à la cuisine.

Cath l'accueillit avec un franc sourire afin de la rassurer sur ce qu'elle s'apprêtait à faire même si elle sentait en la jeune femme une force de caractère inébranlable et une forte détermination.

— ça va ? Tu tiendras le choc ? lui demanda-t-elle, un peu anxieuse tout de même en voyant sa mine déconfite.

— Oui ! lui certifia Lola.

— Pourquoi cette tête de chien battu, alors ?

— Je n'ai pas pu joindre Beth, répondit celle-ci, dépitée. J'aurais tant voulu qu'elle soit à mes côtés, au moins par la pensée. Je lui ai laissé ton numéro de portable sur son répondeur mais sans lui en dire plus.

— Ne t'inquiète pas ! Elle rappellera dès qu'elle aura eu ton message… J'en suis certaine… Vous êtes si proches ! Ça crève les yeux, une telle amitié !

Lola opina.

Certes, Beth n'était pas présente mais au moins, la jeune femme n'était pas seule, les Meyer étaient là pour la soutenir.

*****

Le trio se mit en route. Paul prit le volant. Le nez collé à la fenêtre, Lola, perdue dans ses pensées, gardait le silence. De temps en temps, elle sentait les regards furtifs de Cath posés sur elle.

La circulation était fluide. Une demi-heure plus tard, ils arrivèrent à destination. À dix heures trente, Paul se garait à proximité de l'immeuble de Kévin.

Lola descendit du véhicule, suivie de ses amis. Elle prit une grande inspiration afin de calmer les signes de panique qui vibrionnaient dans son ventre. Une part d'elle voulait fuir à toutes jambes de cet endroit où sa vie avait basculé tandis que l'autre l'exhortait à monter les trois étages et d'en finir une bonne fois pour toute avec tout ça.

Consciente de son trouble, Cath lui pressa délicatement la main. Lola planta son regard dans le sien. Elle pressa les paupières et hocha la tête avec détermination puis elle s'élança d'un pas décidé vers la porte de l'immeuble, les époux Meyer sur les talons.

Le petit commando arriva à l'étage. La jeune femme marqua un temps d'arrêt sur le palier et tendit l'oreille. Aucune activité, aucun son n'étaient perceptibles au travers de la porte, laissant présager que peut-être l'appartement était vide.

— On reste là… la rassura Cath à voix basse en la serrant dans ses bras.

Lola lui sourit, reconnaissante puis tourna doucement la clé dans la serrure. Elle poussa silencieusement la porte. Pas la moindre présence de Kévin, elle jeta un dernier regard sur ses amis et referma sur elle, laissant les Meyer inquiets sur le palier.

Prudente, la jeune femme se dirigea en silence vers le salon. À la main, elle tenait le portable et la bague de fiançailles.

Son cœur bondit dans sa poitrine en apercevant le corps endormi de Kévin sur le canapé. Sur la table basse, une bouteille vide de whisky, vestige de sa nuit d'ivresse, l’affola. Sans faire de bruit, Lola déposa le Smartphone et le diamant à côté du cadavre. « Finalement, se dit-elle, c'est bien mieux ainsi ».

À pas feutrés, elle gagna la chambre à coucher. Dans un grand sac de sport, elle entassa ses vêtements sans précaution, pressée de quitter les lieux avant qu'il ne se réveille. Dans la salle de bain, elle récupéra ses produits de beauté et sa brosse à dent. En la saisissant, la jeune femme eut un pincement au cœur en se remémorant le jour où elle l'avait mise à côté de celle de Kévin. Secouant fortement la tête, elle chassa la nostalgie ressentie au souvenir de ce geste… promesse d'une vie heureuse. Si elle commençait à s'apitoyer, jamais elle ne trouverait le courage de partir.

Son rêve d'opaline n'était plus… Point barre !

Bagages en main, elle s'apprêtait à faire le chemin inverse quand elle se retrouva nez à nez avec Kévin. Pétrifiée, elle resta sur place, immobile, incapable de bouger à l'instar d'une statue de cire.

Lola l'observa.

Il avait les yeux cernés, le blanc de ses pupilles était nervuré de faisceaux rouge sang. Ses cheveux étaient en bataille et une barbe hirsute couvrait son menton. Pantalon froissé et chemise chiffonnée, il la regardait comme si elle était le Messie.

— C'est toi ? C'est bien toi ? Tu es revenue ? lui dit-il d'une voix fantôme.

L’homme s'élança vers elle et tomba à genoux à ses pieds. Il encercla ses jambes de ses bras puissants et la serra très fort comme pour s'assurer de sa présence.

— Pardonne-moi mon amour ! Je ne voulais pas te faire de mal… Je t'aime tant ! Je ne peux pas vivre sans toi, répétait-il inlassablement en se scotchant contre elle.

Stupéfaite, Lola en lâcha ses bagages. Elle se mordit la lèvre et pressa fortement les paupières pour se donner du courage.

— Kévin ? Je m'en vais ! déclara-t-elle à brûle pourpoint, la voix chevrotante.

Sous le choc de ses mots, il se releva et la fixa d’un air hébété, ne semblant pas comprendre.

— Mais non ! Qu'est-ce-que tu me racontes ? Tu es là et tu vas rester là… Parce que je t'aime et que tu m'aimes… On va vivre heureux pour toujours.

Face à lui, Lola le dévisagea, n’éprouvait aucune peur, sa voix n’avait rien de menaçante. Il semblait juste ailleurs... Il était juste dans son monde à lui… Dans ce monde qu'il s'était construit, sa place à elle était à ses côtés indéniablement. Il ne pouvait en être autrement. Kévin ressentait un amour authentique pour elle et à ses yeux, cet amour prévalait sur tout… Il excusait son comportement bestial. Cet excès d'amour effaçait et gommait les coups, les bleus, les insultes…

La jeune femme voulait tant avoir la force de lui dire que son amour était exigeant, entier, exclusif. Elle aimerait tant avoir la force de lui avouer qu'elle se sentait coupable également… Coupable de l'aimer tellement qu'elle avait laissé le mal entrer dans leur vie et qu'elle en avait supporté plus que son dû au nom de ce sacro-saint amour. Le pouvoir exorbitant qu'il exerçait sur elle, l'avait aveuglée au point de se laisser placarder sur le front, l'étiquette de femme battue. Cette étiquette, elle la réfutait haut et fort. Mais le temps où ses promesses lui faisaient oublier les coups était révolu. Elle avait envie de vivre, d'aimer, d'être respectée et de retrouver la femme qu’elle était avant.

Néanmoins, elle s'abstint de lui dire tout ça. De toute façon, il n'aurait pas entendu… Il aurait trouvé un argument irréfutable pour chaque accusation prononcée en son encontre mais au delà de ça, Lola ne voulait surtout pas prendre le risque de voir surgir le monstre caché en lui. Bien évidemment, elle savait qu’il exprimerait des remords à tous ses dires mais les torts seraient toujours pour elle. Il s’excuserait, rejetterait sa faute sur l'alcool, le stress, le boulot mais jamais… jamais il ne se remettrait en cause. Elle ne pouvait pas l'aider… C'était une certitude, à présent !

— Tu as failli me tuer hier soir ! se contenta-t-elle donc de lui dire. Tu es malade Kévin et tu as besoin de soins. Je ne peux plus rien pour toi… et je te quitte !

La jeune femme parla d'une voix ténue. Et la peur fit son apparition aussi brutalement que le visage de Kévin s’était décomposé en l’écoutant.

— Tout ça c'est la faute de Clara ! s'agaça-t-il. Tu ne le vois donc pas ? Je t'interdis de me quitter… Tu es à moi Lola… Tu m'appartiens… Jamais je ne te laisserai partir, tu fais partie de moi… Tu es à moi et je suis à toi.

Tout en parlant, il s’était approché au plus près de son visage. Du bout des doigts, il caressa sa joue et tenta de lui donner un baiser mais Lola détourna la tête au dernier moment. S'il l'embrassait, elle était foutue… Elle le savait.

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