Chapitre 6

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Que le ciel soit loué, Danaos était arrivé pour me sauver. En avisant la situation dans laquelle je me trouvai, il se figea un instant, mais reprit très vite contenance.

— Mon seigneur, salua-t’il Apollon d'une profonde révérence, cette belle jouvencelle est mienne. Si elle vous a causé du tort, j'en suis sincèrement navré, néanmoins pourriez-vous me la restituer, je vous prie ? Elle sera châtiée comme il se doit, je vous en fais la promesse.

Hein ? Pourquoi est-ce qu'il parlait comme ça ? Non mais franchement, c'était lui que j'allais restituer à sa mère, après l'avoir bien torturé. Je n'étais pas un objet, par la gueule de cerbère langue de vipère ! Il allait m'entendre.

Il se releva de sa stupide révérence, mec on avait évolué quoi, ses yeux exprimant le fond de sa pensée : " quoi qu'il se passe ne parle surtout pas, je gère pépère ". Oui, oui pas besoin de se parler pour savoir ce qu'il pensait. Nous nous connaissions si bien lui et moi…

Mon assaillant, Apollon, se releva souplement, et en exécrable gentleman qu'il était, me laissa avachie sur le sol.

— Satyre puant, bourgeonné-je discrètement en me redressant prestement.

Malheureusement pour moi, il avait entendu...

Lui qui s'était éloigné de moi grâce à l'intervention de Danaos, se retourna brusquement en me regardant froidement. Euh, avais-je touché une corde sensible ? Possible.

— Qu'as-tu dis petite rose ? me demanda-t-il d'un ton faussement mielleux. Tu sais avec l'âge, je n'entends plus très bien.

Et là, il me sourit et je pus apercevoir ses dents acérées. Allait-il me manger sans autre forme de procès ?

J’avalais difficilement ma salive. Mais Danaos qui avait l’habitude de rattraper tout ce que je disais, la vérité ça blessait, intervint.

—Votre seigneurie, ne faites point attention à ses propos, la pauvre elle est un peu dérangée fit-il sous le ton de la confidence en tournant son index sur son front. Elle a tendance à parler toute seule…

Moi, je suis dérangée, aurais-je voulu hurler, mais il me fit ses gros yeux et secoua la tête discrètement. Ma bouche resta donc close, cependant il ne payait rien pour attendre. Je me vengerai.

En entendant ses mots, Apollon porta son attention sur lui, l’air sévère.

—Mon garçon j’ai peut-être des siècles d’existence, néanmoins je ne suis pas pour autant né de la dernière pluie. Tu peux me parler normalement, je n’en prendrai pas ombrage. Quant-à-toi, dit-il en me pointant du doigt, je laisse passer ton impertinence pour une fois. Sache que si tu recommences, je te concocterai une punition de mon cru… Ses yeux exprimaient ses sombres paroles, il se dirigea ensuite vers Rallyeso, la saisit par la taille tendrement et embrassa sa joue. Cet homme était lunatique, ce n'était pas possible. Il changeait d’humeur comme une girouette.

Je hochais la tête en signe d'assentiment, mais intérieurement, je fulminai de rage. Une punition, il se croyait où ? Au Moyen-âge ?

—Maintenant petite fleur, viens me donner un baiser pour te faire pardonner, me quémanda Apollon un sourire canaille étirant ses lèvres.

Rally se retourna vers lui choquée de cette demande, alors que quelques instants, auparavant, il l’avait affectueusement enlacé.

—Pardon, m'écriai-je outrée en fronçant les sourcils.

—Tu m'as parfaitement compris mon petit bégonia, affirma-il tout en délaissant Rally et en s'approchant de moi dans une démarche féline.

Tu vas me donner un baiser ou sinon je vais sévir.

Il fit apparaître un fouet dans sa main gauche et dans un geste rapide le fit claquer sur sa paume. Le son résonna dans le silence de la pièce en guise d'avertissement. Je ne bronchais pas, j'avais appris à ne jamais montrer ma peur lors d'un combat. Apollon fut décontenancé par ma non-réaction, il s'éloigna de moi pour s'avancer vers Rallyeso et enrouler la lanière du fouet autour de son cou. Le souffle de cette dernière se fit erratique, elle avait peur. Ce gredin était en train de me faire du chantage en menaçant ainsi mon amie. Il avait compris que je préférais être torturée, plutôt que de me soumettre à lui, aussi puissant soit-il. Il ne me faisait pas peur. Cependant, il avait trouvé mon talon d'Achille. Personne ne devait s'en prendre aux gens que j'aimais.

Mon père, qui m'avait appris à ne jamais donner à l'ennemi ce qu'il voulait, serait déçu de ma capitulation. Pour moi ça n'en était pas une, il s'agissait d'un défi. Il voulait un baiser, j’allais le lui donner. Mieux valait cela à la souffrance des morsures du fouet que ressentirait Rally.

Danaos, qui était resté silencieux jusque-là, intervint.

— Mon seigneur, il est inutile d’avoir recours à de telles extrémités, j’accepte qu’elle vous accorde ce baiser. Même si je tiens à vous rappeler qu’elle m’est destinée.

Je le regardai interloquée par ses propos. Il acceptait ? Je lui étais destinée ? Depuis quand décidait-il de ce que je devais faire ou non. Alors là, c’était vraiment trop ! Je me retournai vers lui en le fusillant du regard.

— Non, mais tu es sérieux ? Tu me donnes l’autorisation. Je ne savais pas que je devais avoir ton aval, explosai-je. Je suis une grande fille, tu sais ! Je peux réfléchir par moi-même, inutile de parler en mon nom et de prendre des décisions à ma place.

Danaos ne se laissa pas décontenancer par mon ton virulent, il avait l’habitude de mes explosions de colère.

— Ecoute ma petite danseuse, je dis ça pour ton bien et celui de Rally. Accorde-lui ce baiser comme ça après tu auras la conscience tranquille.

Mouais, il utilisait un ton apaisant et le surnom affectueux qu’il m’avait attribué pour essayer de m’amadouer, mais c’était peine perdue, j’étais vénère et j’avais mes règles en prime.

— Tu crois sérieusement que je l’aurai laissé torturer Rally, lui fis-je remarquer en pointant du doigt Apollon. Tu me prends pour un monstre ou quoi m’égosillai-je à bout de souffle.

Je devais sûrement avoir les joues écarlates et ressembler à une furie à force de hurler de la sorte, mais je m’en fichais royalement. Apollon, que je n’avais pas senti approcher, me susurra dans l’oreille :

— Tu es absolument divine lorsque tu t’énerves ainsi mon petit oiseau de paradis.

Il m'enlaça et frotta sa joue contre la mienne. On aurait dit un animal en manque d’affection. Je me dégageai de son étreinte et continuai à fustiger Danaos.

— Est-ce que moi je m’occupe de ta vie ?

Mon meilleur ami hocha négativement la tête.

— Non c’est bien ce que je me disais ! Retourne jouer les don juan briseurs de cœur auprès de tes greluches, au lieu de te mêler de ce qui ne te regarde pas.

Je m'écartai de lui pour revenir à d'Apollon et me souvins d'une chose.

— Ah, j’oubliais, je ne suis pas ta copine, tonitrué-je à son visage, agacée comme pas possible.

Une triste lueur fugace traversa son regard, puis Danaos s’enferma dans une attitude sérieuse et froide. Je l’avais blessé, je le savais et je le regretterais amèrement après m'être calmée. Son intervention chevaleresque, pour me sauver, avait été adorable et moi, je l’avais utilisé comme punching-ball pour extérioriser ce que je ressentais depuis que cette journée avait commencée. Je poussai un soupir plein d’amertume, la vie était parfois injuste.

Je chassai très vite ces pensées obscures avant que ma conscience ne me rappelle à l’ordre. Hélas, je ne restai pas longtemps tranquille, car Apollon revint à la charge.

— J’espère que votre charmante petite dispute est terminée, car je n’ai pas que ça à faire, lança t'il moqueur. J’ai un conseil à huit heures tapantes et il est, il consulta une montre invisible sur son poignet avant de reprendre:

— Sept-heure-trente précisément, Zeus n’accepte aucun retard.

Je pivotai vers ce nuisible le regard noir, les hommes étaient vraiment des gamins capricieux !

J'allais lui donner ce baiser pour qu'il me fiche la paix. Tel un taureau lors d'une corrida, je fonçai vers lui tête baissée indifférente au monde qui m'entourait. Je saisis brusquement sa nuque pour attirer son visage vers le mien et plaquai violemment mes lèvres contre les siennes. Il ne méritait aucune tendresse de ma part. Je m'écartais pour mettre fin à cette étreinte, mais il ne me laissa pas faire... Ses yeux étaient réduits à deux fentes, son regard n'était que désir et moi, j'allais défaillir...

Ses bras s’enroulèrent autour de ma taille et il me plaqua tout contre lui en parsemant mon visage de bécots mouillés. J’essayai de me dégager, mais il me tenait fermement contre son torse massif. Je frissonnai prisonnière de cette cage musclée qui m’enserrait sans me faire de mal au contraire. Mon corps, se traître, appréciait particulièrement le traitement que lui infligeait les sensuelles lèvres d’Apollon, j'étais comme tombée dans une brume épaisse.

Sa main remonta lentement le long de mon échine pour venir s’échouer sur ma gorge et s’y enrouler telle une liane autour d’un arbre. La main baladeuse continua son chemin jusqu’aux vagues que constituaient mes cheveux pour les libérer de leurs étaux et les laisser cascader en toute liberté. J’essayai de résister, mais n’y arrivai pas. Ses lèvres vinrent délicatement effleurer les miennes, sa respiration s’accéléra et il poussa un grognement guttural, presque animal.

Je sursautai et esquissai un mouvement de recul, le brouillard dans lequel j'avais plongé s'était dissipé. Apollon me lâcha enfin et je titubai telle une ivrogne sur mes jambes flageolantes et honteuse de mon comportement. M'avait-il envoûtée pour que je le laisse ainsi me toucher, sans réagir ? Il était réputé pour sa sournoiserie, donc cela était fort possible...

J'allais le tuer, comment avait-il osé me faire ça. Utiliser ses pouvoirs tel un truand.

Je fus, tout d'un coup, surprise par Danaos qui agrippa brusquement mon bras pour me tirer en arrière. Il se plaça ensuite devant moi en faisant un rempart de son corps. Il me protégeait, quand même, après tout ce que je lui avais craché à la figure. Mon cœur se réchauffa d'allégresse envers lui, mon sauveur. J’avais envie de le serrer dans mes bras, il était tellement beau, tellement viril lorsqu'il était en colère. Tout en lui exprimait la rage qu'il contenait à l'encontre du souverain de la lumière. Sa respiration s'était faite plus forte, ses muscles étaient tendus à l'extrême et il avait les poings serrés prêt à en découdre. Je caressai délicatement son bras pour essayer de le calmer, mais il ne sembla pas le remarquer. Un tic nerveux agitait sa joue et quand il parla, ce fut sur un ton glacial :

— Elle vous a donné ce que vous vouliez et vous avez même profité de la situation ! Maintenant laissez-là tranquille !

Apollon n'en avait cure, il arborait une moue réjouie, comme si on lui avait offert le plus beau des cadeaux, en l'occurrence mes lèvres. Mes mains me démangeaient, j’aurais voulu lui donner une bonne gifle pour lui replacer les idées correctement dans sa tête. Il jubilait et moi, je fulminai.

—Ce fut un plaisir belle Hestia, on recommence quand tu veux. Tu as un goût absolument exquis, dit-il d’un ton gourmand en me faisant un clin d’œil. Mais je n’ai pas oublié, tu n’as toujours pas répondu à ma question, mais je saurais bientôt ce que tu es ma petite fleur...

Sans un regard pour Danaos ou Rally, il s’illumina, nous éblouissant. Je dus porter un bras devant mes yeux, car la lumière était vraiment puissante et il disparu subitement comme l’avait fait sa sœur dans les bois.

Je me retournai vers Rally qui était restée très silencieuse. Elle dardait sur moi un regard ivre de colère, je baissai la tête honteusement. J’avais embrassé son mec devant ses yeux, je sentais qu’elle allait me passer le savon du siècle, alors que j’avais agi de la sorte pour la sauver tout de même.

La vie était parfois injuste…

Non, je n’étais pas caliméro, mais j’avais passé un très mauvais début de matinée. Qu’allait donc me réserver le reste de cette journée ? Mystère…

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