Les plus intelligents ne sont pas ceux qui font le plus de bruit (2)

6 minutes de lecture

 De retour dans le camp de l'Équipe Verte, Nakashima m'arrête.

  • Pourquoi tu as dit que je me suis adapté à ta vitesse de course ? C'est plutôt le contraire...

Son père s'approche alors. Il porte ce regard sévère qu'il sait bien faire. Il me regarde de haut durant quelques secondes, l'air pensif, puis soupire avant de dire ce qu'il a à dire.

  • J'en étais sûr, je ne m'étais pas trompé...
  • Quoi donc ? lui demandé-je.
  • Tu caches tes capacités n'est-ce pas ?
  • Hein ? Qu'est-ce qui vous fait dire ça ?
  • J'ai des preuves. Mademoiselle Akatsuki m'a donné ta copie d'examen, tu as fait une question sur deux.

Encore cette professeure... J'étais sûr qu'elle s'impliquerait...

  • (Je soupire) Je lui avais dit de se mêler de ses affaires...
  • C'est moi qui lui ai demandé, réplique le président.
  • J'ai déjà dit que c'est le hasard si j'ai fait qu'une question sur deux...
  • Non, j'ai examiné ta copie et j'ai remarqué quelque chose : certaines des questions que tu as faites nécessitent la réponse de la question précédente, que tu n'as pas faite. Pourtant, tu as tout de même eu la bonne réponse. Donc tu as fait toutes les questions mais tu n'as écrit la réponse que d'une question sur deux.

Devant cette preuve irréfutable, je n'ai d'autre choix que de soupirer, n'ayant rien d'autre à répondre.

  • C'est vrai, Yamatori ? me demande Nakashima.

Fuyuno s'avance alors vers nous et prend son ton méprisant.

  • Voilà, vous voyez, il fait ça tout le temps...
  • Comment ça ? s'interroge Nakashima.
  • Il met tout le temps ses exploits sur le dos des autres. C'est lui qui a résolu l'équation pendant la sortie d'intégration, pas moi.
  • QUOI ?! Mais alors t'es super intelligent en fait ! s'exclame-t-elle.

Fort heureusement, Fuyuno n'a pas évoqué le sauvetage de Nakashima. Je reste silencieux, trop fainéant pour daigner m'expliquer.

  • Il n'est pas seulement intelligent, assure le président.
  • Ah bon ? s'étonne Kagami.
  • Yamatori, pendant le tir à la corde de tout à l'heure tu étais en difficulté mais ils sont tombés d'un coup n'est-ce pas ?
  • Je vous ai déjà dit qu'ils ont trébuché... réponds-je sans conviction.
  • Non, je t'ai appelé au moment où tu allais dépasser la ligne tu te souviens ? À ce moment tu as été déconcentré et tu ne contrôlais plus ta force. Les autres n'ont pas réussi à te faire bouger d'un millimètre. Et lorsqu'ils ont « trébuché » comme tu dis, j'ai clairement vu le coup sec que tu as tiré. En résumé, tu faisais exprès de ne pas mettre de force pour faire croire que tu étais faible ! explique-t-il avec un ton qui fait penser à ces vieux films de détective.

Kagami et Nakashima restent choquées. Bloqué par la véracité des faits que je ne peux contredire, je reste silencieux.

  • Tu ne dis rien ? me demande Fuyuno.
  • Que veux-tu que je dise ? Il a déjà tout dit... réponds-je lassé.
  • Alors donne nous une explication, m'ordonne le président.

En soupirant, je m'assois sur une chaise. Je n'ai d'autre choix que de donner une raison.

  • Bon... Il y a deux raisons. Je ne vais le dire qu'une fois. La première raison est que si les gens découvrent mes capacités, ils vont se mettre à m'apprécier et venir sympathiser, exactement comme ils le font avec Fuyuno... (Je fais une pause avant de soupirer à nouveau) La deuxième raison, c'est que je suis quelqu'un de fainéant, qui déteste faire des efforts et qui ne peut s'empêcher de voir les autres comme des ennemis. Je suis fondamentalement un mauvais humain...
  • Au moins tu le remarques ! me lance Fuyuno.
  • Mais où est le rapport ? me demande Kagami.
  • Quand tu es brillant ou talentueux, il y a toujours des gens qui vont t'admirer et te prendre pour exemple. Je ne veux pas que quelqu'un comme moi serve d'exemple.
  • Tu as une bien basse opinion de toi même... marmonne le président.
  • Voilà c'est tout, mais la principale raison c'est la première, conclus-je.
  • Mais d'où tu tires une telle force ? me demande Nakashima, ils étaient quand même quatre contre toi...
  • Pas envie de répondre, réponds-je froidement.

 Je n'ai pas une basse opinion de moi-même, loin de là. Je ne peux pas dire que je ne m'aime pas. Oui, je m'aime. Cette manière que j'ai de voir le monde, cette façon qui m'est propre de parler aux gens avec désinvolture, cette aversion que j'ai envers le travail, j'aime vraiment ces aspects de ma personnalité. Mais si je les apprécie, la société, elle, ne les affectionne pas. Je me moque de ce que peuvent dire les autres de moi, tant que cela n'implique pas d'autres personnes. C'est pourquoi je ne veux pas servir d'exemple.

 Après cet interrogatoire, tout le monde retourne à ses occupations. Nous devons attendre qu'un professeur nous communique l'heure à laquelle se déroulera l'épreuve de demain. Ainsi, Nakashima et Kagami discutent de sujets banals et ennuyants et Fuyuno lit un livre de poche, de cet air gracieux et calme qui lui vaut l'admiration de tous les élèves... Elle est vraiment belle...

Mince, j'ai failli me faire avoir par son apparence... N'oublions pas qu'elle a un très mauvais caractère...

Pour ma part, je me contente de profiter de la brise. Le président est parti. Il avait selon lui beaucoup de travail et nous a donc laissés. Je comprends mieux pourquoi il me suivait à la trace. Il a aussi consulté mon dossier ainsi que ma copie d'examen. Ce genre de pratique devrait être interdite. Malheureusement, même si elle l'était, les haut placés n'ont jamais de sanction. Il sont au mieux « mis en examen » puis relâchés quelques jours plus tard. L'argent est ce qui fait tourner le monde... et la tête.

  • Tiens ! Mais ce ne serait pas Aiko ?!

Il s'agit d'une troisième année. Cheveux courts, chatain clair, et yeux bleu foncé. Elle est accompagnée de deux amies. Elle a posé cette question d'un ton dénué de toute surprise, contrairement à ce qu'elle souhaite laisser penser. Nakashima se lève et fait un sourire forcé à son aînée.

  • Tiens ? Bonjour, Iroiro-senpai !

Iroiro ? Je vois, c'est donc la colocataire dont parlait Nakashima l'autre jour. Elle n'a en effet pas l'air amicale.

  • Alors ça te plaît de gagner haut la main ?
  • Hein ? Euh... Eh bien...
  • Je ne savais pas que tu étais la fille du Président de la Cité Étudiante ! Ça m'a choquée d'entendre ça, t'aurais pu me le dire, on est camarades, non ?

Elle et ses amies éclatent de rire. À noter qu'elle n'a pas utilisé le terme « amies ». Il est bien trop fort pour cela. Cette fille ne considère pas du tout Nakashima comme sa camarade.

  • Désolée...
  • Pourquoi tu t'excuses ? Et ton beau collier il est où ?
  • Je... Je ne voulais pas l'abîmer...
  • Dis plutôt que tu voulais pas qu'on le voit ! C'est comme pour ton père ! Tu me l'as pas dit parce que tu me prenais de haut pendant tout ce temps, hein ?

 Si quelqu'un prend l'autre de haut, c'est bien la troisième année... Mon regard croise celui de Nakashima. Je détourne alors instantanément mes yeux. Je ne suis pas un justicier, et encore moins son ami. Je n'ai donc aucune raison de l'aider. Elles n'ont qu'à se dévorer dans leur conflit stupide. Je n'ai rien à voir avec ça.

  • Arrête ça ! menace timidement Kagami.
  • Toi, la ferme ! Je parle à Aiko pas à toi !
  • Celle qui devrait « la fermer » c'est plutôt, toi, Iroiro-senpai.

C'est Fuyuno, elle s'est levée de sa chaise et a posé son livre. Ses pupilles semblent rétrécir, elle a le regard d'un félin prêt à bondir. Elle poursuit après s'être approchée de la troisième année.

  • Tu appelles ça une discussion ? De mon point de vue, tu cherches juste à rabaisser Nakashima, pour te sentir supérieure. Typique des gens qui ressentent un complexe d'infériorité...
  • Pardon ?!
  • Si tu veux « parler », merci de le faire après le tournoi. Les troisièmes années ne participent pas à la compétition, et l'accès est interdit aux non-participants. Je pourrais très bien appeler un professeur... dit-elle avec un sourire narquois.
  • Tss...

 La troisième année lance un regard plein de rage à Fuyuno qui reste de marbre. Elle s'en va ensuite, marmonnant des mots comme quoi il ne vaut mieux pas rester avec des idiots. Nakashima a retrouvé le sourire. Elle regarde Fuyuno avec des yeux admiratifs puis se jette sur elle de manière amicale.

  • Merci, Yuki ! T'étais vraiment géniale !
  • Hein ? Euh... non...

Il semblerait que Fuyuno n'ait pas l'habitude de tant de contact avec les autres. Elle a l'habitude qu'on l'admire, mais pas qu'on la prenne dans ses bras comme Nakashima l'a fait.

 Peu de temps après, Hiro-sensei vient nous donner l'heure de l'épreuve. Contre toute attente, elle a lieu l'après-midi, à quinze heures. Cela me déplaît fortement de devoir faire des efforts un dimanche, mais je suis bien décidé à gagner. Il est hors de question de ranger et de nettoyer le terrain.

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