Désirée
Il la contemplait, allongée à ses côtés, sur leur lit de sable. Il l’avait désirée, convoitée… et elle était sienne pour quelques instants encore.
Elle était magnifique avec sa peau laiteuse, ses cheveux de geai tombant en cascade de boucles et ses yeux bleu azur. Combien de fois l’avait-il observée derrière la vitre de son bureau ? Combien de fois avait-il voulu l’inviter à sortir ? Mais comment aurait-il osé ? Lui, simple mécano et elle, responsable d’administration. Oh, ils se parlaient, bien sûr. Mais cela restait professionnel.
Et puis, la semaine précédente, il y avait eu cette petite fête pour les dix ans de l’entreprise. Alors, l’ambiance aidant, il avait fait taire sa peur, avait osé... et, contre toute attente, elle avait accepté.
Ce soir, il était passé la chercher en début de soirée, une rose à la main. Un peu ringard ! Mais elle avait eu l’air d’apprécier. Il l’avait emmenée dans un endroit discret et cosy sur la côte. Ils avaient bu un verre, puis deux… et la bouteille y était passée. Ils avaient beaucoup parlé. De tout, de rien, de leur travail, leurs loisirs, leur enfance. Elle avait ri à ses plaisanteries, rougi à ses compliments.
Plus tard, il lui avait proposé une balade sur la plage. Elle avait hésité en sortant le fameux « je me lève tôt demain ». Il n’en avait pas tenu compte et avait légèrement insisté. Elle avait cédé. Silencieusement, ils avaient marché un moment, dans la douceur de la nuit, écoutant le bruit apaisant des vagues. Et puis, sur le retour, il avait doucement essayé de lui prendre la main. Elle s’était dérobée avec un « j’ai passé une excellente soirée, merci, mais je ne suis pas prête à aller plus loin ».
Alors voilà, c’était tout ? Finies les minauderies ? Pour qui se prenait-elle ? Madame la responsable ? Où avait-il fait erreur ? Nulle part ! Il s’était bien comporté et elle avait été séduite. Elle ne voulait tout simplement pas se taper la honte de sortir avec un mécano ! Résisterait-elle toujours s’il lui volait un baiser ? Sûr qu’elle en avait envie cette bêcheuse !
A présent, assis à côté d’elle, il remerciait l’océan. Grâce à lui, il avait obtenu ce qu’il voulait. Enfin elle avait lâché prise sous la pression de la canette éventrée offerte par les vagues. Il lui avait donné son amour et, en échange, elle lui avait fait don de son dernier souffle. Elle gisait maintenant sur le sable, sa gorge autrefois si blanche devenue écarlate, ses yeux éteints, ses cheveux ternes et englués. Bientôt la marée serait haute et l’emporterait. Lui, aurait l’âme en perdition mais qu’importe ! Il l’avait désirée, il l’avait convoitée… elle était sienne pour l’éternité.
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