La dune
La dune avance. Année après année, elle gagne du terrain, inexorablement. En conséquence, la végétation recule et disparaît, inévitablement. Tous les spécialistes vous le diront : le processus est irréversible. Pour un coût délirant, et un résultat bien relatif, on peut essayer de ralentir le développement du phénomène ; planter des tiges, des brins, tresser des fascines, dresser des palissades. Mais il faut se rendre à l’évidence : l’erg fatidique finit toujours par l’emporter.
Ma compagne assure que je serai très beau avec le crâne rasé. Devant le miroir, je grimace, tortille la bouche, fronce les sourcils ; c’est à moi qu’tu parles, enculé ? C’est à moi qu’tu parles comme ça, mec ?
Le désert avance, c’est entendu, et sans tout à fait m’y résoudre, je m’y suis habitué. J’y trouve même parfois une certaine classe, un incontestable cachet. Si j’attache et remonte haut le chouchou dans mes cheveux, chignon jusqu’au-dessus de la tête, on croirait — presque — se tenir face à un guerrier du japon médiéval ; le Man Bun du samouraï sans casque, le chonmage du shinobi sans masque, tapi dans l’obscurité, bardé de kunaï et de shuriken, une main sur son kusarigama.
Sans jamais tout à fait m’y résoudre.
En ce premier jour de l’année, je prends une grande décision. Il est temps de changer ses habitudes, de muer, et de laisser faire la nature. D’un clignement des yeux, j’immortalise et range dans ma mémoire celui que je fus pendant plus de vingt ans.
— Tu es prêt ? demande ma compagne qui sourit dans le miroir, une tondeuse à la main.
— Hai ! je réponds en hochant la tête.
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