Le gros lot
La suite des évènements m’apprit que je pouvais désormais me considérer comme la « petite copine » de Lev Haakonen. Nous nous voyions autant qu'avant, mais à présent, j'avais des contacts physiques avec lui. La grande surprise de ce nouveau rapprochement avec Lev, ce fut de constater que sous des dehors froids et contrôlés, il était dans l'intimité tendre et passionné. Je n'eus jamais à quémander de l'affection de sa part et c'était facile de voir qu'il était en totale adoration devant moi. Il me couvrait de cadeaux somptueux, m'appelait tout le temps, se rendait disponible dans la mesure du possible quand je voulais le voir, m'écoutait attentivement et me couvait d'une attention jalouse. « C'est le caractère slave », me fit savoir ma meilleure amie, qui brûlait d'envie de le rencontrer.
La seule ombre à ce tableau idyllique, c'était le fait que j'étais encore vierge et que bien sûr, je n'en avais jamais parlé à Lev. Lorsque nous étions seuls tous les deux dans un endroit sans public, c'est à dire chez lui où j'étais de plus en plus souvent fourrée, je ne craignais qu'une chose, c'est qu'il essaie d'aller plus loin que le simple baiser, m'obligeant à lui dire la vérité. Il suffisait que ses mains effleurent ma taille pour que je me sente alarmée et j'osais à peine le toucher de peur de lui donner des envies que je me sentais incapable d'assumer. Pourtant, je le désirais, mais j'avais peur de sa réaction. Comment un homme d'une trentaine d'années, qui était de par son âge obligatoirement expérimenté, probablement entouré de toute une meute de femmes prêtes à tout pour le séduire, comprendrait-il que je sois vierge à vingt-quatre ans ? Autour de moi, personne ne le savait, mis à part Gudrun. Celle-ci n'avait pas l'air de trouver ça bien grave, mais elle m'encourageait à le dire à mon compagnon le plus vite possible.
Cette occasion se présenta bien vite, du reste. Même s'il était respectueux au-delà de la limite du raisonnable, Lev n'en restait pas moins un homme, et au bout d'un mois et demi de fréquentation assidue, un record, selon Gudrun, pour qu'un mec tienne aussi longtemps, il essaya, bien évidemment, d'aller plus loin.
J'étais chez lui, assise sur le canapé. À l’issue d'une partie de SoulCalibur où je l'avais explosé à mille contre un – car j'avais amené ma console et mes jeux chez lui – nous nous sommes embrassés, un peu plus ardemment que d'habitude. Me sentant plus à l'aise que de coutume, grisée par ma victoire inconditionnelle, je me laissais aller en arrière dans le canapé, entraînant Lev sur moi en lui tenant la nuque.
Très vite, ses lèvres lâchèrent les miennes pour gagner le creux de mon cou. Je le laissais faire, car c'était très agréable. Je l'imitai en embrassant le sien, caressant ses épaules, son dos et ses cheveux. Cette chevelure de prince elfique, en particulier, me rendait folle : j’adorais la façon dont elle retombait sur ses épaules développées, comme une crinière sauvage. Je m’enhardis jusqu’à toucher les muscles puissants de son ventre et de son torse sous le pull. C'était la première fois que j'avais un tel contact avec lui, et cela me fit réaliser à quel point nous étions encore étrangers l'un pour l'autre. Cela dut également lui faire penser que j'étais prête à aller plus loin, car c'est ce qu'il essaya de faire.
Lev devenait de plus en plus pressant dans ces caresses. Il m'embrassait avec une passion dont je l'aurais cru incapable, et sa main était passée du creux de mes reins au haut de ma cuisse. Lorsqu'elle passa sous ma jupe, je l'arrêtai.
— Euh, non, Lev, arrête, dis-je en rabattant une mèche derrière mon oreille.
Il s'arrêta et me regarda avec un air surpris, attentif à ce que j'allais dire.
— Il faut que je te dise quelque chose que j'aurais dû te dire avant, repris-je en me dégageant quelque peu. J'espère que cela ne va pas te déranger.
Il appuya son coude sur le canapé, posant la joue dans sa main.
— Non, vas-y je t'écoute.
Je relevai le regard sur lui.
— Je l’ai jamais fait, avouai-je de but en blanc. Je viens d’une famille assez pratiquante, et je… Je comptais à la base me réserver pour l’homme que j’allais épouser. Je n'ai donc aucune expérience, tu comprends ?
Lev me regarda un instant, sans que je puisse déceler s'il était déçu ou pas.
— Je comprends, dit-il enfin en prenant ma main et en l'enserrant dans les siennes. Si tu préfères ne rien faire, je ne vais pas te forcer, chérie.
— Le truc, c'est que j'aimerais le faire avec toi, osai-je dire. Avec toi seul.
Lev sourit gentiment.
— Est-ce que c'est une façon de me forcer la main pour t'épouser ? me taquina-t-il sans méchanceté.
— Non ! Je te le répète, j'aimerais vraiment passer la nuit avec toi. Je te racontais seulement cela pour que tu comprennes les raisons pour lesquelles je suis encore vierge, et que tu te montres patient avec moi. Je veux dire, fis-je en riant pour détendre l'atmosphère, ne t'attends pas à ce que je tape un strip-tease ou quoi que ce soit de ce genre.
— Quoi que ce soit de ce genre ? C'est bien dommage, répondit-il en riant. C'est donc moi qui vais devoir le faire, c'est ça ? J'ai compris où tu voulais en venir.
J'étais heureuse que même face à cette pénible révélation, Lev conserve son sens de l'ironie habituel. Cependant, je voulais savoir ce qu'il en pensait réellement : Lev se servait souvent de cet humour un peu lourdingue et typiquement russe pour déguiser sa pensée.
— Essaie d'être sérieux deux minutes, dis-je après avoir ri avec lui. J'espère réellement que ça ne te dérange pas. Si tu as un problème avec ça, tu dois me le dire. Si tu n’es pas prêt à attendre, également… Je comprendrais que tu ne t’embarrasse pas avec ça.
Lev soupira puis se leva pour prendre son verre.
— Non, je respecte ta décision, répondit-il en se retournant face à moi, adossé au mur. Je trouve juste ça un peu étrange, c'est tout. En fait, ce n’est pas souvent qu'on rencontre des filles comme toi. Je te le répète encore une fois.
— Est-ce que tu es prêt à attendre que je sois prête sans pour autant aller en voir une autre ? insistai-je. Réfléchis bien. C'est important.
Lev posa son verre, se planta face à moi et me sourit en me prenant les mains.
— Ne t’inquiète pas. Tu es la seule qui m'intéresse. Si tu préfères attendre, alors j'attendrais aussi.
J'en soupirai de soulagement. Il avait l'air sincère.
— Mais n'attend pas cent cinquante ans non plus, ajouta-t-il bizarrement. Sinon, autant se marier tout de suite. Ce n’est qu’une formalité : on passe à la mairie, et hop !
Je baissais les yeux sur mes mains. C’était donc de cette manière que Lev envisageait le mariage… un simple passage à la mairie. D’un autre côté, je ne le connaissais que depuis quelques semaines. Qu’aurais-je pu espérer ? C’était déjà merveilleux qu’il ne fuit pas aux seuls mots de « mariage » et de « virginité ». Non, vraiment, j’avais tiré le gros lot !
Annotations