Jacob et l'ange

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Le lendemain, Lev me déposa chez moi avant de partir travailler. Au moment où je descendais de la voiture, il me sourit, les mains sur le volant de son SUV :

— Tu reviens dormir à la maison ce soir ?

C’est ainsi que je débutais ma vie sexuelle avec Lev. Passant toutes mes nuits chez lui – mes amis ne me voyaient plus – je devins rapidement une experte de la fellation.

Lev aimait se montrer dominant et un peu brutal pendant que je le prenais en bouche, mais avant et après, il était extraordinairement attentionné. Il me mitonnait de bons petits plats et nous passions nos soirées à regarder des séries russes ou russo-israéliennes à la télé, enfouis sous un gros plaid blanc en fausse fourrure.

Puis, avant de se coucher, Lev ouvrait son pantalon.

— Allez ma chérie, me pressait-il gentiment. C’est l’heure de ton entraînement !

Il me fourrait son membre dans la bouche, que je gobais sans discuter. Je voulais lui faire plaisir, et les compliments qu’il me faisait me donnaient l’impression de progresser. Bientôt, aucune escort russe ne pourrait me faire concurrence. Je savais précisément ce qu’il aimait.

— Oh, Fassa ! râla Lev en se déversant dans ma gorge ce soir-là.

J’avalai le liquide salé, puis m’essuyai la bouche discrètement dans un mouchoir. Lev, lui, continuait de me caresser la tête.

— Tu es devenue une tellement bonne suceuse… observa-t-il pensivement, un air rêveur sur son beau visage. Je crois qu’il est temps de passer à la vitesse supérieure !

— Qui est ? m’enquis-je en relevant les yeux vers lui.

Peut-être allait-il enfin s’occuper un peu de moi.

Lev dût sentir ma frustration, car il me sourit.

— Tu es déçue ? Tu aimerais que je m’occupe un peu plus de toi. Mais tout cela demande une préparation, des étapes qui doivent être validées.

— Bien sûr, Lev.

— Bon… tu sais quoi ? On va tenter autre chose demain. Tu es d’accord ?

Sentant mon cœur s’accélérer, je m’empressai d’acquiescer.

— Merci, Lev !

— Tu sais bien que je ferais tout pour toi, ma chérie !

Je m’endormis dans ses bras, rassurée.

Le lendemain soir, Lev ne me donna pas sa verge à sucer. Il me porta au lit, me déshabilla entièrement et se mit à m’embrasser avec la ferveur de la première fois.

Sous ses caresses, je ressentis de nouveau cette excitation monter dans mon ventre comme un feu débutant. Plutôt timide, d’abord, il embrasa mon ventre lorsque Lev vint embrasser l’intérieur de mes cuisses. J’eus un petit reflexe de défense en refermant mes jambes. Est-ce que ça allait faire mal, et surtout, allais-je me montrer à la hauteur ? De nouveau, le spectre lascif des Svetlana et autres Tamara vint danser devant moi.

J’aperçus son iris émeraude, entre deux mèches grises. Le regard était malicieux. Mais Lev se contenta de me mordiller l’intérieur de la cuisse, tout en passant lentement la pulpe de son pouce sous ma culotte, entre mes replis intimes, déjà trempés de rosée. Depuis le temps que j’attendais ça !

Il se redressa et commença à déboutonner son jean, les yeux posés sur moi.

— Tu veux que je te prenne, Fassa ?

— Oui, Lev. S’il te plaît.

Son sourire lumineux fusa de nouveau. Il rabattit ses longs cheveux pâles derrière son dos d’un geste rapide et escamota son pantalon.

Je jetai un œil respectueux et fasciné, teinté d’une légère appréhension, sur son phallus conquérant.

Je crus défaillir en voyant la taille de son sexe. Était-ce toujours aussi énorme ? À l'idée que cet organe strié de veines violacées, nerveux et apparemment dur comme de la pierre allait entrer dans mon ventre par un orifice qui me paraissait en contrepartie minuscule, je manquai de me sentir mal.

Lev se pencha sur moi, le sourire carnassier.

— Quand tu me regarde comme ça, Fassa, murmura-t-il, avec cette bouche mouillée et offerte… Je n’ai qu’une envie : enfoncer ma queue bien profond au fond de la gorge, pour que tu me regarde avec ces beaux yeux de biche suppliante.

Je me mordis la lèvre, heureuse de susciter un tel désir chez mon amant.

— Mais je vais me passer de ta merveilleuse bouche pour aujourd’hui, continua-t-il en attrapant une petite fiole posée sur sa table de nuit. Ce soir, on va explorer autre chose… Retourne-toi.

J’obtempérai, habituée à obéir à cette voix charmeuse et autoritaire. Je lui jetai tout de même un regard par-dessus mon épaule, un peu surprise. Lev vint se positionner au-dessus de moi, initiant un massage crapuleux.

— J’avais dit que ce soir, je m’occuperai de toi, Fassa, m’expliqua-t-il en enduisant ses mains d’huile.

D’après ce qu’il m’avait raconté, Lev avait beaucoup pratiqué le yoga tantrique en Inde, ces dernières années, et c’était un excellent masseur. Lorsque ses mains chauffées par l’huile se posèrent sur mes lombaires, je poussai un soupir de volupté.

Ses mains, grandes et fortes parcoururent mon dos, de haut en bas, en exerçant des pressions bienvenues dans le creux de mes reins. À chaque fois que ses mains passaient sous mon tanga, je retenais mon souffle. Elles s’aventuraient de plus en plus loin. De temps en temps, le bout de ses phalanges venaient effleurer mon intimité, me mettant à la torture. Je ne pouvais que me tortiller, impuissante, mon bassin initiant des mouvements malgré moi, à la recherche d’un plaisir inconscient. Mes mouvements et soupirs lascifs semblèrent plaire à Lev :

— Te voir lever ta croupe comme une chienne en chaleur, Fassa, si tu savais comme c’est excitant… Tu as envie de moi à ce point-là ?

Ses mains douces descendirent le long de mon dos. Ses doigts habiles effleurèrent mes reins, puis mes fesses. Parvenues au niveau de mes cuisses, il passa un doigt rapide sur mon sillon, qui s’ouvrit comme un coquillage. Et il saisit mes fessiers, à pleines mains.

— Je veux te sodomiser, souffla-t-il d’une voix rauque à mon oreille.

La menace me fit l’effet d’une douche froide.

— Quoi ? Hein ? Mais…

— Tu ne veux pas ?

Je lui jetai un regard par-dessus mon épaule, inquiète.

— Je l’ai jamais fait, Lev.

Un petit rire, à la fois tendre et moqueur, sortit de sa gorge.

— Sans blague ?

Je me retournai complètement. Lev m’embrassa tendrement, avec beaucoup de passion. Je me laissais fondre sous sa langue, comme un chocolat.

Lorsqu’il descendit sur ma gorge, je fermai les yeux. La main de Lev était passée de mes hanches à l’intérieur de mes cuisses, et son index caressait mon clitoris avec beaucoup de savoir-faire.

— Lev… commençai-je.

— Chut. Laisse-toi faire.

Encore ce ton à la fois doux et autoritaire. J’étais obligée de lui obéir, d’autant plus qu’il s’y prenait très bien.

Lorsque son majeur glissa sur ma fente, je laissai échapper un gémissement. La langue de Lev était sur mes tétons, qu’il suçait avec beaucoup plus de douceur que la veille.

— Ne le mets pas dedans…

— Je sais.

Pourtant, j’en brûlais d’envie. Mais Lev avait accepté de patienter, et il avait parlé de mariage… Cela valait le coup d’attendre.

Du reste, il ne s’attarda pas. Sa main glissa sur ma vulve, effleurant mes chair avec une douceur diabolique. Puis je sentis le bout de ses doigts sur mes fesses. Je me tendis un peu lorsque son index effleurant le petit renflement de chair qui se cachait entre, mais moins que tout à l’heure.

— Lev…

Sa langue explorait mon nombril. Lorsqu’elle gagna mon pubis, mes hanches se mirent à bouger, cherchant à venir à sa rencontre. Enfin, il attrapa les ficelles de mon tanga et le tira vers le bas.

Je poussai un soupir, croisant son regard vert et intense.

— Ça va ? me demanda-t-il. Tu veux que je continue ?

— Oui, soufflai-je. S'il te plait.

— Ok, murmura-t-il en réponse, et cette fois, il retira complètement ma culotte.

Il se releva pour regarder, et je tournai la tête de côté, un peu honteuse : Lev se rasait le pubis, mais pas moi.

— Tu es blonde ? me demanda-t-il alors, ayant la preuve indiscutable de ma blondeur sous les yeux.

Je tournai le regard vers lui, acquiesçant en silence. Comme je me teignais les cheveux en noir corbeau, Lev n'avait eu aucun moyen de le savoir avant.

Il rit légèrement.

— C'est amusant, dit-il. Avant que mes cheveux ne se mettent à blanchir prématurément, ils étaient au contraire encore plus noirs que les tiens !

J'avais du mal à m'imaginer Lev avec les cheveux noirs. Mais sa remarque me détendit, et je pus à nouveau le regarder. Il me sourit gentiment, puis se remit à m’embrasser.

Je savais que de nombreux couples chrétiens, pour préserver leur virginité, avaient recours aux relations anales. Pourtant, la Bible était formelle : Dieu avait envoyé les anges détruire Sodome et Gomorrhe justement parce des hommes s’y adonnaient… n’appelait-on pas cette pratique « sodomie », justement, du nom d’un péché bien connu ? Si je laissais Lev me pénétrer à cet endroit, alors, ma virginité ne valait plus rien. Autant carrément sauter le pas.

— Lev, commençai-je en caressant sa longue chevelure d’argent. J’ai bien réfléchi. Je suis prête.

Les iris absinthe de Lev se posèrent de nouveau sur moi, attentives. Sa pupille s’était réduite à un mince filament, comme un œil de serpent.

— Vraiment ? C’est merveilleux, Fassa. Je suis touché que tu m’accordes une telle confiance. Tu verras, je ferais attention. Et je mettrai beaucoup de lubrifiant. En revanche, il faudra que tu te remette sur le ventre, ce sera plus facile.

Je compris que Lev se méprenait. Il n’avait pas compris ce que je voulais dire.

— Je ne parlais pas de cette pratique-là, répliquai-je un peu vertement. La sodomie, c’est hors de question, Lev. C’est un péché mortel.

Une lueur de déception dansa dans ses yeux, avant de se changer en quelque chose d’autre. De la malice… et bientôt, il éclata de rire.

— Un péché mortel ! Comme tu y vas !

— Je suis sérieuse. Comme tu l’as si subtilement deviné, je suis luthérienne, Lev. J’ai eu une éducation très religieuse. La Bible est sans équivoque, là-dessus : le Tout-Puissant a envoyé ses armées angéliques détruire les sodomites.

Lev eut l’air d’hésiter entre la stupéfaction et l’hilarité. Je connaissais la réplique suivante, pour y avoir eu droit avec mon ex : « Et tu y crois, à ces foutaises ? ». Si ces mots méprisants franchissaient ses lèvres, j’étais décidée à le bouter hors du lit.

Cependant, Lev ne fit rien de tel. Il me regarda en silence, puis son sourire s’élargit.

— Quelle force de caractère… porter de telles convictions, jusqu’au bout !

Un immense soulagement détendit mes épaules. Lev ne se moquait pas. Je m’étais sentie prête à me battre avec lui, comme Jacob lorsqu’il affronte l’ange. En fait, tout à fait comme dans la parabole biblique, j’avais l’impression d’avoir passé – avec succès – un test important.

Lev s’allongea à côté de moi, m’invitant à venir me blottir contre son torse puissant. Il me caressa gentiment le dos, tandis que la tension retombait. Songeuse, j’enroulai autour de mes doigts ses longs cheveux, dont quelques mèches reposaient sur son ventre musclé.

Le moment était passé. Ce ne serait pas aujourd’hui que je perdrais ma virginité.

— Qu’est-ce que tu fais, pour le réveillon du nouvel an ? me demanda alors Lev.

Je relevai le visage vers lui.

— Comme d’habitude… Je le passe en Suède, dans le chalet de mes parents. Et Noël à l’église.

Pour la première fois depuis des années, l’idée ne m’enchantait guère. Cela allait me tenir éloignée de Lev.

— Qu’est-ce que tu dirais d’aller quelque part avec moi ? proposa-t-il alors.

Je me redressai sur les coudes, toute excitée.

— Tu es sérieux ?

— Bien sûr, répondit Lev, une lueur amusée dans le regard.

— Où ça ?

— Je te laisse choisir la destination.

— L’Islande ! m’écriai-je sans hésiter. Je veux passer le nouvel an en Islande, Lev. Emmène-moi là-bas.

Lev leva un sourcil, un peu étonné.

— L’Islande ? Tu ne préférerais pas un pays chaud, comme les Bahamas, ou la Birmanie ?

Je secouai la tête.

— J’adore l’Islande. Et les Arstidir donnent un concert à Reykjavik, cette année…

— Les quoi ?

— Arstidir. C’est un groupe islandais. Comme Sigur Rós, ou Björk…

— Je ne connais pas, répondit Lev à ma grande déception.

À part les tubes idiots qui passaient à la radio dans sa voiture, Lev n’écoutait pas de musique. Cela me désespérait.

— Très bien, décidai-je. On va à Reykjavik pour te bâtir une culture musicale.

— J’avais surtout pensé à aller voir une aurore boréale sur un volcan… protesta-t-il.

— On fera ça aussi, souris-je en posant ma joue sur sa poitrine.

— C’est décidé alors, fit-il en me serrant contre lui. J’aurais une petite surprise pour toi, là-bas, Fassa.

Mon cœur s’accéléra d’anticipation.

— Une surprise ? Laquelle ?

— Tu verras. Si je te le dis maintenant, ce ne sera plus une surprise.

Je me serrais contre lui, excitée comme une gosse. Lev était parfait. Qu’avais-je fait pour mériter tant de bonheur ?

Entre Lev et moi, les choses progressaient très vite. Mais personne dans mon entourage ne le connaissait, et cela devait être la même chose dans le sien. Nous vivions notre relation de manière fusionnelle et clandestine, dans le cocon enneigé de son grand chalet perdu au milieu de la forêt.

— On a décidé de ce qu’on faisait pour le nouvel an, mais pas pour Noël. Et pourquoi n'irions-nous pas le passer dans ta famille, puisque la mienne sera en Suède ? lançai-je tout à fait innocemment, avant de me rendre compte que jamais Lev n'avait évoqué l'existence de cette dernière.

Justement, Lev, qui était en train de faire tourner sa cuillère dans son café d'un air absorbé, se figea à cette évocation. C'était léger, mais cela ne m'échappa pas.

— Et la messe de Noël, alors ? Pour ma part, en tant qu’orthodoxe mécréant, il est hors de question que je mette le pied dans une église : j’ai suffisamment donné avec les bénédictions quand j’étais dans l’armée. Je respecte tes convictions, Fassa, mais ce serait du plus mauvais goût.

— Ça va, je peux me passer de messe, répliquai-je en roulant des yeux. La véritable relation avec Dieu se passe dans le cœur ! C’est surtout pour mes parents, que c’est important.

Lev acquiesça en silence. Je m’approchai de son dos et me penchai, l’entourant de mes bras.

— Cela fait un mois que nous sommes ensemble, et jamais tu ne m'as présenté à un membre de ta famille. Savent-ils au moins que j'existe ?

Je crus entendre un léger « Il ne vaudrait mieux pas », mais je pus tout aussi bien l'avoir rêvé.

— C'est impossible, finit-il par répondre d'un ton légèrement sec. Je n'ai pas de famille.

— Pas de famille ? fis-je, étonnée. Tu dois bien en avoir une ?

En levant discrètement les yeux, je pus m'apercevoir que la mâchoire de Lev tressaillait légèrement, comme il faisait lorsqu'il était contrarié. Il allait probablement chercher à me mentir.

— Ils sont tous morts, dit-il enfin en se dégageant avant de se lever. Mais je t'emmènerai dans un endroit bien pour Noël, c'est promis.

Il m'embrassa sur le front et partit s'enfermer dans son bureau.

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