Le mariage
Le passage à l'église fut relativement expédié, parce que Lev n'avait cédé sur la cérémonie luthérienne qu'à condition qu'elle ne dure pas. Debout avec mon mari devant le pasteur, les bords de ma robe de satin et de tulle blanc me grattant la peau, j'attendais moi aussi avec impatience qu'on nous fasse prononcer les mots fatidiques.
Ceux-ci arrivèrent bien vite. Le pasteur nous fit nous tourner l'un en face de l'autre, et je me retrouvais devant Lev, qui affichait un sourire tranquille et confiant.
— Lev Haakonen, voulez-vous prendre pour épouse Fassa Aaristi, debout devant vous, et lui jurer amour et fidélité jusqu'à ce que la mort vous sépare ?
Je jetai un rapide coup d'œil au prêtre, assez mécontente de son texte. J'avais demandé « amour et fidélité éternelle », et pas « jusqu'à ce que la mort vous sépare ». Entendre ce mot à mon mariage, censé être un événement auspicieux, ne me plaisait pas du tout. Je vis que Erik, debout derrière moi, avait tilté également.
Lev planta son regard dans le mien. Les coins de sa bouche sensuelle étaient relevés comme s'il avait du mal à cacher son ravissement, et l'étonnante prunelle fendue de ses yeux de chat s'étira.
— Oui, dit-il lentement d'une voix grave, je le veux.
Il me sourit à nouveau, puis reporta son attention sur le prêtre qui demanda :
— Fassa Aaristi, voulez-vous prendre pour époux Lev Haakonen, ici devant vous, et lui jurer fidélité et amour éternel ?
Cette fois, il l'avait dit. Je me demandais pourquoi il l'avait oublié pour moi, d'ailleurs.
C'était maintenant à mon tour. Me sentant soudain aussi nerveuse que la première fois où j'étais montée sur scène devant tout le monde, à seize ans, j'avais l'impression que tout le monde était suspendu à mes lèvres. C'était effectivement le cas. Mon fiancé tourna vers moi un regard intense, et je sentis une main agripper le rebord de ma robe, discrètement. C'était Erik.
Mais malgré le regard lourd que je sentais posé dans mon dos, aucune voix ne me souffla à l'oreille. Pas de « Non, Fassa, non » ni « Résiste », et le visage de mon futur mari, lumineux et souriant, ne contenait plus aucune trace de malice.
— Oui, je le veux, fis-je alors, et je soufflais légèrement. Aussitôt, Lev se saisit de ma main, la serrant dans la sienne comme si elle lui avait toujours appartenu.
— Je vous déclare mari et femme, statua le prêtre.
Erik me tendit alors la boîte contenant les alliances. Je l'avais choisi comme témoin, car il était la seule personne à nous connaître tous les deux. Je la passais à Lev, qui l'ouvrit et en sortit un simple anneau en platine, qu'il passa à mon doigt. C'était moi qui avais choisi cette bague, la trouvant bien plus pratique à porter quotidiennement que l'énorme diamant que Lev était prêt à me payer. Lev avait exactement la même, et je la lui passais au doigt sous les applaudissements de mes amis. Lorsque ce fut fait, il m'attira à lui et m'embrassa, choquant probablement ma mère pour le reste de sa vie.
Pendant la soirée, on s'enivra pas mal, mon mari y compris. Tout le monde lui découvrit un côté chaleureux et enjoué que jusqu'ici, j'étais la seule à vraiment connaître. Il chanta même avec mes amis à la fin du banquet, à l'écoute de sa voix puissante et harmonieuse, je me fis la réflexion que c'était vraiment dommage qu'il haïsse la musique. Au moment de trinquer, quand ce fut au tour d'Erik, Lev fit une chose inattendue : il attrapa mon timide ami par les épaules et l'embrassa sur les deux joues. Erik, pétrifié, rougit violemment, ce qui provoqua l'hilarité de nos amis. Pour ma part, force était de constater que ces deux là, non contents de se connaître depuis longtemps, avaient une relation ambiguë. Lorsque Erik, le feu sur ses joues pâles, se tourna vers moi en posant son regard triste dans le mien, je lui souris néanmoins. J'étais heureuse que Lev manifeste une telle affection à mon meilleur ami, et j'espérais que ce serait bientôt le cas de ce dernier également.
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