La folie aime la compagnie

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 Une nouvelle journée de cours commence. C'est par les mathématiques qu'elle débute. Je me dirige donc vers ma classe. Devant celle-ci se trouve Fuyuno, qui scrute la liste des clubs.

  • Qu'est-ce que tu as à me fixer ?

Son côté taciturne cache en réalité un caractère bien trempé.

  • Ah, je me disais juste que c'était étonnant de ta part de t'intéresser aux clubs.
  • Je ne m'intéresse pas aux clubs, pas le moins du monde. Je me demandais juste pourquoi tout le monde y prête autant d'attention. De nos jours, si l'on n'est dans aucun club , on est vu d'un mauvais œil...
  • Et c'est pareil pour le fait d'être seul, dis-je machinalement, les gens sont toujours prompts à juger et lents à changer d'avis...
  • Les gens sont stupides, dit-elle d'un air mécontent et exaspéré, tu es Yamatori, n'est-ce pas ?
  • Hmm ? Alors tu te souviens de mon nom ?
  • Il faut dire que tu n'es pas passé inaperçu, hier. Tu les as tous envoyés balader en te présentant de la sorte.
  • Bah ! Ils voulaient que je me présente alors je me suis présenté. J'ai aucune envie de faire copain-copain avec qui que ce soit.
  • Pourtant tu me parles, dit-elle en me regardant de travers.
  • Ça ne veut pas dire que je veux être ton ami. Et je crois que tu penses la même chose, je me trompe ?
  • Effectivement, je n'ai aucune envie d'être ton amie.

J'avais raison, cette fille est habituée à la solitude. Cette discussion commençait à tourner en rond, aussi décidé-je d'arrêter là et d'entrer dans la classe. Après m'être assis, une voix m'interpelle.

  • Hé Yamatori, je suis ta voisine de table ! me lance-t-elle avec joie.

C'est une fille banale, comme les autres, mais qui a su se faire apprécier de ses camarades. Ses cheveux roses entrent en contraste avec ses yeux vert pomme. Un grand sourire est constamment sur son visage, si bien que l'on ne pourrait dire si c'est un sourire forcé ou non. Elle n'a tout de même pas l'air d'une mauvaise personne.

  • Je m'appelle...
  • Nakashima Aiko, je sais, tu l'as déjà dit hier.
  • Oh, tu t'en souviens ?

Son sourire a grandi, comme si le fait que je me sois souvenu d'elle l'avait rendue plus heureuse.

  • À partir de maintenant, entendons-nous bien, hein ?
  • Ouais...

Je n'ai, bien évidemment, aucune intention de devenir son ami ou quoi que ce soit d'autre. Mais bien souvent, répondre « oui » de façon désintéressée permet de ne pas avoir à faire trop d'efforts pour faire comprendre à l'interlocuteur que ce qu'il dit n'est pas intéressant. Malheureusement, il semblerait qu'avec Nakashima, cette méthode ne fonctionne pas. Comme je suis trop fainéant pour lui dire d'arrêter de parler, je n'ai eu d'autre choix que de supporter sa conversation interminable jusqu'à l'arrivée du professeur. Le cours est passé très lentement, comme ceux qui ont suivi. Vraiment, ils sont extrêmement inintéressants... Le dernier cours est un cours de biologie. C'est Akatsuki-sensei qui enseigne cette matière. Elle est toujours comme hier, sans enthousiasme, comme si elle se forçait à être là, bien que je sois sûr que ce n'est pas une impression : elle se force vraiment. Quoi qu'il en soit, elle démarre le cours.

  • Bien, j'espère que vous vous êtes habitués au lycée et à la Cité Étudiante et que vous avez fait connaissance entre vous...

Elle dit cela comme si elle récitait quelque chose par cœur, ce qui est sûrement le cas.

  • Si ce n'est toujours fait, dépêchez-vous de vous trouver des amis ou des bouche-trous, à vous de voir. Ce week-end vous aurez une sortie d'intégration d'un jour et une nuit. Vous devrez vous trouver un partenaire pour former des binômes. Vous avez jusqu'à Vendredi pour choisir.

Voilà le genre de chose que je déteste, trouver un binôme. L'utilité d'une telle absurdité est égale – si ce n'est inférieure – à zéro. La présence de quelqu'un d'autre dans les parages est plus un fardeau qu'une aide. Je suis trop paresseux pour me fatiguer à contester, alors si c'est obligatoire, je n'ai d'autre choix que de m'y plier. Cependant, cela ne veut pas dire que j'irai sympathiser pour trouver quelqu'un. Je laisserai simplement les autres former leurs groupes, et je prendrai celui ou celle qui reste. Tous les élèves dans la classe se regardent. Certains ont déjà leur binôme sans même avoir à chercher. Nakashima, ma pipelette de voisine de table, a, semble-t-il, une question à poser.

  • Sensei, qu'est-ce qu'on va devoir faire exactement pendant cette sortie d'intégration ?

Je ne l'aurai pas crue capable de poser une question aussi pertinente. Savoir ce que l'on va faire pendant cette sortie est effectivement souhaitable. Akatsuki-sensei prend une mine agacée, comme si cela l'ennuyait de répondre. Elle doit sûrement être aussi fainéante que moi.

  • Ah... Bonne question... Vous allez participer à un rallye culturel. Le lycée Higashi sera présent aussi. En gros, vous allez devoir résoudre des énigmes, et le binôme qui en aura résolu le plus gagnera un mois de tickets cantine gratuits.
  • Sérieux ?
  • Trop bien !

Cette annonce a créé une grande effervescence dans la classe. Il semblerait que l'annonce de quelques tickets restaurant soit une bonne nouvelle. Nakashima, qui sourit encore plus que d'habitude après avoir entendu cela, se tourne vers moi.

  • On va bien s'amuser, hein ?
  • S'amuser ? Je vois pas ce qu'il y a d'amusant à résoudre des énigmes...
  • Hein ? Mais on va être tous ensemble et la compétition renforce les liens, non ?

Encore cette phrase « être tous ensemble » Qu'y a-t-il de si exceptionnel à être tous ensemble ? Ce n'est certes pas une mauvaise chose, mais pourquoi vouloir à tout prix être avec quelqu'un d'autre ? Être avec soi-même suffit amplement. C'est avec cette pensée que je me décide à répondre.

  • La compétition renforce les liens, c'est vrai. Mais tu vois, ça fonctionne seulement si tu as quelqu'un avec qui renforcer tes liens.

Nakashima n'a pas eu le temps de répondre, la professeure a réclamé le silence et commencé le cours. Il a été le plus long de tous, et je pense que la première personne après moi à l'avoir trouvé ennuyant est Akatsuki-sensei. Lorsque la sonnerie a enfin retenti, elle a été la première à sortir. La plupart des élèves restent en classe pour discuter de leur binôme. Je n'ai rien à voir avec tout cela, alors je me hâte de ranger mes affaires pour retourner dans ma chambre. Je suis donc sorti en même temps que Fuyuno qui, visiblement, avait la même idée que moi. Nous ne nous sommes pas parlés ni regardés. Chacun est rentré dans sa chambre et c'est ainsi que s'est terminée cette deuxième journée de cours.

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