La fuite du cerveau
Mais enfin, qu’est-ce que tu fais ? Je vois bien que tu regardes la télévision, mais je veux dire : qu’est-ce que tu fous devant ce programme ? Je croyais qu’on était d’accord pour dire qu’il n’y avait rien de pire, que jamais on ne s’y abaisserait, pas même pour rire et se moquer. Que donner du temps pour ça, c’était accepter la fuite du cerveau, la capitulation de l’intellect, la ruine de la culture. Oh, tu peux souffler, grogner que j’exagère. Tu veux expérimenter l’abêtissement express ? La nullité absolue ? Tu as conscience qu’ils font exprès de sélectionner des énergumènes pareils, non ? Ça me fait mal de te voir comme ça, mon chéri, affalé sur le canapé devant cette bande d'imbéciles. Regarde celle-là, avec ses pommettes liftées et ses lèvres turgides, on dirait que ses nibards veulent se tirer du débardeur ! Je suis sûre qu’elle ne sait même pas cuire un œuf. Et ne me dis pas que je suis jalouse, hein ! Comme si je pouvais envier cette pauvre fille accro à la superficialité, dont la cote de popularité ne tient que par son talent à nous faire sentir intelligents. Allez, tu as gagné, je te laisse suivre le Grand Prix. Même si je me fiche des sports mécaniques comme d’une guigne, j’admets que les pilotes savent faire le spectacle. Surtout l’anglais, là, j’avoue qu’il est assez mignon.
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