2. Pluie
La pluie tombe à flots, mais je n'aime pas la pluie. Je n'aime pas quand le tonnerre gronde, quand les éclairs déchirent le ciel et quand des millions de petits traits brouillent le paysage. Les températures sont tellement basses pour un mois de juin, je n'arrive pas à m'y faire. Je ne sais pas pourquoi, j'ai toujours eu peur de la pluie, depuis toute petite. Peut-être est-ce ma nature paranoïaque qui me pousse à ces pensées, mais j'ai toujours l'impression que la maison va s'écrouler sur ma tête à tout moment. En temps normal, j'aurais aussi eu peur pour quelqu'un d'autre et j'aurais regardé craintivement par la fenêtre pour voir si toi aussi, tu étais bien en sécurité. J'aurais frémis et me serait demandé anxieusement si tu avais froid, là-bas, toute seule. Et j'aurais couru aller te voir dès que j'en aurais eu l'occasion pour te réconforter. Je sais combien tu détestes le froid et les orages, tout autant que moi. Nous nous serions accrochées l'une à l'autre, mais aucune n'aurait véritablement mis des mots sur sa peur. Toutes deux, nous nous serions tues, terrifiées, mais soucieuses de le cacher autant que possible à l'autre pour ne pas lui faire encore plus peur.
J'ai peur du noir. Tu as peur de la solitude. Et nous avons toutes les deux peur des tempêtes.
Mais voilà, tu n'es plus là. Personne ne sait où tu es. Tu as disparu. Tu m'as laissée seule face à l'orage, et maintenant, je ne peux plus te serrer dans mes bras, m'accrocher à toi comme à un ancrage dans la réalité. Maintenant, quand la tempête se déclare, je vois dans des flashs aveuglants la maison qui s'écroule, et personne n'est là pour me réconforter. Maintenant, c'est seule que je dois imaginer quelles affaires je dois sauver et lesquels laisser. Dans quel ordre les prendre. Comment faire mes adieux à celles que je ne pourrai pas prendre. Quel sortie prendre pour mettre ce que j'ai décidé de sauver à l'abri. J'aime bien tout contrôler. J'aime bien connaître exactement mon emploi du temps de la semaine, et, le matin, dans mon lit, minuter celui de ma journée. On dirait que cette habitude ne me quitte pas, même quand ce sont des visions d'horreur que j'imagine et des catastrophes à lesquelles je dois échapper.
Ça me fend le coeur de ne pas savoir si tu es toujours là ou pas. Ça me fend le coeur de ne pas savoir ce que tu vis ou ne vis plus en ce moment. Ça me fend le coeur d'être dans cet état d'incertitude permanent. Ça me fend le coeur parce que, au fond de moi, j'espère toujours que tu reviendras un jour. Même si les chances sont minimes, personne n'a encore retrouvé ton corps, alors j'imagine nos retrouvailles en essayant de ne pas envisager l'autre option. La moins.... joyeuse. C'est dur parce que tu as disparu et que je sais qu'un jour ou l'autre, mes vaines prières vont être réduites à néant. Tu es une de mes autres victimes, une énième. Mais la différence, c'est que pour toi, rien n'est encore prouvé. Eux, ils ont peut-être abandonné, mais pas moi. La police a peut-être classé l'affaire, mais pas moi. Je vais continuer de garder espoir, et je sais qu'un jour, nous nous reverrons.
Je l'ai promis.
Oui, c'est incroyable, n'est-ce pas, comme on en revient toujours à une histoire de promesse. Je t'ai promis tant de choses, à toi et à tellement de personnes. Combien de promesses ai-je tenu ? Combien vais-je encore briser ? Avec moi, les promesses ne veulent plus dire grand chose, puisque je fais toujours en sorte de les contourner. J'aimerais être tenue par quelque chose qui me force à les tenir. J'aimerais, mais la magie, ça n'existe pas. Et les fins heureuses non plus.
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