Et maintenant... (partie 2 et Fin)

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* LOLA *

Comment Lola se sent-elle aujourd'hui ?

Vivante et heureuse de ressentir la vie. Elle n’est pas morte !

Elle reste toutefois marquer à tout jamais au fer rouge d’une encre indélébile par la déferlante de violence subie jusque dans sa chair, à l'image que le serait l'annonce d'un cancer agissant comme un cataclysme dans une vie.

Mais elle espère juste, qu'avec le temps, cette encre ne restera pas aussi noire…

La jeune femme se sent très fière du chemin parcouru par ses efforts et ce, grâce à l'aide reçue. Reprendre sa vie en main n’avait pas été facile et elle avait mis du temps à oublier Kévin. Les effets de sa violence s’inscrivaient beaucoup plus profondément dans sa chair que les bleus qui lui avaient marqué la peau durant des semaines… Ce genre de violence dont les blessures ne saignent que de l'intérieur.

Lola était reconnaissante envers Cath qui la guida, la soutint et l’appuya dans ses décisions. Sans elle, elle n'aurait jamais eu le courage de réagir. Sans elle, elle n'aurait jamais eu le courage de déposer plainte. Elle n’aurait jamais eu le courage de PARLER ! Parler pour évacuer le mal et la souffrance !

Sur ses conseils, Lola rejoignit l'association qui luttait contre les violences conjugales. Raconter son histoire devant des inconnus, sans être jugée ou montrée du doigt fut un exutoire pour elle. Au fil des réunions, la jeune femme s’était sentie moins seule, moins isolée face à ce fléau. Elle retrouva peu à peu une confiance et une force en elle qu'elle pensait avoir perdues à tout jamais. Ses amis et l'association furent chaque minute à ses côtés pour l'aider à sortir la tête de l'eau. Sans eux, elle n'aurait jamais pu reprendre sa vie en main. Aussi, lorsqu'elle avait recouvré sa vivacité, ce fut tout naturellement et avec gratitude qu'elle prit beaucoup sur son temps libre afin d'écouter les témoignages des autres victimes.

Jamais elle n'aurait pensé que la violence au sein d'un couple puisse atteindre de telles proportions. Sa plus grande surprise fut la présence de quelques hommes dans ces réunions. Ils étaient peu nombreux mais ces hommes étaient des victimes au même titre que les femmes et il n'était pas forcément facile pour eux de se dire l'objet de violence de la part de leur conjointe ou petite amie. Avant d’intégrer l’association, jamais Lola n’aurait pensé que des femmes puissent être des tortionnaires, des dominatrices impitoyables.

D'ordinaire, dans les cas de violence conjugale, les hommes étaient plus souvent, voire systématiquement, considérés comme des suspects plutôt que des victimes. Dans notre société, l'homme représente une image virile, il détient la force morale et physique, alors tous ces hommes battus ont tout simplement honte de se faire dominer par des femmes.

Lola fut profondément émue par le témoignage quasi-inavouable de l'un d'entre eux.

— La solitude de l'homme battu est tout aussi terrible à vivre que celle de la femme battue ! confessa celui-ci. Comment dire à mes copains autour d'une bière, ou à mes enfants que ce cocard c'est ma femme ou leur mère qui me l'a fait ? Ou bien que ce n'est pas au rugby que je me suis fêlé une côte mais que ça s'est passé dans la cuisine…

Tout comme Lola, il y a deux ans, il pourrait « charger » sa femme mais porter publiquement l'étiquette d'homme battu était tout aussi difficile que celle de femme battue !

*****

Aujourd'hui, Lola a trouvé un sens à sa vie. À son tour, elle a éprouvé le besoin d'apporter son aide aux victimes de violence. Deux fois par semaine, elle est une bénévole assidue : elle se sent utile. À travers le récit de son propre parcours, elle est la preuve vivante, aux yeux de toutes ces personnes abîmées par la vie, que l'on peut se sortir de cet enfer. Elle apporte son expérience du terrain et elle prodigue les mêmes conseils que Cath lui a prodigués par le passé. Ces hommes et ces femmes ne sont pas isolés. Des associations, des amis, des voisins ou même de la famille sont là pour les écouter, les soutenir et les aider. Les mœurs et les mentalités ont changé. Dorénavant, les victimes sont pleinement écoutées par la justice, même si parfois les sanctions ne sont pas à la hauteur des préjudices corporels et mentaux subis.

Il leur faut juste trouver la force de briser ce silence, la force de briser ce tabou… sans honte… Parce que CE silence cache CETTE violence.

« La parole est LA seule arme pour éradiquer ce fléau, aime-t-elle leur rappeler, sans cesse. »

Lola œuvre sans discontinu. Les avancées juridiques dans ce domaine, même si beaucoup trop de victimes se taisent encore, ont considérablement évolué.

De nos jours, grâce à LA parole libérée, les victimes, homme ou femme, sont entendues et reconnues. Une grande avancée pour toutes ces victimes qui jusqu'alors, étaient ignorées, dénigrées, montrées du doigt. Dorénavant, les violences conjugales sont punies par la loi. Selon leur degré, les peines prononcées peuvent aller d'une amende de milliers d'euros à une peine d'emprisonnement minime jusqu'à une peine de réclusion criminelle à perpétuité en cas de meurtre. Même si la réalité des procès ne reflète pas toujours la loi.

*****

Autant la vie amoureuse de Lola fut un fiasco, autant sa vie professionnelle tendit vers la réussite.

Une fois les traces de meurtrissures sur son visage disparues, la jeune femme tint à reprendre son travail. Elle éprouvait le besoin de reprendre sa vie sociale en main pour redonner un sens à sa vie. Ce fut sa priorité avant toute chose. Elle se sentait l'âme d'une battante ! Elle était une miraculée ! Consciente de ne pas être invulnérable, au contact de l'association et surtout de Cath, elle puisa dans la force et la confiance enfouies en elle pour surmonter son traumatisme.

Paul aussi fut formidable. Il était le père qu'elle n'avait jamais eu ! Il avait toujours cru en elle, en son potentiel et aujourd'hui il le lui montrait.

À la boutique, Lola se démena corps et âme lorsque Paul lui proposa de devenir son associé. Il avait en projet d'ouvrir une autre boutique et il voulait faire d'elle la gérante attitrée.

La jeune femme était comblée d'occuper un emploi où elle se reconnaissait pleinement, où on la reconnaissait pleinement.

Flattée de la confiance que Paul lui accordait, Lola se sentait privilégiée, en tant qu'ancienne femme battue, d'être en mesure de choisir ce qu'il lui convenait ou pas sans devoir justifier ses choix et ses envies à un homme.

*****

Quant à Beth et Cath, les deux femmes se rapprochèrent beaucoup. Un lien profond d'amitié se tissa entre elles depuis l'agression de Lola.

Beth fut vraiment secouée lorsqu'elle apprit la fausse couche de sa meilleure amie. Ce fut comme si elle-même avait perdu son bébé. Elle pleura beaucoup de cette triste nouvelle. Mais la détermination de Lola à occulter cette perte tragique, à aller de l'avant, l’inquiéta… Elle ne comprenait pas sa réaction. Alors, elle en discuta avec Cath qui lui conseilla de laisser le passé là où il était. Lola avait besoin d'elles deux mais d'elles deux confiantes, unies en l'avenir. Elle lui expliqua que Lola ne pourrait jamais oublier la perte de cet enfant, sa chair resterait meurtrie à tout jamais mais l'attitude christique qu'elle adoptait était une nécessité pour qu'elle renaisse à la vie. Comme Cath le lui souligna, Lola était une résiliente et cette résilience puisée au plus profond d'elle qui l'habitait de tout son être, était un vecteur d'espoir pour renaître de sa souffrance.

Au fil du temps et après avoir accompagné Lola à de nombreuses réunions de l'association, Beth finit par saisir le sens profond de ces sages paroles.

Et dorénavant, ce n'était plus un duo d'amies mais un trio inséparable. Les trois femmes déjeunaient régulièrement ensemble lorsque Beth était de passage.

Sa meilleure amie vivait pleinement son rêve de bohême. Elle continuait de sillonner les routes et sa relation amoureuse avec Thomas avait pris une nouvelle dimension. Désormais, ils étaient en couple officiellement. Lola était très heureuse pour son amie.

Thomas était le compagnon parfait. Quand Beth lui raconta le calvaire de Lola, il ressentit de la colère face à cette forme de lâcheté. Il ne pouvait pas admettre que l’on puisse lever la main sur un être humain. Touché et attristé par ce qu’avait vécu Lola, il en admira d’autant plus sa force de vivre et sa pugnacité à gommer les souffrances traversées. Elle avait su remonter la pente et elle était un exemple pour toutes ces femmes à l’âme et au corps bleuis. Il lui assura qu'il serait toujours là pour elle. Lola avait grandement apprécié son geste.

Et à cet instant, elle sut que Beth ne pouvait être entre de meilleures mains.

*****

Lola partageait donc son temps entre son travail et l'association. Pour elle, les hommes c'était fini ! Elle abandonna toute velléité de séduction. Sur le plan sentimental, elle était morte.

Meurtrie dans sa chair, il lui fallut du temps avant de s'autoriser à faire de nouvelles rencontres.

Mais depuis quelques mois, Lola a rencontré un homme à l'association. Il accompagnait une amie à lui qui, comme elle, était victime de violence de la part de son compagnon.

Petit à petit, ils se rapprochèrent l'un de l'autre.

Lola lui raconta son parcours de femme battue et elle trouva en lui, un confident, une oreille attentive. À son contact, peu à peu, elle réapprit à sourire, à sortir… à vivre.

Aujourd’hui, elle se sent aimée et respectée !

Auprès de lui, Lola découvre une relation de couple saine, normale, dans le respect de l'autre. Ensemble, ils partagent beaucoup dans un climat de confiance et d'ouverture. Elle se sent bien à ses côtés, et cela sans se poser la question de savoir si ce qu'elle éprouve est de l'amour. Elle vit simplement l'instant présent. Elle choisit ce qu'elle vit et elle y goûte pleinement.

Mais pour autant, Lola n’en reste pas moins vigilante. Quoi qu’il en soit, elle éprouve toujours une certaine méfiance envers la gent masculine. Elle ne se sent pas prête à emménager avec lui… Et peut-être ne le sera-t-elle pas avant longtemps même si cet homme la comprend et accepte son choix. Ayant assisté à plusieurs réunions, il connait les traces indélébiles que laisse ce genre de violence et il en est d'autant plus attentif envers elle.

*****

Lola ne revit jamais Kévin. La sanction du Juge porta ses fruits. Elle ne sut jamais ce qu’il advint de lui. Juste par Lucas qu’il avait démissionné de son poste avant de quitter la ville.

Que serait-elle devenue si elle était restée avec lui ? Lola préfère ne pas y penser !

La jeune femme préfère se concentrer sur ce qu'elle est devenue : une femme plus forte qui a appris de ses erreurs.

Aujourd'hui, elle sait que rien, absolument rien, ne justifie la violence ! Elle sait que toute forme de violence nuit à l’amour !

Malgré tout, il lui arrive encore certaines nuits, de se réveiller en sursaut, le corps moite de cauchemars. Plongée dans l'obscurité de sa chambre, le fantôme de Kévin la terrorise toujours. Mais elle ne lâche rien et continue le combat !

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