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Solène a dorénavant deux nuits à son actif chez notre brave Arthur. Elle semble avoir fait de cette maison trônant au numéro 51 de la rue Rudolphe sa demeure secondaire... sans vraiment avoir demandé la permission à son propriétaire. Ce dernier ne lui aurait de toute façon jamais dit non, surtout lorsqu'il l'avait vu revenir la veille au soir avec une magnifique fleur d'Hiver, une rose blanche, plantée dans un pot tout rose.
Lentement, un lien se tissait entre eux. Deux lignes de vie qui se sont rencontrées autour d'une lettre, allant à se tourner autour, se rapprocher, jusqu'à s'emmêler dans un fouillis de plus en plus indescriptible.
Pour cette troisième nuit passée ensemble, Arthur a réussi à trouver la force de quitter son nid chaud et douillet pour aller affronter le grand froid en sa compagnie. Pensez donc ! Les voilà en train d'explorer la rue Rudolphe à une heure du matin. Téméraires à moitié seulement. Attention cependant, ils avancent en se tenant la main, on passe aux choses sérieuses, suite aux conseils de l'autre qui n'arrête pas d'inciter Arthur à être plus entreprenant. C'est donc en l'aidant à passer un monticule de neige barrant le trottoir, qu'il avait réussi à ne pas desserrer ses doigts, et Solène n'avait rien fait pour s'éloigner de son côté. A présent, son facteur en intérim s'amuse à lui parler de chaque maison, des familles qu’elle rencontre, des petits vieux pervers et des jeunes insolents. Lui est aux anges, l’écoute à moitié, appréciant sa simple présence.
- Ah ! Ici, c'est la maison d'un cousin au septième degré du Grinch en personne ! Le big boss m'avait prévenu de me méfier de lui... il a réussi à me chiper mon bonnet à ma première tournée !
- Si tu le dis. Je ne connais pas très bien encore les gens ici... j'ai emménagé il y a peu.
- Ah bon ? Pourquoi ?
Elle le regarde avec de grands yeux curieux et innocents, si adorables qu'il ne se renferme pas comme à chaque fois qu'il repense à ses parents.
- Oh, c'est pas grand chose. Ma famille est partie à l'étranger... une opportunité que mon père ne pouvait laisser passer. Ils sont partis avec ma soeur, moi j'ai refusé de les suivre. Il renifle du nez. Je suis resté là où je le voulais, mais seul.
- Mhoo... Elle serre un peu plus sa main, lui caresse tendrement la joue de l'autre main. Moi, je trouve ça fort, de réussir à suivre sa propre voie, même si ça implique de quitter ceux qu'on aime.
- Ouais...
Il sent tout de même des larmes lui monter aux yeux, préfère changer de sujet.
- Et toi alors ? Comment tu t'es retrouvé à remplacer le Père himself dans ses tournées habituelles ?
- Oh... Et bien, j'ai cassé deux trois bricoles à l'atelier où je travaillais, je ne m'y plaisais pas. Il l'a remarqué et m'a donc proposé de le remplacer, temporairement. J'ai dit oui ! Et puis, il me semblait tendu le pauvre, avec ces histoires de rennes en grève et de cadeaux toujours plus High-tech.
Elle rit en pensant à la panique qui embrase depuis plusieurs semaines son lieu habituel de travail, préférant de loin livrer du courrier en esquivant les assauts d'enfants en vacances. Elle recommence à tirer Arthur qui méditait sur leur échange. Il se sent... mieux. Extérioriser ce malaise, craindre qu'elle ne lui reproche son immobilisme, pour finalement être soutenu... voilà qui lui réchauffe le coeur. Une idée lui vient alors en tête à mesure qu'ils se rapprochent de chez lui. Solène lui a dit que ce soir, elle devait rentrer chez elle pour les affaires courantes, elle allait donc le laisser là, mais il avait une proposition à lui faire.
- Tu fais quoi, pour Noël ? Enfin, le 24 au soir ?
- Oh, rien de spécial. Je le fête avec mon chat.
Un léger silence s'installer, qu'Arthur rompt dans la foulée.
- Ça te dirait de le passer avec moi ?
Elle sourit, ne répond rien. Elle hoche simplement la tête, lentement, de bas en haut. Puis... elle s'enfuit en courant !
Danse de la joie.
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