Matinées

6 minutes de lecture

 Après être sortie de la chambre de Yamatori, Nakashima se dépêcha de quitter le dortoir des garçons. Elle traîna ensuite une vingtaine de minutes avant de rejoindre ses quartiers. À sa grande surprise, la chambre était vide, seuls le silence et la poussière l'habitaient. C'était exactement la même habitation que celle de Yamatori. Une pièce principale, une salle d'eau, et une minuscule cuisine. La seule différence notoire résidait dans la taille de la pièce principale, qui devait être assez grande pour contenir deux lits. Tout était en désordre, des vêtements jonchaient le sol, des canettes et des bouteilles de soda traînaient çà et là, et une odeur de renfermé occupait les lieux.

 La jeune fille ouvrit donc la fenêtre, rangea tout le désordre et nettoya toute la saleté. Elle ne le faisait pas pour sa colocataire mais pour elle-même : elle détestait la saleté et le désordre. Alors qu'elle finissait à peine son ménage, celle qui partageait sa chambre fit son entrée. C'était Iroiro Nanika, une jeune fille en troisième année au lycée Nishi. Son regard empli de mépris envers sa camarade de chambre accentuait le bleu sombre de ses yeux. Ses cheveux étaient d'un marron si clair qu'on croirait qu'ils étaient blonds. Bien qu'étant courts, ils flottaient au gré de la brise qui passait par la fenêtre ouverte. Elle portait déjà son uniforme et était visiblement prête à partir. Elle s'avança vers Nakashima avant de la regarder de haut, comme un monarque prétentieux regarderait ses sujets.

  • Tiens, Aiko, t'es déjà là ? Je vois que t'as nettoyé, j'étais sûre que tu le ferais ! dit-elle d'une manière provocatrice, c'est bien, tu es une bonne femme de ménage !

Elle se mit ensuite à rire à gorge déployée. Nakashima serrait les dents et se répétait de ne pas répondre aux provocations. Elle se leva et fit un sourire forcé mais qui n'en avait pas l'air.

  • Bonjour, Iroiro-senpai ! Tu t'es bien amusée cette nuit ? demanda-t-elle d'une voix tremblante qui faisait semblant d'être naturelle.
  • Bah ! C'est sûr que tu nous as bien laissées tranquilles et je t'en remercie ! Même si t'avais pas le choix, hein... D'ailleurs, t'as dormi dehors c'est ça ?
  • Euh... non, j'étais chez... euh... une amie...
  • Je vois... tant mieux pour toi... Bref je suis juste venue chercher mon sac.

À ces mots, la jeune fille alla chercher son sac en gardant ses chaussures, ignorant ainsi tous les efforts de Nakashima qui avait nettoyé le sol. Une fois son bagage en main, Iroiro revint sur ses pas pour quitter les lieux. Nakashima se trouvait sur son chemin. La troisième année remarqua alors le pendentif d'argent de sa camarade.

  • Tu portes encore ce pendentif ? Il est beau, tu l'as eu où, hein ?
  • Euh... je... eh bien...
  • Ah tu veux pas me le dire ? Très bien, je comprends alors garde-le ton pendentif !

Elle partit brusquement en bousculant sa colocataire. Nakashima resta ensuite un moment à regarder le vide du mur blanc avec des yeux emplis de tristesse avant de se préparer pour aller en cours.

***

 Le soleil tapait fort, l'été se forçait de moins en moins à se montrer. Les élèves portaient leur uniforme d'été et animaient l'établissement tôt dans la journée. Le club d'athlétisme courait de bonne heure en guise d'entraînement matinal avant de commencer les cours. Dans les couloirs, on entendait des rires, des discussions. Il n'était que huit heures du matin, mais le lycée bouillonnait comme à son habitude. Néanmoins, certains ne le vivaient pas de la sorte.

 C'était le cas d'Akatsuki Akane, la professeure principale de la classe 1-B, celle en qui Yamatori se reconnaissait souvent. Les deux étaient en effet semblables, paresseux l'un comme l'autre. Cependant, aussi surprenant que cela puisse paraître, l'enseignante se lève toujours tôt... afin de flâner plus longtemps. Elle se prépare très vite pour ensuite admirer le paysage depuis le balcon de son appartement. Elle ne vivait pas au lycée comme les élèves. Ayant quitté sa ville natale, elle avait loué un appartement en dehors de la Cité Étudiante car elle ne supportait pas de devoir rester dans son lieu de travail même lors de son temps libre. Lorsqu'elle se lassait de fixer cet immuable paysage, elle allait prendre un café et continuait ensuite à observer le vide en le buvant. Ces moments étaient ses préférés et lorsque l'heure d'aller travailler arrivait, c'est avec un énorme soupir qu'elle se forçait à y aller. Du moins, c'est ainsi qu'elle vivait la plupart de ses matinées.

 Ce jour là était différent. Sa routine allait être brisée, car elle allait devoir se dépêcher. Elle devait en effet recevoir quelqu'un. Une personne de grande envergure. L'un de ceux que l'on qualifie d'important. Elle ne souhaitait pas changer son mode de vie pour un simple humain, mais trop paresseuse pour se plaindre, il lui a fallu sacrifier de son temps libre. C'est ainsi que pour la première fois, elle arriva à l'heure en classe.

***

 Chacun vit ses matinées différemment. Ainsi, Fuyuno Yuki, la major de promotion aussi froide que la glace avait des journées qui commençaient très tôt. Elle se réveillait à l'aube pour aller courir autour du gymnase, au moment où seuls les oiseaux peuplaient les lieux. Après ce rituel matinal, elle s'empressait d'aller se laver avant de prendre un petit déjeuner copieux. Sous ses airs de mannequin taciturne se cachait une grande adepte de nourriture abondante. Ce qu'elle pouvait engloutir n'était pas commun pour une jeune japonaise normalement constituée. Après ce repas, elle partait de sa chambre qu'elle ne partageait avec personne pour aller dans la salle de classe, où elle lisait posément jusqu'au début des cours. Ainsi, elle était toujours la première forme de vie à entrer dans la salle.

***

 Kagami Sachiko, la jeune déléguée de classe, avait une toute autre habitude. C'était une élève très sérieuse qui prenait ses études à cœur. Aussi n'était-il pas étonnant qu'elle se levait tôt pour pouvoir travailler et prendre de l'avance dans les cours, en prenant garde de ne pas réveiller sa colocataire. Après avoir fini, elle se préparait vite et allait rejoindre son amie Nakashima pour aller en classe avec elle. Ce jour-là, lorsqu'elle la croisa dans les couloirs, elle la salua avec un sourire. La déléguée remarqua cependant la mauvaise mine de son amie.

  • Qu'est-ce qu'il y a, Aiko ? Tu as l'air triste.... Oh ne me dis pas que c'est encore ta colocataire ?! dit-elle inquiète.
  • Hein ? Oh non non ne t'inquiète pas ! C'est juste que... tu sais... C'est aujourd'hui qu'il arrive ! dit Nakashima gênée.
  • Ah bon ? Je pensais que c'était la semaine prochaine, moi...
  • Non c'est bien aujourd'hui...
  • Je comprends mieux, tu es stressée n'est-ce pas ?
  • Oui, un peu...

Toutes deux se dirigèrent vers la salle de classe, où la plupart des élèves se trouvaient déjà. L'air y était joyeux. Les étudiants parlaient, jouaient et s'amusaient. Arima, qui saluait tout ceux qui rentraient, ne manqua pas de le faire pour les deux filles. S'il a récolté une belle réponse et un magnifique sourire de la part de Kagami, il se fit ignorer par Nakashima qui d'ordinaire aurait été la première à saluer tout le monde. Elle s'empressa de s'asseoir et ne parla à personne. Elle sortit ses affaires et n'osa pas regarder celui qui se trouvait derrière elle.

 C'était un homme qui était là. Il vint lui faire face avant de lui adresser un sourire qui s'opposait avec l'air sévère qu'il portait la seconde d'avant. Il l'aborda donc :

  • Aiko ! Je t'attendais ! Tu vas bien ? Cela fait longtemps !
  • Euh... oui... et toi ?
  • Eh bien oui, comme tu le vois !

Il avait l'air heureux. Son sourire ne pouvait plus quitter son visage. Ou du moins, c'est ce qu'il croyait. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il vit Nakashima fixer avec douceur celui qui rentrait dans la salle de classe. Son sourire disparut instantanément, et la sévérité prit la place de la joie. Yamatori Kei venait d'arriver.

Annotations

Vous aimez lire Yamatori Kei ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0