Elle, moi... nous
Je fais ce rêve étrange
Toutes les nuits
Qui vient comme une pluie
S’abattre sur mon esprit
Il me hante et me dévore
M’enveloppe et me transporte
Dans une brume froide et épaisse
Blanche et sinueuse
Je me retrouve dans une pièce rouge
Sans portes, ni fenêtre
Où la chaleur lourde et pesante
Semble émaner des murs
Je sens sur ma peau un frottement humide
Et je prends conscience, effaré
De la masse d’hommes abondante
Qui évolue autour de moi
Leurs peaux nues et suantes
Luisent dans la lumière rouge
Leurs visages longs, aux joues creusées
Semblent s’étirer encore et toujours
Et ils poussent
Entre chaque râles étouffés dans leurs gorges
Un cri strident
Qui me déchire le tympan et m’emplit la tête
L'air que je respire à ce moment-là
Est comme une brûlure féroce
Qui se propage dans ma poitrine
À chaque inspiration
Ils se tordent, se cambrent
Leurs bras dans un élan désespéré
S’agitent mollement dans les airs
Tandis qu’ils dodelinent de la tête
C’est un théâtre grotesque
Une fresque sordide
Et j’y prends part, impuissant
C’est horrible
Ils gesticulent comme des poupées automatiques
Des ombres nerveuses
Dans cette lumière rouge qui nous happe
Et nous consume comme un brasier ardent
La fièvre me prend
Je bascule
Je me retrouve les bras au-dessus de la tête
À effectuer moi aussi la même danse macabre
Ils hurlent
Et je sens ma voix gronder dans mon ventre
Remonter lentement jusqu’à ma gorge et jaillir de ma bouche
Comme un filet d’air impuissant
Le vertige me saisit
Leurs longues mains osseuses agrippent mes vêtements
Ma vue se brouille
Et out s’arrête brusquement
Le silence qui s’en suit est tout aussi assourdissant
Il n’y a plus aucun mouvement
Plus de danse
Ni aucun cris
Et puis c'est que je la vois
Mon cœur se serre aussitôt
La chaleur autour de nous s’intensifie
Et le silence
Debout comme un spectre
Au milieu de la chaleur
Dans la lumière rouge
Elle me scrute sans rien dire
Elle me dévisage d’un œil mauvais
Et me happe dans ce vide intense
Que je perçois dans le fond de sa pupille
Je m’y noie, ballotté comme dans un torrent d’encre noir
Elle murmure quelque chose
Que je n’entends pas
Sa voix est comme un murmure étouffé dans la chaleur
Qui se glisse aussitôt sur ma peau
Et ce filet de voix
Jaillit sans pudeur de sa bouche
Comme une flèche
Qui vient me transpercer sans vergogne
Un étau froid qui me déchire
Les poumons et le cœur
La brûlure est vive
Mes membres se tordent
La douleur
M’arrache un cri
Je sanglote
Mais pourquoi ?
Je ne me l’explique pas
Je suis maudit
Et pour l’heure, c’est ainsi
Ses lèvres gesticulent lentement
S’étirent dans un rictus amer
Ses yeux ne se détachent pas des miens
Jamais
Elle est une fascination
Pour les yeux et pour le cœur
L’âme et ce qu’il en reste
Un fantasme interdit
Je reste pendu à ce visage
Dont la beauté froide m’attire et m’effraie
Ses traits semblent avoir été taillés dans le marbre
Recouverts de fines pétales d’or et de diamant
Elle a la figure des saints
Épurée, innocente
Et l’âme d’un démon
Elle resplendit au cru de cette lumière écarlate
Qui se reflète dans ses prunelles
Comme un jet aveuglant
Meurtrier
Je me vois à l’intérieur de ses iris
Je succombe
Je me brise et m’enfonce
Dans un gouffre sans fin
Un flot de ténèbres
Tout s’écroule alors autour de moi
Les gens, le décor, le silence, la chaleur
Mais ses yeux eux ne me lâchent pas
Ils luisent dans toute cette obscurité
Ils m’avalent tout entier, m’engloutissent
Me recrache comme une chose répugnante
Dont on se serait soudain lassé
Et l’instant d’après je sursaute
Je suis dans mon lit
Haletant. Suant
Le cœur en travers de la gorge
Encore secoué des effluves de son parfum dans mes draps
Car malgré ce trouble que je ressens
Malgré le doute qui me saisit
Je sais qu’elle est passée
Et qu’elle reviendra
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